Chapitre 04.3

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Un pur hasard, ou un coup de chance, échu à deux jeunes chercheurs américains qui passaient plus de temps à observer le ciel nocturne en cuvant l'alcool ingurgité dans de monstrueuses fêtes étudiantes, et à lire des bandes dessinées de science-fiction qu’à potasser une thèse qu’ils traînaient chacun depuis des années.

Les deux apprentis chercheurs avaient découvert un trou de couleur ambre dans le système solaire. Celui-ci se déplaçait comme une planète. Il se trouvait sur le même axe de rotation autour du soleil que la Terre, mais toujours de l’autre côté de l’astre. Ce qui, selon les scientifiques, expliquait pourquoi il passait son temps à jouer à cache-cache avec les télescopes et autres instruments de repérage terrestres.

Ce qui expliquait pourquoi l’un des deux observateurs était persuadé qu’il existait une planète supplémentaire dans le système solaire, jumelle de la Terre. Et pourquoi, pour l’autre, elle devait être très différente de celles déjà connues. Tous deux l’imaginaient, cependant, à l’extérieur du système solaire, contrairement à cette singularité.

Fiers de leur découverte, ils l'avaient annoncée sur les réseaux. La nouvelle avait immédiatement été reprise par tous les médias.

Personne, dans le monde scientifique, ne les avait crus.

Simultanément, ils avaient écrit plusieurs articles sur le sujet. Aucune revue n’avait accepté de les publier arguant du fait que leurs méthodes de recherche manquaient de rigueur.

Pire que cela, leurs confrères savants se moquaient ouvertement d’eux dans les journaux, dans les revues spécialisées, sur les réseaux, sur les ondes et sur les écrans. Comment deux parfaits inconnus qui n’avaient même pas réussi à rédiger leur thèse pouvaient-ils prétendre être les découvreurs d’un trou dans le système solaire ? Qui plus était, un amber hole.

Les seuls trous spatiaux connus étaient soit noirs, soit hypothétiquement blancs.

Cela dit, on ne savait toujours pas grand-chose des premiers, quant aux seconds, ils étaient purement spéculatifs.

Personne ne s’était encore aventuré à entrer dans un trou noir pour vérifier si la théorie selon laquelle ils conduisaient vers d’autres régions de la galaxie, ou carrément dans d’autres galaxies, était exacte ou non. Ou encore pour vérifier si l'autre extrémité était un trou blanc. Officiellement.

Etsuko Wong avait été la seule à dépêcher des représentants d’une filiale de l'ATIDC, la Fondation Prométhée, auprès des deux chercheurs. Elle avait souhaité les engager afin qu’ils poursuivent leurs travaux.

En échange, et aussi contre la promesse qu’ils ne parleraient pas de leurs recherches en dehors de leur laboratoire, ils avaient reçu un salaire plus que confortable, et bénéficié de moyens technologiques et financiers quasiment illimités. L’un des chercheurs ne respecta pas les termes du marché, cependant.

Après avoir appris que l’ATIDC s’intéressait à eux. La NSA les avait contactés et avait surenchéri. L'un d'entre eux avait accepté l’argent de sa trahison, sûrement en concertation avec le second histoire de ne pas mettre leurs œufs dans le même panier mais, il ne s’était jamais présenté à son nouveau travail.

L’Agence n’eut plus aucune nouvelle de son investissement. Ce qui l’inquiéta encore plus mais elle resta silencieuse, préférant que personne ne sache qu'elle avait agi en sous-main.

Lorsque le scientifique indélicat les contacta de nouveau, bien plus tard, ce fut pour apprendre à l'Agence de Sécurité Nationale américaine qu’il avait passé plusieurs années loin de la Terre, sur une autre planète.

Les Américains et tous ceux qui les espionnaient, autrement dit le monde entier, mais seulement jusqu'à un certain niveau d'accréditation, apprit que l’hypothétique amber hole avait bien été découvert. Ils durent se faire à l'idée qu'une fois de plus, les chercheurs de la Fondation Prométhée et ceux de l’ATIDC avaient été plus rapides et plus novateurs qu'eux en parvenant à démontrer qu’il s’agissait probablement d’un tunnel spatio-temporel.

Au passage, l’amber hole avait été redéfini comme étant une "singularité spatiale", et le nom qui le définissait était devenu à la fois un nom de code et son nom propre.

On ne l’appelait donc plus seulement l’amber hole, mais aussi Amber Hole comme s’il s’agissait d’un être vivant, une entité intelligente. Ce qu'elle était peut-être.

La difficulté à atteindre cette singularité spatiale, le coût faramineux des voyages et du matériel nécessaire, ainsi que l’impossibilité d’entrer dans le trou de vers sans être broyé par les forces qui y agissaient auraient pu conduire l’ATIDC à classer la découverte comme "sans possibilités actuelles d’exploitation".

Mais un physicien de l'AMSEVE, Darnell Doyle, avait émis l’idée que si un objet solide de taille plus ou moins conséquente ne pouvait pas entrer dans le tunnel, les molécules, elles, le pouvaient.

Il suffisait, d’une part, de mettre au point une catapulte qui enverrait les molécules des objets, ou des personnes, vers l'amber hole dont il faudrait, au préalable, déterminer les coordonnées. Une fois à l’intérieur de la singularité, celle-ci se chargerait d'envoyer les objets, ou les personnes, à destination. Ce serait certes l’inconnu, mais à coup sûr, au bout, il y aurait la découverte d’un nouveau monde.

C’est ainsi qu’avait été théoriquement mis au point le C.E.T. la "catapulte" qui devait faire la jonction entre la Terre et l’anomalie spatiale. Un seul obstacle à sa réalisation : le principe de la dématérialisation nécessaire au fonctionnement du C.E.T. La téléportation n'avait pas encore été mise au point. Les chercheurs de l'ATIDC s'y attelèrent d'arrache-pied. Le temps pour l'AMSEVE d'effectuer six vols relativement discrets vers Amber Hole et d'en rapporter ses premières découvertes extraplanétaires.

Il avait fallu près de vingt ans aux chercheurs de l’ATIDC pour mettre au point la téléportation, mais ils avaient réussi. Ils étaient même parvenus à envoyer du matériel et des êtres vivants sur une planète lointaine et à les faire revenir sur la Terre.

Ce que le retour et le témoignage de l’ex-étudiant en astronomie confirmèrent à ses employeurs officieux.

Sauf si le scientifique leur avait menti. Ils ne l'imaginèrent pas un instant, bien que l'imagination ne soit pas dans leurs attributions premières. Toutefois, ils n’avaient pas pu obtenir beaucoup plus de sa part, car l'explorateur interstellaire qui n'était plus habitué à respirer l'air terrestre pollué, était mort d’une infection pulmonaire foudroyante dans la nuit qui avait suivi son rapatriement clandestin aux États-Unis.

Peu avant de reprendre contact avec l’Agence, le chercheur avait fui son lieu de confinement.

Il avait volé une moto à l'AMSEVE et passé plusieurs heures à sillonner les routes noircies, et de nuit, pour rejoindre une base américaine dans laquelle il avait dû se sentir enfin en sécurité. Il avait ensuite quitté le Pôle Sud en hélicoptère, rejoint un porte-avion états-unien qui avait navigué jusqu’en Argentine. De là, il avait pris un avion direction Washington DC.

Tout cela pour dire trois mots à des types en chemises blanches qui avaient eu du mal à en croire leurs oreilles, et mourir le lendemain à cause d’un air vicié et pollué qu’il n’avait plus respiré depuis des années…

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