Chapitre 24.5

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—Peut-être était-ce à dessein, justement, suggéra Anat. Pour nous faire passer un message... Enfin quand, je dis "nous"... Pour ceux qui découvriraient ce vaisseau.

— Quelqu’un a vérifié leur histoire ? demanda Moccus, le Drægan à la face reptilienne. Il s’agit peut-être, tout simplement, de renégats qui ont été pourchassés par les leurs, un autre clan.

Sa voix avait une sonorité pierreuse, plutôt désagréable aux oreilles de ses congénères.

— C’est possible, approuva Apollon. Nous ne pouvons pas négliger ces hypothèses. Il est difficile de le savoir, actuellement. Leurs territoires sont en quarantaine depuis des milliers d’années, expliqua Rhadamanthe. Nous rendre dans leur système nous prendrait quelques semaines avec le portail le plus proche. En suite, il faudrait explorer leurs planètes. Ceux qui ont eu la témérité de s’y aventurer ont le plus souvent servi de repas aux bêtes sauvages qui y vivent.

— Je confirme, fit Anat. Nous avons longtemps cru que les créatures qui peuplent notre planète natale étaient les plus sanguinaires de la galaxie, mais certaines des leurs semblent les surpasser.

— Néanmoins, nous devrions aller voir par nous-même, à couvert, insista Moccus. Si notre ennemi a envahi le territoire des Barakins, cela signifie qu’il est bien plus proche que nous le supposons, qu’il est déjà dans notre galaxie.

— Les bêtes ne sont pas réactives à notre pouvoirs d'illusions, car elles ne se fient pas à leurs yeux. Nous ignorons ce qu'il en est des Barakins, ou de ceux qui auraient eu raison d'eux...

— Les Barakins nous voient tels que nous sommes, Boann, affirma Apollon. Ils nous voient aussi tels que nous étions à notre première naissance. J'en ai fait l'expérience, et cela n'a rien d'agréable, tu peux me croire.

— En fait, les Barakins n’ont pas de planète attitrée. Ils sont comme les membres de l’Isseï Baca, précisa Rhadamanthe qui n'entendait pas avoir d'autres explications sur ce qu'Apollon et Boann pouvaient croire à leur propre sujet. Ce sont des nomades qui vivent sur leurs vaisseaux et se déplacent entre les cinq planètes habitables de leur système au gré de leurs envies ou de leurs besoins. Sur leurs territoires, ils peuvent vous trouver comme ils le souhaitent, mais si eux ne veulent pas qu’on les trouve…

— De fait, si quelqu'un ou quoi que ce soit les a "trouvés" et les a anéantis, cela n’augure rien de bon pour nous.

— Il serait effectivement inconscient de franchir les filets de protection, déclara Apollon. Pas seulement parce que c’est le territoire protégé des Barakins.

— Où veux-tu en venir, joli cœur ? minauda Boann.

Personne ne sembla surpris par sa manière de s’adresser à lui.

— Nous ne connaissons rien de cette partie de l’espace, ni de ce qu’il y a au-delà des territoires barakins.

— Toutes les formes de vie intelligentes sentent que quelque chose de dangereux et d’inéluctable approche, fit remarquer Horus. Mais elles ignorent ce dont il s’agit. En savoir un peu plus sur le sujet…

— Certes, le coupa Apollon. Mais pour nous y rendre, il faudrait franchir les filets et ouvrir une brèche à travers le labyrinthe. Cette même voie pourrait servir de porte d’entrée à nos ennemis. C'est peut-être ce qu'ils attendent...

— Un vaisseau barakin et au moins un vaisseau ennemi y sont parvenus. Cela ne pose-t-il déjà pas un problème ? s’inquiéta Priape.

— Oui, bien sûr, admit Apollon. Et il va falloir nous en occuper. Cela ne doit pas se reproduire.

— Nous ne possédons que des informations parcellaires, mais pas l’essentiel, dit Rhadamanthe.

— Ce que les autres ignorent, nous l’ignorons, déclara Shamash.

— Possible que les autres peuples possèdent des informations différentes, supposa Perséphone.

— Peut-être qu’il faudrait leur dire le peu que nous savons, suggéra Dercéto. De cette manière, nous montrerions notre bonne foi et nous pourrions créer des alliances… Au moins, seront-ils disposés à partager leurs informations.

