Chapitre 39.1

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— Cela fait près de deux mille ans que mon maître recherche ce vaisseau.

— Deux mille ans ! s’exclama Will. C’est ce qui s’appelle faire preuve de constance… ou de l’entêtement. Il espère le retrouver en bon état ? Celui que nous avons dû quitter en urgence avait quel âge ?

— Deux cents ans, environ. Mais le vaisseau des Baal est unique en son genre. Il a une durée de vie cent fois supérieure au moins à ceux des vaisseaux ordinaires. Et si, jusqu’à ce jour, personne ne l’a encore vu, c’est qu’il n’a encore jamais été utilisé. Armé pour le combat, c'est aussi essaimeur. Il serait évolutif, comme une créature vivante. Personne n’en connaîtrait d’aussi grand, ni d’aussi perfectionné. Même les plus puissants des Drægans encore existants n’ont jamais rien possédé de tel. Beaucoup d’entre eux rêvent de posséder un pareil bâtiment uniquement pour donner l’impression qu’ils ont retrouvé leur grandeur perdue.

— Une raison de plus de vouloir sa tête, avança Will. Et à la façon dont vous en parlez, cela donne vraiment envie de le trouver. Si ce vaisseau est si puissant… Si étonnant.

— Ou de le retenir prisonnier, supposa Grama. Je peux appeler quelques contacts qui me diront s’il a été arrêté sur la Terre. Mais ailleurs… Ce sera plus compliqué. Il faudra que je me renseigne auprès des derniers réfugiés arrivés. Mais je ne crois pas qu’ils me parleront.

— Essayez quand même, on ne sait jamais, suggéra Esmelia. Il est aussi possible que l’AMSEVE ait entendu parler du vaisseau. Ce serait une aubaine inespérée si la Terre pouvait être la première à mettre la main dessus.

— Dans la galaxie, ce vaisseau est plus qu’une légende, c'est un mythe, précisa aussitôt Grama. Il n’y a que les Drægans et les pilleurs d’épaves pour croire fermement à sa réalité.

— Donc, si jamais l’AMSEVE le cherchait, C’est que quelqu’un leur en aurait parlé, et pas forcément un Drægan ou un chercheur d’épaves, jugea Will après un instant de réflexion. Grama, qu’est-ce qui se dit au sujet de l’AMSEVE, au sein de la … résistance ?

Will était conscient que le mot « résistance » n’avait pas encore été prononcé. Il l’avait évoqué sur une intuition.

Grama ne répondit pas, mais l'expression de surprise qu’il tenta vainement de dissimuler parlait pour lui.

Esmelia se félicita d’avoir conservé un bon instinct. Grama ne leur accordait pas toute sa confiance. Pouvaient-ils lui en vouloir ? Elle ne savait pas ce qu’il en était de Will, mais elle devait reconnaître qu’elle aussi doutait de l'ancien officier. S’il n’appartenait pas à un mouvement de résistance proprement dit, il était probablement mêlé à quelque chose qui s’en rapprochait. Restait à savoir quoi. Elle n’entendait pas le lui demander dans l’immédiat. Elle ne voulait pas le braquer, car elle avait encore des renseignements à obtenir de lui.

Sa certitude qu’il en savait beaucoup plus qu’il ne le disait se précisait avec force. Ces huit années passées sans les Sumériens, sur une Terre qu’il ne connaissait plus, l’avaient obligé à chercher d’autres appuis pour survivre. Il savait ce qu’il leur devait. Elle ne remettait pas sa fidélité envers Baal en doute, mais viendrait un moment où il aurait à choisir son camp. Si elle ne retrouvait pas le Drægan avant, qui savait ce qui pourrait advenir…

— À part rechercher des ressources vitales extraterrestres, des anciens dieux, et des vaisseaux fantômes, l’AMSEVE est-elle connue pour autre choses ? demanda Will à Grama.

Au moins, il avait la certitude que l’AMSEVE était toujours existante.

Ce fut Esmelia qui lui répondit :

— L’AMSEVE aide les Arrivants… Elle est toujours placée sous l’égide des Nations-Unies. Leurs recherches sont cofinancées par l’ATIDC et par la Larson Industries. Quant à savoir sur quoi portent leurs recherches actuellement, je l’ignore. Je pense que peu de gens le savent.

Will observa son amie comme si ce qu’elle venait de dire n’avait aucun sens. Elle devinait ce qui se passait dans son esprit : il ne comprenait pas comment elle pouvait connaître ces informations. Elle n’avait passé que quelques jours à l’AMSEVE. Même s’il ignorait tout de la participation de la Larson Industries, il avait mis plusieurs semaines à découvrir que l’ATIDC cofinançait non seulement l’AMSEVE, mais qu’en plus l’entreprise exploitait une grande partie de leurs découvertes scientifiques tout en produisant les siennes de son côté. De plus, dans ce présent-ci, ce n’était sans doute plus l’AMSEVE qu’ils avaient connue, alors comment pouvait-elle être aussi affirmative ?

Esmelia savait qu’elle allait devoir lui expliquer ce qui lui était arrivé à un moment ou à un autre. Comment prendrait-il la chose ?

— Le Will de ce monde y travaille peut-être encore… Je pourrais me faire passer pour lui et infiltrer l’AMSEVE, suggéra Will.

Dans un mouvement simultané, Grama baissa les yeux sur ses mains, tandis qu’Esmelia pâlit malgré elle tout en songeant que cela ne servait à rien d’éviter le regard de Will. Elle se contenta de le regarder sans penser à quoi que ce soit d’autres qu’à la mort de l’autre Will.

Le silence s’éternisait entre eux.

Will finit par le rompre.

— Je suis mort, c’est ça ? soupçonna-t-il, avant de rectifier. Mon double est mort ?

Grama acquiesça. Sa gêne était palpable. Ce qui se comprenait. On n’annonce pas tous les jours à quelqu’un qu’il est mort, ou plus exactement que celui qu’il aurait pu être était mort. Il était bien placé pour savoir qu’à plus ou moins long terme, même si Will était conscient d’être bien vivant à cet instant, cela le travaillerait. Il s’interrogerait indubitablement sur celui qu’il aurait pu être, sur qui était vraiment son double : une version meilleure que lui ? Ou son opposé ?

Esmelia ne savait pas grand-chose sur le Will de ce monde, à part qu’il n’en faisait plus partie.

Grama releva la tête et soutint le regard de Will

— C’est en recherchant des informations sur mon maître, et sur… vous deux que j’ai découvert… Au début, j’ai craint que ce soit vous… Pas un double.

— Comment est-ce arrivé ?

— Un accident sur une base de l’Antarctique, expliqua Grama. Cela a été suffisamment important pour être relaté aux actualités, sur les réseaux. Il y a eu une dizaine de victimes et, apparemment, de graves conséquences écologiques.

Esmelia avait sa propre version des évènements qui avaient eu lieu à l’AMSEVE, le jour où l’autre Will était décédé. Ils étaient liés à une expérience malheureuse qui ne cessait de faire parler de lui autour de la planète, depuis quelques mois. D’un certain point de vue, il ne s’agissait pas totalement d’une catastrophe. Du moins pas pour tout le monde. L’apparition et la disparition de petits morceaux de terre en étaient deux des conséquences.

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