Chapitre 17.4

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Dans la soirée qui avait suivi, avec deux des labirés les plus doués en informatique et en mécanique, Will s’était évertué à détourner une sorte de scanner. Ils y avaient passé toute la nuit. Ce n’était pourtant pas l’envie qui avait manqué aux malheureux réquisitionnés de rejoindre leurs compagnons qui semblaient se livrer à une fête effrénée dans les couloirs du vaisseau.

Certaines civilisations fêtaient leurs morts, ou se livraient à des libations après un enterrement pour conjurer la perte de l’un des leurs. Les Sumériens semblaient avoir adopté ce type de coutumes, mais Will était beaucoup trop absorbé par son travail du moment pour y accorder l'attention avec laquelle il étudiait habituellement les us et coutumes des civilisations anciennes.

Esmelia, quant à elle, conformément aux conseils de Baal, avait choisi de se terrer dans ses quartiers avec quelques livres récupérés dans la bibliothèque de Will.

Une fois l’appareil de fortune mis au point, il l’avait testé sur lui, puis sur Esmelia, sans découvrir le moindre émetteur susceptible d’avoir conduit l’AMSEVE sur leurs traces.

Will en déduisit que : A) Leurs collègues de l’AMSEVE ne leur avait pas posé de mouchards sous la peau à leur insu. B) Que l’appareil qu’il avait contribué à créer en quelques heures ne fonctionnait pas. Ce qui était sans doute plus probable que sa première hypothèse.

Quinze jours passèrent au cours desquels l’évènement le plus important qu'ils vécurent, de loin, fut le départ de Quick pour Sumer, la planète natale des labirés.

Une nouvelle quinzaine de jours plus tard, au cours d’un dîner durant lequel il ne fit qu’un passage éclair, Baal leur annonça que le vaisseau faisait route vers Eudam’Feuln, une galaxie voisine de celle où orbitait Feloniacoupia.

Le nom de cette galaxie n’évoquait rien à Will et Esmelia qui songèrent sans se concerter qu’ils la connaissaient peut-être sous une autre appellation.

Le Drægan expliqua qu'il avait ordonné que cette direction soit prise après avoir fait quelques recherches et déduit, d’après les informations de Will, que la planète où il prétendait avoir aperçu un portail subsaptial devait être, en réalité, une lune nommée Thœx’mar, l’un des trois petits satellites habités d’une gigantesque gazeuse.

Un quatrième satellite était connu pour avoir été, quelques milliers d’années plus tôt, une réserve de rentium. Celui-ci avait été pompé jusqu’à plus soif. La lune avait été abandonnée en moins d'une décennie par les extracteurs. Il était possible que, depuis, de nouvelles réserves, certes faibles, soient apparues, et que le propriétaire du portail ait trouvé le moyen de les extraire et de les rapatrier sur Thœx’mar.

Deux jours plus tard, le vaisseau de Baal s’était posé sur la face cachée de la seule autre planète du système, dans un desert de sable jaunâtre sans vie sous un ciel nuancé de différents roses. Il n’avait fallu qu’une demie journée à la navette transportant une équipe pour rejoindre Thœx’mar et son unique ville, la tentaculaire Craite.

Thœx’mar était une planète plongée dans un crépuscule perpétuel. Elle était quasiment désertique. Il y avait bien, de temps à autre, entre deux chaînes de montagnes arides, quelques villages, mais la plupart d’entre eux semblaient avoir été désertés depuis des années. Le reste fut un jeu d’enfant. Il avait suffi de la scanner pour repérer trois sources de rentium.

L’une était une petite usine de raffinement. L’autre était un entrepôt plutôt important. Enfin, le troisième semblait être un lieu de dépôt de moindre importance. Ce fut à cet endroit qu’ils découvrirent la boutique du propriétaire de la Bouche.

Habituellement plus receleur de marchandises volées qu’honnête acheteur, le propriétaire ne savait pas à quoi servait réellement cette étrange chose en forme de voûte d’un seul tenant, faite dans un matériau très sombre, d’une solidité à toute épreuve, et parcouru de veines d’un bleu fluorescent et hypnotisant. Néanmoins, il avait supposé que cet étrange artefact devait servir à honorer les dieux.

Il n’échappa pas à l’œil aguerri de Baal que l’homme avait reconnu le Terrien qui l’accompagnait. Il avait déjà remarqué l'intérêt que Will portait à cet objet. Le voyant revenir avec un acheteur potentiel, en bon spéculateur, le recéleur s’était empressé de relever nettement le prix de son portique, arguant du fait qu’il permettait de parler directement aux dieux.

Avec une ironie que son interlocuteur ne put interpréter, Baal ne l’avait pas détrompé sur ce point.

Après avoir découvert que le détenteur du portique était intéressé par du tserarenium, plus rare encore que le rentium dans cette partie de la galaxie, Baal lui avait proposé un échange. Il en avait justement tout un chargement dans son vaisseau dont il souhaitait se débarrasser depuis plusieurs mois. Il avait même songé, durant un temps, à le balancer dans l’espace, malgré l’édit impérial de Polonus XII, respecté par les Sept Galaxies, le lui interdisant.

À cette occasion, Will et Esmelia avaient découvert que, dans cette partie de l’univers, il y avait des lois contre les pollueurs de l’espace. Elles étaient suffisamment dissuasives pour empêcher un ancien dieu de passer à l’acte. Ils ignoraient bien sûr qui était Polonus XII, le contenu exact de l’édit, ou encore quelles étaient ces sept galaxies apparemment alliées politiquement. Jamais Will n’avait lu quoi que ce soit à ce sujet. Il apprit bien plus tard que tout avait été inventé par Baal pour donner plus de poids à ses arguments. Ce qui n’étonna pas le Terrien.

Il apprit aussi que personne ne savait comment pouvait se comporter le tserarenium cristallisé par le froid spatial, alors que dans son état naturel il était déjà relativement instable.

À l’origine, il s’agissait une sorte d’engrais naturel produit par des crumpies, des créatures qui ressemblaient en tous points à des acariens et qui avaient la taille de tricératops. Les habitants de la planète Dtarly où vivaient ces bestiaux s'en servaient à la fois comme montures, animaux de travail et nourriture.

Le tserarenium était le principal produit d’exportation de la planète. Il était suffisamment rare dans l’univers pour être vendu une fortune. Et pourtant, il n’existait pas de réelle utilisation dans sa galaxie d’origine. Il fallait le vendre ailleurs, et très loin de son système d'origine.

Les Dtarlyens ne quittaient jamais leur planète. Ils utilisaient des intermédiaires pour vendre leurs marchandises. Baal ou l’ancien propriétaire du vaisseau devait être l’un d’eux. À l’occasion, bien moins instable que le rentium lorsqu’il se trouvait concentré dans un réservoir hermétique, il pouvait aussi être utilisé comme explosif.

À cause de cela, toujours selon Baal, depuis une cinquantaine d’années, toute exportation, vente et acquisition de tserarenium étaient soumises à des contrôles très stricts par les autorités de Dtarly.

Évidemment, le recéleur en réclamait une quantité dont la valeur était supérieure au prix du téléporteur et du rentium.

En plus du gaz exotique, il recherchait aussi des médicaments. Plus qu’une source énergétique, ou des armes, les médicaments et certains de leurs composants étaient particulièrement recherchés au marché noir.

Baal avait refusé net.

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