Chapitre 01.2

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Elle était ressortie de son pensionnat suisse sept ans après son départ d’Angleterre. Diplômées de littérature anglaise, et humaine parmi les humains, quoiqu’un peu plus curieuse et impétueuse que les autres étudiantes.

Ce qu’elle avait retranscrit dans son journal lorsqu’elle était enfant ne ressemblait plus qu’à des histoires écrites par une petite fille passionnée de récits fantastiques. Néanmoins, elle se serait bien gardée de les montrer à quiconque, sauf à une personne en qui elle aurait une totale confiance et qui ne la prendrait pas pour une folle à interner.

Elle rencontra cette personne sur le bateau qui la ramenait en Angleterre.

De dix ans son aîné, Adam Larsen était un homme très séduisant. Il était le prétendant que toutes les jeunes filles du pensionnat avaient rêvé d’épouser un jour.

C’était elle qui avait eu cette chance.

Brun, les yeux gris acier, la mâchoire carrée et volontaire, il était doté d’un charisme incroyable qui faisait converger tous les regards dans sa direction. De nationalité danoise, il souhaitait immigrer aux États-Unis. Il n’avait pas été plus loin que l’Angleterre dès l’instant où son regard s’était posé sur celle qui allait devenir son épouse quelque temps plus tard.

Ce qui avait immédiatement retenu l’attention de la jeune femme, c’était son regard incroyablement vif, comme si rien ne pouvait lui échapper, et son sourire franc.

Adam était effectivement quelqu’un de très direct. Il ne s’était pas embarrassé de préambule, ni d’artifices pour lui faire sa demande en mariage. Il avait été suffisamment observateur pour remarquer qu’elle était différente de ses autres relations amoureuses. Ou encore de ces filles de la petite noblesse et de la bourgeoisie que des parents soucieux du destin de leur progéniture envoyaient tourner autour de ce soleil plein de vigueur et d’ambitions dont ils sentaient qu’il était promis à un bel avenir.

Quelques mois plus tard, Anna-Louise, l’enfant habitée par un esprit qui n’était pas le sien, qui avait rencontré un être d’un autre monde, un Drægan, peut-être le dernier de son espèce, et qui avait volé pour lui une partie de L’Occulteur de Mondes, la fillette devenue une jeune femme se croyant totalement humaine et vivante, épousait Adam Larsen.

Au cours de sa naturalisation britannique, le « e » de son nom fut transformé en « o ». Il devint ainsi Adam Larson.

S'il était évident que cet homme réussirait dans la vie, nul ne devinait alors qu’il serait le fondateur de l’un des plus grands empires financiers des siècles à venir.

Ce fut une union des plus heureuses qui auraient pu continuer des années encore… si la mort n’avait séparé les deux amoureux.

Anna-Louise mourut alors que naissait son unique enfant, une fille qui survécut et fut prénommée Olive.

Adam fut un veuf inconsolable durant les dix années qui suivirent. Il lui fallut ce temps pour comprendre qu’il avait aimé un fantôme.

Ce fut au contact d’une autre ombre, sa fille, qu’il commença à percevoir ce que le commun des mortels ne pouvait deviner faute d’expérience peut-être, et d’ouverture d’esprit sans doute.

Olive n’était pas comme les autres enfants. Dès son plus jeune âge, elle avait eu cette étrange manière de regarder les personnes et les choses qui l’entouraient. C’était comme si elle savait déjà tout d’elles.

Un temps, Adam, qui n’était pourtant pas versé dans les sciences occultes, pensa que l’âme d’Anna-Louise s’était réincarnée dans le corps de leur enfant. Il se rendit assez rapidement à l’évidence que ce n’était pas le cas.

C’était autre chose qui habitait cette enfant.

Adam repensa alors au journal intime que lui avait remis Charles Darwin, le jour de l’enterrement. Il n’avait jamais pu se résoudre à l’ouvrir. Parfois, il en avait eu envie, mais craignant que sa lecture ne ravive plus encore sa douleur, il avait repoussé ce désir. Peut-être était-ce le moment s’il voulait comprendre cette enfant qu’il aimait tant.

Grâce à ce journal, il entrevit la véritable nature de son épouse. Il avait compris ces moments d’absence suffisamment fréquents à certaines périodes pour qu’il s’en aperçoive et s’en inquiète. Il avait d’abord pensé qu’elle avait rencontré un autre homme et en était tombé amoureuse. Plusieurs fois, il l’avait suivie.

Régulièrement, elle se rendait au même endroit, une bibliothèque. Toujours la même. Elle s’installait à la même place, et demandait les mêmes ouvrages, des livres d’histoire, très anciens. Elle passait des après-midi entiers à les consulter inlassablement, à prendre des notes sur un petit cahier à la couverture usée, son journal, isolée du monde extérieur au point de ne plus le voir.

Lorsqu’elle rentrait le soir, elle ne rappelait que d’une longue promenade en ville ou dans un parc. Elle s’étonnait de n’avoir rien ramené. Pas même acheté des choses dont elle avait envie ou besoin.

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