Chapitre 15.3

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Will se trouvait toujours à ses côtés, et à mesure qu’il observait lui aussi les différents combats, son visage se décomposait.

— Ça va ? lui demanda-t-elle, connaissant déjà la réponse.

— J’ai toujours détesté les entraînements à l’AMSEVE. Je passais mon temps à les éviter chaque fois que je le pouvais.

— Considère que c’est l’un de ces moments où tu n’as pas pu y échapper.

— Voilà qui me rassure… En plus, ils n’ont pas l’air de faire semblant.

— Détrompe-toi, la plupart d’entre eux retiennent leurs coups.

Il fit un signe de tête en direction de Baal et de son adversaire.

— Tu en es certaine ?

— L’exception qui confirme la règle. J’ignore pourquoi il tient tant à se faire tabasser.

— Je ne l’ai pas vu recevoir beaucoup de coups jusqu’ici. Je t’ai déjà dit que j’ai mordu un dentiste quand j’étais petit ?

— Pas que je sache.

— Il y a aussi une assistante médicale qui m’a couru après durant une heure pour m’enfiler des tuyaux dans les narines. J’ai toujours été allergique à la douleur ou même à l’idée de la douleur.

Elle sourit.

— Tu comptes mordre ton adversaire ?

— Je doute qu’il m’en laisse l’occasion.

— Baal ne les laissera pas te faire de mal.

— Facile à dire.

— Et moi encore moins, tenta-t-elle de le rassurer.

Elle le pensait vraiment. L’idée de le voir souffrir la mettait mal à l’aise. En quelques jours, elle avait lié une vraie relation d’amitié avec cet homme. Le contraire aurait été difficile tant il avait un caractère doux et conciliant.

— La peur, la douleur, tu dois apprendre à vivre avec, lui expliqua-t-elle. Ceci n’est rien. Ce moment passera. Ce soir, il ne sera plus qu’un souvenir, certes un peu douloureux, mais un souvenir. Il y en aura d’autres pire que celui-ci. Il est nécessaire de les faire tiens, de les apprivoiser pour ne plus les craindre, et même de les transformer en une force vive. À chaque coup reçu, le rendre au centuple. À chaque tourment éprouvé, la surmonter et savourer chaque victoire sur elle. Quoi qu’il en soit, il faut toujours aller de l’avant, sans cacher ses faiblesses, et savoir les utiliser à bon escient.

Voilà pour le discours d’encouragement, songea-t-elle. Maintenant, elle allait devoir lui en donner la preuve en mettant la théorie en pratique.

L’engagement entre Baal et la mécanicienne venait de prendre fin. Il ne semblait n’y avoir ni vainqueur, ni vaincu. Dégoulinant de sueur malgré la fraîcheur de l’air, les deux adversaires se saluèrent et quittèrent leur aire de combat après un salut traditionnel.

Il quitta l’aire de combat juste le temps de s’abreuver, d’ôter sa blouse trempée. Il prit une serviette que lui tendit une des labirées qu’elle avait vue sortir de la salle de détente la veille et entreprit de se frotter la figure, le torse et les bras, avec énergie. Se faisant, il faisait jouer les muscles de son dos. Si c’était pour l’impressionner, c’était raté. Ou bien c’était sa façon de parader devant son harem.

Son sang se glaça.

Ce n’était pas l’un de ces frissons qui la déconnectaient de la réalité. Esmelia remarqua soudain les nombreuses cicatrices qui lui barraient le dos comme des croix. Ensuite, lorsqu’il se retourna, elle en vit d’autres sur sa poitrine, sur son ventre, plus anciennes, car elles étaient plus estompées. Néanmoins, celui qui lui avait fait cela n’y était pas allé de main morte. Quelque chose lui disait qu’il y avait même pris un certain plaisir.

Elle mit un moment à se rendre compte qu’il était retourné sur le tatami et attendait qu’elle le rejoigne.

Comme elle ne réagissait pas, quelqu’un la poussa.

Elle n’arrivait pas à quitter les cicatrices des yeux….

Elle se vit faire le salut de début de combat, puis plus rien.

Mead’ était persuadée que Esmelia était capable de se défendre, de combattre et de battre de redoutables adversaires. Elle l’avait prouvé à deux ou trois reprises. Son père, Brent Evihelia, et Kolya lui avaient inculqué tout ce qu’elle devait savoir. Ils avaient affûté son corps pour différents types de combats, et elle, Mead’, savait se servir de cet instrument qu’était son hôte.

Mead’ vit, elle aussi, les anciennes blessures. Elle en fut autant impressionnée que son hôte. Quel crime avait-il donc commis pour qu’on le torture ainsi ? Était-ce pour avoir détruit ces deux planètes ? Ou pour d’autres crimes ?

Il pouvait être violent envers ses ennemis, cruel sans doute, comme tout Drægan, mais elle ne le voyait pas détruire des planètes juste pour son plaisir. Il y avait sur ce vaisseau plus de deux cents hommes et femmes tous dévoués et respectueux envers l’ancien dieu phéniciens. Le seraient-ils autant pour un planéticide ?

Il était leur guide, leur lumière dans l’obscurité et l’immensité spatiales. De la même manière, pour le peu qu’elle en avait vu, le bien-être des membres de son équipage lui tenait sincèrement à cœur. Un psychopathe, un assassin, un fou, un démiurge éprouverait-il cette même compassion ?

Il ne la quittait pas des yeux. Il la jaugeait.

Elle avait observé les différents combats, mais n’avait pu voir le début d’aucun d’entre eux. Devait-elle l’attaquer ou le laisser l’attaquer ?

Elle s’ancra fermement au sol. Sous tension, elle pivota légèrement le buste et serra les poings, prête à se défendre. Elle lui adressa un hochement de tête à peine perceptible. Elle l’invitait à entrer dans la danse en faisant le premier pas. Il répondit aussitôt à l’invitation sans retenir ses coups. Elle parvint à les esquiver sans difficulté. Au bout d’un moment, elle commença à anticiper ses attaques, puis elle les para en contre-attaquant si rapidement qu’il en fut d’abord déstabilisé. Pas plus que lui, elle n’économisait sa force et sa vitesse. De la même manière qu’il la testait, elle le testait, elle aussi.

— Pourquoi vous a-t-on torturé ?

— Qu’est-ce qui vous dit que j’ai été torturé ?

— Je ne vous vois pas membre d’un groupe de flagellants.

Elle s’aperçut qu’il réprimait un sourire. Elle baissa sa garde trop vite.

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