trois Soeurs

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Les sœurs restèrent, un long moment, à regarder les couples qui dansaient sur la piste. Les jeunes cavaliers virevoltaient avec leurs partenaires, à qui mieux mieux exécutaient la plus belle posture. Ils les exhibaient fièrement comme s’ils venaient tous justement de les rencontrer. Une compétition aussi spontanée qui trouvait ses origines dans la nature profonde de l’être humain. Parfois, ces couples s’oubliaient et prenaient du plaisir dans leurs mouvements. Ils riaient timidement quand une maladresse survenait et aussitôt, ils se rattrapaient avec aisance.

Cendrillon connaissait presque toutes les jeunes filles de la soirée et se réjouissait de leur bonne humeur ; même si elle ne portait pas certaines d’entre elles dans son cœur, elle leur reconnaissait, pour une fois, le droit d’être heureux.

Un jeune homme se présenta à elle et l’invita à danser, tandis qu’un autre l’observait de loin sans se manifester. Sa remarque fut directe et sèche. Elle le convia, plutôt, à prendre sa plus jeune sœur comme cavalière. Et sans même attendre sa réponse, elle partit sur-le-champ, à la recherche des cuisines.

Javotte toute confuse ne savait pas quoi répondre, elle n’avait pas eu le temps de répliquer que l’homme était déjà parti. Embarrassée, elle ne savait plus où donner de la tête, mais la main douce et respectueuse de Ralph, le chevalier de la cour, la rattrapa.

– Accordez-moi, demoiselle, cette dance ! proposa-t-il en lui faisant une révérence.

La cadette acquiesça bien vite et s’en alla, tout heureuse, sur la piste.

Cendrillon fut soulagée de ressentir que la foule s’était habituée à sa présence et qu’elle pouvait désormais se déplacer sans attirer leur attention. Cependant, le jeune homme, qui l’avait observé jusqu’à maintenant, se mit à la suivre à son insu.

                                                                                   * **

Pendant ce temps-là, accompagnée de monsieur Filmard, la belle-mère était rentrée chez elle pour tenter de rattraper son erreur. Elle suggéra au cocher de jeter un coup d’œil dans la grange et les écuries pendant qu’elle, elle chercherait dans la maison et le jardin. Une fois finis, ils se rejoignirent dans la pièce principale. D’un air abattu, elle s’exclama : « Elle n’est pas là ! Bon sang, ou peut-elle bien être ?

— Ne vous inquiétez pas, madame, elle s’est certainement retrouvée prisonnière du noir et elle s’est endormie au milieu des bois. C’est vrai que la situation ne s’avère pas rassurante, néanmoins, son caractère tenace la protègera, surement, de la meute de loups qui traine ces jours-ci dans la forêt. »

La belle-mère, horrifiée par le franc-parler de son interlocuteur, se mit à trembler de tout son corps.

« Avez-vous dit une meute de loups ?

— Croyez-moi, madame. Vu le tempérament de votre belle-fille, je crains plutôt pour les loups ! »

La belle-mère, loin d’être rassurée, se crispa en tenant à peine sur ses pieds. Elle tira une chaise vers elle pour s’asseoir.

« Comment ai-je pu être aussi cruelle en la laissant seule ? Je suis une terrible marâtre !

— Mais non, voyons ! Vous vous culpabilisez pour rien ! C’est plutôt elle qui chipotait pour venir.

— Je n’aurais jamais dû la laisser partir en forêt à une heure tardive, murmura-t-elle, en se maintenant la tête entre les mains ; puis, en se tournant vers le cocher elle rajouta, s’il vous plait, monsieur Filmard. Allez chercher mes filles, il n’y a plus rien que vous puissiez faire. Quant à moi, je vais rester ici, attendre que Cendrillon revienne.

— Malheureusement, je ne suis pas si sûr qu’elle puisse réapparaitre ! il n’y a pas que les loups qui soient gros et méchants. Vous savez les chances de survie en forêt…

— Partez, monsieur Filmard ! ordonna-t-elle, irritée. Vous avez assez dit comme ça ! Mes filles sont certainement en train de vous attendre. »

La belle-mère baissa la tête en croisant les bras. Monsieur Filmard hésitait à partir. Il s’était rendu compte de son erreur. Il n’avait fait qu’affoler la pauvre dame au lieu de la soutenir. Il revint sur ses pas et d’une voix qui se voyait rassurante, il s’exclama : « J’avais déjà demandé à l’un de mes amis de ramener vos filles. J’ai anticipé le fait que peut-être… j’allais devoir aller avec vous, en forêt, pour sa recherche. »

Dès qu’elle entendit la déclaration du monsieur, la belle-mère se leva en ayant un sourire aux lèvres.

« Je savais que vous étiez un homme bien, monsieur Filmard ! Allons-y, sur-le-champ, nous n’avons plus du temps à perdre.

— Ne vous inquiétez pas, madame, les loups vont avoir les chocottes dès qu’ils remarqueront le grand gaillard que je suis, s’approcher… Cendrier sera sauvée.

— Cendrillon ! Monsieur Filmard, Cendrillon ! »

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