« Il est hors de question que je lui donne mes pantoufles ! » s’enflamma la fée en s'adressant  à Victor. Celui-ci essayait tant bien que mal de la calmer. Les entêtements de Cendrillon avaient poussé la vieille dame dans une telle hystérie, que seul le jeune homme savait comment remédier.

« S’il te plaît, Oudina, ne t’emporte pas comme ça. Tu peux quand même faire une exception !

- Une exception en lui donnant mes pantoufles ? Certainement pas ! dit-elle en fronçant les sourcils. Et puis, reprit-elle, nous ne chaussons pas la même pointure, son pied est plus grand ! »

La jeune fille n’aimait pas trop qu’on parle de ses pieds, à moins qu’on veuille bien les masser, cela restait toujours un sujet tabou. Cependant, elle comprenait parfaitement les objections de la vieille. Il était tout à fait normal que celle-ci ne cède pas son bien aussi facilement. Loin d’abandonner son idée, Cendrillon insista avec bienveillance : « Vous pouvez, tout de même, avec votre baguette magique, élargir la pantoufle ! Vous n'avez qu’à faire comme ça, puis encore comme ça, et le tour est joué ! »

En se prenant pour une professionnelle, elle avait agité ses mains de façon anarchique pendant qu’elle lui expliquait. Comme si c’était dans ses habitudes d’élargir des choses à l’aide de la magie. Puis, elle arrêta soudain attendant la réponse de la fée.

« Tu vas rater le bal, et ton destin ne sera plus le même ! reprit la dame en se déchaussant. Si je te laisse mes pantoufles, c’est uniquement pour que ça ne me retombe pas dessus ! »

Elle agita sa baguette en divulguant d'une voix sèche sa formule : « Que mes pantoufles si harmonieuses s’ajustent aux pieds de cette enquiquineuse ! »

Ces dernières allèrent tout droit chausser la concernée. Aussitôt, Cendrillon sauta de joie, sans toutefois dire merci, et parti en courant. La Fée, offusquée par tant d’ingratitude, la regardait faire sans rien dire. Puis, elle se tourna vers le cocher et lui fit signe de la tête afin qu’il la suive. Ils se dirigèrent tous deux vers le carrosse. La Fée s’était mise à lui expliquer le maniement de l’attelage quand elle fut interrompue par la jeune fille.

« Poussez-vous ! cria cette dernière en passant au milieu d'eux. Ce n’est pas la peine de lui expliquer. Je vais conduire moi-même le carrosse !

- Hors de question ! hurla encore une fois la fée. Ce n’est pas à toi de le faire !

- Elle a raison, reprit Victor. C’est à moi de le conduire. »

Ce dernier lui tendit la main afin de l’aider à monter à l’arrière. Vexée par la tâche qu’on venait de lui refuser, Cendrillon tardait à lui accorder la sienne. Mais le sourire charmeur de Victor arrangea bien vite les choses, car dès qu’elle revit ses fossettes, la jeune fille accepta son aide et s’appuya sur son épaule pour monter. Quant à lui, il grimaça de douleur, Cendrillon n’était certainement pas tendre comme elle l’avait souvent prétendu.

Victor grimpa à son tour et prit les ênes rentre ses mains. Mais avant de démarrer, la fée déclara que ce qu’elle s’apprêtait à dire, était d’une importance primordiale.

« Souviens-toi, mon enfant, il faut que tu sois rentrée avant le douzième coup de minuit. Après cela, le charme sera aussitôt rompu !

- D’accord ! acquiesça Cendrillon sans aucune protestation. Puis, en s’adressant au cocher, elle rajouta : tu as entendu, Victor ? Le couvre-feu est à minuit. Bon, maintenant, allons-y ! »

Quand elle vit le cocher de démarrer, elle lui demanda de s’arrêter car elle avait oublié Persil.

« Laisse le chien à mes côtés, proposa la vieille dame, je vais bien m’occuper de lui, pendant ton absence. »