Le vent

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- Demain, c’est toi qui passeras le premier la porte de feu, tu guideras notre clan, et tu deviendras druide.

- Mais, c’est toi le druide Fingen.

- J’assisterai à mes derniers Feux de Beltaine, car je suis malade, et je n’aurai probablement pas la force de tenir jusqu’aux prochains.

Les deux hommes étaient arrivés en haut d’une colline qui surplombait la campagne environnante. Le plus vieux s’assit sur un rocher en s’aidant de son bâton, pendant que le jeune homme d’une quinzaine d’années qui l’accompagnait restait debout à ses côtés.

- Tu ne m’en avais jamais parlé avant.

- J’attendais ce jour. La tribu aura besoin d’un gardien, et ce sera toi désormais. Alors, écoute-moi bien, et réfléchis avant de répondre. Les gens pensent que les druides tirent leur pouvoir de la magie, pourtant il n’en est rien. Quelle est la vraie source de ce pouvoir?

- Le savoir.

- Oui. Nous sommes les gardiens du savoir. Les conseillers des chefs et des rois, car nous avons étudié. Et dans quel but selon toi ?

- Pour maintenir la paix.

- Tu vois, tu es prêt. Mais pour toi, cette tâche sera encore plus compliquée, car tu es le fils de Maël, le chef du clan, et tu devras conseiller ton propre père.

- En effet, j’aurais préféré avoir plus d’expérience.

- L’expérience n’est pas le plus important. Tu serviras un dessein supérieur à la volonté du chef lui-même, car il peut faillir.

Fingen s’interrompit un moment pour regarder la fumée qui s’échappait au loin des cheminées du village. Il était pensif.

- Lorsque tu es né, ton père m’a demandé comment te nommer, et je lui ai répondu : Morgan. Ce qui veut dire « grand » et « brillant ». Et demain brilleront les Feux de Beltaine, en l’honneur de la déesse du feu. Pas le feu qui détruit, mais celui du foyer, qui éclaire, qui protège, qui chauffe et qui nourrit. Tu es lié par ton nom à la déesse Bélissama, la très brillante. Tu seras un grand druide Morgan.

- Et que dois-je faire pour préparer cette cérémonie ?

- C’est le passage de l’obscurité à la lumière, le début des activités estivales. Tu devras préparer et allumer seul les deux grands feux entre lesquels tout le clan passera avec le bétail, pour être protégé durant l’année. Du coucher du Soleil ce soir, jusqu’à demain soir, il te faudra rester absolument seul, en harmonie avec la nature. Tout cela est purement symbolique, mais c’est important pour ceux qui n’ont pas accès au savoir.

- Pourquoi ne pas le leur enseigner dans ce cas ?

- Les gens consacrent toute leur énergie à essayer de survivre, à trouver comment se nourrir, se protéger, et ensuite ils doivent se reposer car ils n’en peuvent plus. Ils n’ont ni le temps, ni la disponibilité pour étudier malheureusement. Mais peut-être qu’un jour les enfants au moins pourront étudier, comme toi.

- Tu penses vraiment que tous les jeunes pourront avoir accès au savoir ?

- Pourquoi pas ? Peut-être même qu’ils auront des sortes de miroirs, à qui poser n’importe quelle question, et qu’ils auront immédiatement des réponses.

- Tu as vraiment de l’imagination !

- Lorsque nous partagerons le savoir et la paix, qui sait ce qu’il sera possible d’accomplir ? Je te l’ai dit, la magie n’existe pas. Nous utilisons ce mot pour cacher l’étendue de notre ignorance. Mais pour l’heure, tu dois te préparer à la cérémonie. D’après toi, pour que la nature apporte aux gens ce dont ils ont vraiment besoin, qu’est-ce qui est important, en plus du feu ?

Morgan se baissa, et prit un peu de terre dans sa main.

- Je pense que c’est le sol, qui nourrit en permettant de faire germer les graines.

- C’est bien.

- L’eau aussi, pour les cultures et la purification.

- Continue.

- Et le vent qui amène la pluie bénéfique, mais aussi la tempête et les éclairs que nous devons craindre.

- Ces quatre éléments dont tu viens de parler furent cités il y a bien longtemps par Empédocle d’Agrigente. Ils sont à la base de notre compréhension du monde. Tu possèdes la sagesse, Morgan. Maintenant, je vais te laisser. Tu vas commencer par honorer le vent, du sommet de cette colline, puis tu feras de même pour les autres.

- Mais comment ?

- Avec ta semence mon jeune ami !

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