Chapitre 11.1

4 minutes de lecture

Elle repensait aux paroles de l’informateur de Kolya.

L’AMSEVE était aux commandes d’un projet si révolutionnaire, si novateur. Les retombées directes et indirectes changeraient sans aucun doute le monde de demain. Tout cela ne manquerait pas d’attiser les convoitises.

Elle se rendit compte que MacAsgaill l’observait.

— Et vous ? Pourquoi avoir choisi de fuir et être allée jusqu’à vous faire passer pour morte ?

— Cela m’a semblé plus simple. J’ai senti que c’était quelque chose que je devais faire.

Elle vit à son regard qu’il n’était pas convaincu. Il devrait se contenter de cette réponse. Elle ne pouvait pas tout lui expliquer de but en blanc.

C’était exactement le genre de chose qui ferait fuir l’homme saint d’esprit qu’il était.

— Vous êtes certaine…

— Je vais bien, le devança-t-elle en se massant les tempes.

Elle désigna Baal et le marchand d’esclaves.

— Je me demande ce qu’ils peuvent bien se raconter tous les deux.

— Sur cette planète, tout est sujet à négociation.

Elle avait un mal de tête épouvantable…

— On va s’en sortir d’une manière ou d’une autre, tenta-t-il de la rassurer.

— Je ne m’inquiète pas, répondit-elle sans quitter des yeux le Drægan qui n’en finissait vraiment pas de discuter avec le batracien.

Elle ajouta plus pour elle-même que pour son compagnon :

— Plus maintenant. Les choses se mettent en place, C’est inéluctable, et tant mieux parce que dans le cas contraire, cela va s’aggraver à un point que vous ne pouvez pas imaginer.

— Que voulez-vous dire par « s’aggraver » ?

Il ne cherchait plus à cacher son inquiétude. Il répéta sa question avec plus de force.

Elle sursauta :

— Quoi ?

— Vous avez dit que notre situation ne ferait qu’empirer.

— J'ai dit ça ? Désolée… Ce n’est pas mon genre d’être défaitiste, habituellement. Vous avez une idée de la manière dont nous pourrions partir d’ici ?

Il mit un moment avant de répondre.

Il ne la quitta pas des yeux durant une longue minute en se demandant si elle ne lui cachait pas un détail important et si, par conséquent, il devait lui répondre. Reportant son attention sur Baal qui semblait en avoir enfin terminé avec le marchand d’esclaves, il se décida :

— Moi non, mais lui, peut-être. Si vous arrivez à le convaincre. Mais comme je vous l’ai dit, je doute qu’il accède à votre demande. Il ne vous connaît pas plus que moi. Pourquoi vous aiderait-il ? En ce qui me concerne, j’espère seulement pouvoir vivre un jour de plus.

Le marchand s’éloigna de Baal et s’approcha du bord de l’estrade.

Faisant face à une foule quasi-silencieuse, il balbutia quelques mots qui semblèrent hésitants, et recula aussitôt.

Il y eut un nouveau mouvement de foule aussitôt  après son annonce. Chacun spectateur regardait autour de lui, étonné ou dubitatif.

Comme sortis du néant, apparurent deux hommes et une femme.

Tous les trois étaient de type humain. Leurs yeux en amande, leur teint albâtre, et leurs cheveux noir d’encre démontraient une ascendance asiatique. Ce que tendaient à prouver les vêtements qu’ils portaient et qui rappelaient les kimonos japonais sans en être tout à fait. Cela paraissait curieux si loin de la Terre.

— Je parie que ces trois-là sont aussi des Drægans, pressentit-elle juste assez fort pour que, seul, son voisin l’entende.

Le regard du scientifique ne cessait de faire des allers-retours entre le trio et Baal.

— Je le parierai aussi. On dirait qu’ils sont prêts à en découdre avec notre ami, remarqua-t-il.

Notre ami ? s’étonna-t-elle. Vous avez changé d’avis à son sujet ?

— Quitte à choisir, mon instinct me dit qu’il vaut mieux parier sur lui plutôt que sur eux.

— Très pragmatique à ce que je vois.

— J’apprends vite.

Elle reporta son attention sur les membres du trio.

Ils étaient tous d’une beauté époustouflante et paraissaient très jeunes. Trop pour se frotter à quelqu’un comme Baal qui, en plus d’avoir au moins le double de leur âge, avait l’expérience des conflits et des négociations.

Le nombre était leur seul avantage apparent.

Les deux hommes grimpèrent prestement sur l’estrade. Ils soulevèrent la jeune femme sans faire le moindre effort et la déposèrent sur les planches avec la grâce d’un trio de danseurs ou d’acrobates.

Elle marcha la première vers Baal. Ses pas étaient mesurés comme si elle les comptait mentalement. Elle était majestueuse et sereine. Sa beauté était parfaitement inhumaine.

De fait, Baal ne la quittait pas des yeux. Il admirait la perfection de ses traits et de sa mise, la précision de ses gestes, autant qu’il évaluait sa dangerosité.

Elle s’arrêta à cinq pas de lui, environ, et le salua d’un signe de la tête auquel il répondit par courtoisie.

La nouvelle venue ne le quittait pas du regard, l’étudiant sans vergogne. L’évaluant même. Il y avait quelque chose d’indécent dans son attitude qui contrastait avec son apparence de jeune fille bien élevée. Ce qu’elle n’était sûrement pas. Esmelia n’en doutait pas.

Sentant que la situation pouvait lui échapper, l’un de ses deux compagnons vint se placer entre elle et lui. Son visage aux traits fins affichait une parfaite neutralité. Mais les quelques mots qu’il prononça en s’adressant à son adversaire ne devaient rien avoir de poétique.

S’il en fut offensé, Baal ne le montra pas.

Le négociateur tenta alors de s’incruster mais un regard de Baal, et un sifflement du troisième membre du trio, le firent reculer.

Malgré sa corpulence qui le faisait passer pour un géant en comparaison de ses compagnons, il décida de rester à une distance plus que prudente des quatre Drægans. Il ne se sentait pas de taille face à eux, et préférait une longue vie tranquille à une vie brutalement interrompue.

MacAsgaill observait les trois jeunes gens avec attention.

— C’est elle qui les dirige, finit-il par conclure au bout d’une longue minute d'examen.

Esmelia était d’accord avec lui sur ce point.

Annotations

Vous aimez lire Ihriae ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0