Le bar "King"

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Il vit la solitude au quotidien, cherchant inlassablement le contact social. Le vendredi soir, assis au bar, il se nourrit du grésillement des conversations. Il se sent moins seul. L'homme, probablement divorcé et d'un âge avancé, n'a pas beaucoup de visites. Ses conversations sont vite ennuyeuses. Il aime la vie, mais la vie ne l'aime pas. Renfermé devant sa boisson, il a l'angoisse du verre qui se vide trop vite. Cette clepsydre alcoolisée lui indique irrémédiablement le temps qui passe. C'est pourquoi il boit lentement. C'est pourquoi il effectue mécaniquement des rotations de son verre. Par moment, il tapote sa chopine, un geste qui l'aide à se maintenir dans l'ambiance, à ne pas s'effondrer. Parfois, le trait d'humour du barman lui ôte une partie de sa mélancolie. Cela atténue son désespoir, apaise la plaie ouverte de son existence. Avec la soirée qui avance, Il fantasme sur la serveuse, regarde ses courbes généreuses onduler devant lui. Il lui glisse de temps en temps un petit mot d'un goût doûteux dans l'oreille. En buvant une gorgée d'ambre, il applaudit du regard les mouvements de la vie. Il se dit qu'elle est bien jolie la petite brune qui lui remplit une autre bière à sa demande. Elle est comme à une femme attentionnée. Ces simples gestes, il sait les apprécier. Ils sont si rares à son égard.

En tournant la tête, il constate la présence d'un homme, qui pianote sur son téléphone. Il le croit d'abord en conversation. Après quelques regards discrets, il constate qu'il écrit. Pourtant, le pilier de bar n'est pas dupe. Derrière ce masque d'intellectuel se trouve une douleur similaire à la sienne. C'est un nouveau camarade, un exilé. Il sait qu'il reviendra. Pour cet habitué, il ne reste maintenant plus qu'une minuscule gouille au fond de son verre que la physique rend inaccessible. Peut-être, se dit-il, une même force l'empêche d'atteindre le bonheur. Il fait un signe à la serveuse qui s'approche :

- C'est combien ?

- Sept cinquante.

- Alors sur huit.

Il esquisse un sourire, ce don hebdomadaire est tout ce qu'il parvient à donner à l'humanité. Il rêverait d'être un généreux mécène, un médecin acharné. Son budget ne l'autorise pas à plus d'élan solidaire. Il reviendra vendredi prochain en espérant que le jeune écrivain sera là.

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