— Ils pourraient aussi nous demander bien plus, la contra Lara.

— Pas question de leur dévoiler nos secrets ! s’emporta Amaterasu qui n'avait pas encore participé au sujet de la discussion. Il me semblait que c’était clair il y a encore à peine quelques minutes.

— Effectivement, la question a déjà été discutée, et nous sommes d’accord sur ce point, lui assura Rhadamanthe. Mais, au moins, pouvons-nous nous permettre d’en discuter la pertinence ?

— Pourquoi puisqu'elle est déjà discutée ?

— Pourquoi ne pas faire alliance avec les espèces de nos systèmes respectifs, et celles qui en sont les voisines, et uniquement avec elles, sans leur confier nos secrets ?

Toutes les têtes se tournèrent en direction de Circé. Il y eut un moment de silence, celui de la réflexion.

Erra fut le premier à le rompre.

— C’est une bonne idée, certes, admit-il avant de la balayer d'un revers de main. Pour en revenir aux Barakins, et à leur vaisseau en perdition, il y a peut-être une autre possibilité à envisager.

— Nous sommes tout ouïe, ironisa Horus.

— C’est peut-être une feinte de leur part. Nous avons installé les filets de quarantaine parce que nous connaissons leurs désirs d’expansion et nous savions que tôt ou tard, ils auraient besoin de nourriture, de nouvelles planètes à explorer et à exploiter et que, par conséquent, ils s’attaqueraient aux systèmes voisins du leur. Il se peut qu’ils aient trouvé le moyen de franchir les filets de contention depuis un moment, et qu’ils nous observent depuis tout ce temps. Peut-être même pourraient-ils être cet ennemi que nous craignons tous sans l’avoir vu. Peut-être est-ce une rumeur créée et propagée par les Barakins eux-mêmes.

Une onde d’agressivité parcourut l’assemblée.

— Ils savent sans doute que nous ne sommes plus aussi puissants qu’autrefois. D’abord, ils attendent que nous venions voir ce qui se passe chez eux. Pour cela, nous levons les filets et tous les verrous qui les maintiennent sur leur territoire. Nous tombons dans les pièges qu’ils ont posés entre la frontière et leurs planètes. La perte de certains d’entre nous nous affaiblira inéluctablement. C’est pourquoi, par ailleurs libérés, ils décideront ensuite de nous attaquer.

— Nous avons donc deux options, résuma Teutatès. Soit nous fonçons têtes baissées dans un possible piège mortel, soit nous attendons que le Mort vienne jusqu’à nous.

Il eut un rire court et acerbe, avant de finir :

— Entre deux maux, il nous faut choisir le moindre. Mais quel est-il ?

L’idée de Circé avait au moins l’avantage de ne pas les forcer à quitter leurs territoires ou leurs refuges respectifs. Mais s’il s’agissait d’un piège des Barakins, ou d'un autre ennemi…

Mieux valait ne pas y engager des forces importantes. Les uns et les autres avaient passé des siècles, sans sortir de leur système planétaire. De manière générale, ils les connaissaient parfaitement et s’y sentaient en sécurité.

Esmelia savait, par les explications de Baal au sujet de certains textes qu'elle avait eu à compulser, qu'au cours des deux derniers millénaires, Il y avait eu peu de guerres entre les Drægans. Sur chaque planète, dans chaque système où ils se trouvaient, les anciens dieux avaient toujours vécu en parfaite autonomie et dans l’ignorance feinte de leurs semblables, ennemis ou neutres, et parfois même amis. Du moins autant qu'ils le pouvaient lorsque cela leur était possible. Ce n'était plus Goibné qui dirait le contraire.

En fait, il n’était pas certain que le nombre de Drægans soit uniquement réduit à ceux qui se trouvaient dans les vaisseaux stationnés en orbite autour de Tur’in. Certains se cachaient si bien des autres que même leurs comparses les supposaient morts depuis longtemps, comme avait pu l’être Baal. Après tout, la galaxie était immense avec ses deux cents milliards d'étoiles, approximativement, et bien plus encore de planètes, même si elles n'étaient pas toutes propices à l'accueil de la vie.

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