Chapitre 06.2

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Comme le reste de l’équipe d’intervention de l’AMSEVE, elle était entrée dans le CET, un gigantesque cylindre posé à la verticale dans un immense sous- sol situé sous la base.

Personne n’avait eu besoin de le lui dire, mais elle avait deviné qu’il s’agissait du fameux Compresseur d’Espace-Temps.

Le sous-sol était bondé de scientifiques en blouse blanche ou grise qui déambulaient tant bien que mal entre eux, entre les câbles reliant de grosses turbines et entre divers autres appareils qu’elle aurait été bien en peine de nommer dans un rapport, entre leurs ordinateurs et autres moniteurs de surveillance de données.

Son équipe était composée de sept soldats aguerris, pour ne pas dire d’élite, et trois bleus dont elle faisait partie malgré le solide curriculum que lui avait concocté Kolya.

Ils étaient entrés dans le cylindre avec l’ordre de rester debout, serrés les uns contre les autres, en position de défense.

Une blouse grise avait refermé la porte derrière eux et ils s’étaient tous retrouvés dans le noir.

Combien de temps avaient-ils attendu ?

Une bonne trentaine de minutes d’après ce qu’elle avait pu estimer. Sans bouger.

Elle avait senti ses muscles s’ankyloser.

Soudain, un flash. Puis toute une série dont elle perdit rapidement le compte. Le premier flash n’était qu’Amber Hole. De là, ils étaient "repartis" ailleurs.

Ils eurent droit à des visions.

Plus tard, au camp de base, certains d’entre eux racontèrent avoir vu un espace étoilé autour d’eux, d’autres le soleil, d’autres encore prétendirent avoir gardé les yeux fermés, mais elle avait senti qu'ils mentaient de peur de passer pour des fous en racontant ce qu'ils avaient pu voir…

Elle n’avait rien vu de tout cela, ni même quelque chose de dingue.

Elle n'avait vu que le temps et l’espace qui filaient à une vitesse vertigineuse. Ce qu’elle avait ressenti lui était si familier, si agréable. Elle ne trouvait pas d’équivalent à ces sensations.

L’obscurité s’était de nouveau faite autour d’eux.

Elle avait éprouvé quelques picotements dans tous le corps. Ils baissèrent d’intensité, puis augmentèrent à nouveau. Elle sentit à nouveau l’espace-temps la happer durant trois ou quatre secondes.

L’instant d’après, tous les membres de l'équipe se trouvaient dans une clairière, au milieu d’un cercle de pierres, ou du moins ce qu’il en restait. Nombre d’entre elles étaient couchées, ou brisées en plusieurs morceaux, quand elles n’avaient pas tout simplement disparu.

Elle connaissait ce lieu... dans un temps lointain. Elle y était déjà venue ? Elle ne parvenait pas à en être certaine. Elle avait pourtant bien cette impression de déja-vu.

Leur première réaction fut de tousser à s’en écorcher les poumons.

L’air qui y entrait était tout à fait respirable, mais si pur.

L’air, sur la Terre, était tellement pollué qu’il était quasiment impossible de rester plusieurs heures dehors sans ressentir des problèmes de respiration. La plupart des soldats utilisaient régulièrement des masques personnels lorsqu’ils rentraient chez eux, dans leur pays, après les missions, pour retrouver leur famille.

Ceux qui vivaient dans les bas quartiers et avaient appris à s’en passer eurent plus de difficulté à s'acclimater à cet air exempt de particules polluantes.

Elle fit mine d’être de ceux-là, même si elle ne ressentait rien. Au moins, elle avait obtenu leur sympathie.

Il leur fallut aussi plusieurs heures pour s’habituer à la lumière. Voir et respirer se révéla rapidement plus épuisant que simplement bouger. Sans compter que le voyage leur avait donné à tous des envies de vomir et des maux de tête coriaces.

Dans le même temps, certains membres de l’équipe avaient vérifié, discrètement, qu’ils étaient bien arrivés dans leur intégralité.

Quatre des soldats qui avaient effectué le précédent voyage installèrent sans attendre "l’élastique". Il s’agissait du surnom de la machine qui devait les ramener à bon port. Elle ressemblait à une grosse balle blanche alvéolée de boursoufflures dans laquelle ils devraient tous entrer et qui assurerait leur retour sur la Terre. Ils seraient ensuite transférés dans des cellules isolées les unes des autres et du reste de la base. Ils y resteraient un peu plus d'un mois sous surveillance constante des médecins. Chacun y avait carrément déménagé ses quartiers, histoire de ne manquer de rien durant leur quarantaine.

Enfin, une fois le camp établi à la lisière de ce qui semblait être une forêt, ils avaient tous dû s’allonger un moment.

Esmelia ne ressentait aucun des symptômes apparemment dus au voyage mais, comme elle l’avait fait pour les difficultés respiratoires, elle imita les autres.

Évidemment, les anciens qui les accompagnaient l’avaient charriée comme les deux autres bleus de l’équipe.

C’était leur premier voyage, et il était normal qu’ils en fassent les frais.

Comme la nuit tombait, plutôt rapidement et noire en l’absence de lune, ils décidèrent de ne pas bouger du camp jusqu’à l’aurore, quatorze heures plus tard.

Elle avait attendu que tous soient endormis et avait déjoué la vigilance des deux gardes pour aller explorer ce nouvel environnement. Elle avait quelques heures devant elle avant son tour de garde.

Dans son exploration, elle avait découvert qu’ils se trouvaient au sommet d’une falaise. Il fallait faire un grand détour, de l'autre côté de la forêt, pour rejoindre un versant moins abrupt de la falaise, et en descendre et attendre le plateau.

Elle le savait sans même avoir à le vérifier.

Encore cette impression...

Cela représentait une journée de marche. La semaine en jours terriens dont ils bénéficiaient serait sans doute un peu juste pour aller au-delà du plateau. Là où justement, cela deviendrait intéressant...

En bas de la falaise, il y avait une rivière qui coulait paisiblement. Un plan d’évasion s’était alors clairement dessiné dans son esprit. À première vue, cela paraissait être une idée totalement insensée mais, elle sentait que c’était ce qu’elle devait faire.

Au final, tout ce qu’elle avait fait, tout ce que d’autres avaient construit avant elle, devait la conduire ici, pour une bonne raison.

Étrangement, Esmelia se sentait apaisée comme elle ne l’avait jamais été. L'esprit en paix, plein de cette certitude, elle était retournée s’accorder une heure de sommeil auprès de ses compagnons.

Elle avait senti cette ombre, Mead’, qui était en elle et ne demandait qu’à l’envahir toute entière, à devenir elle. Elle la craignait alors...

Elle avait aussi ressenti une autre ombre presque semblable à Mead', chez quelqu’un d’autre à l'AMSEVE. Un homme qu'elle y avait croisé à plusieurs reprises… Semblable et, en même temps, différent. Elle ne l'avait pas identifié alors.

Aujourd’hui, elle savait que ‘Cian avait pris sa place dans le déroulement des évènements.

Au réveil, le matin, ils avaient tous découvert qu’une couche de neige recouvrait le campement et le paysage qui les entourait. Ces changements de temps, de température, de paysage avaient été si soudain, si surprenant. Même les deux soldats de garde qui avaient regardé tomber les flocons durant la dernière heure n’avaient pas imaginé qu’elle serait aussi épaisse. En même temps, ils n'avaient jamais vu de neige de leur vie, sauf dans quelques vieux films peut-être.

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