Chapitre 10.4

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Elle reporta à nouveau son regard sur le Drægan.

— Qu’a-t-il fait pour que sa tête soit mise à prix ?

— D’après mon amie, rien de moins que l’extermination de quelques milliards d’êtres vivants. Pour être plus exact : il aurait annihilé deux planètes de type terrestre, habitées… Ainsi que les flottes spatiales qui étaient venues les défendre.

— Un planéticide, ironisa-t-elle.

Un mot qui ne devait pas exister sur la plupart des planètes habitées par des êtres évolués tellement cela paraissait inconcevable. Malheureusement, il existait sur certaines, même s'il n'avait jamais eu d'usage courant.

— Il aurait aussi assassiné plusieurs Drægans influents pour une raison ou pour une autre… mais surtout pour le pouvoir. Cela n’a rien d’inhabituel dans la société dræganne, au contraire. Ce serait même assez encouragé chez ceux qui sont proches d'un pouvoir… Ce qui tendrait à dire qu’il appartient à une dynastie, ou à une famille, qui a été dominante à un moment ou à un autre de leur Histoire… Quelque chose dans le genre. Par contre, supprimer les membres des Guildes comme celles des marchands, des transporteurs ou de la justice, ça, c’est formellement interdit.

— A-t-on la preuve de ses exactions ?

— La parole de mon amie me suffisait… Même si j’ai toujours eu l’impression qu’elle avait un compte personnel à régler avec lui.

— Vous accordez beaucoup de confiance à votre amie…

Elle se reprit. Il avait utilisé l’imparfait.

— … Ou vous lui en accordiez.

— Nous n’étions pas dans la même équipe… Mais ses collègues étaient mes amis. Elle l’est donc devenue. Elle leur a sauvé la vie, une fois. Les choses ont changé depuis. Elle… Moi… Je ne sais plus ce que je dois en penser...

Il ajouta, après un court moment de silence :

— Une chose me semble certaine : si sa tête de ce Drægan est mise à prix dans la moitié de la galaxie, ce n’est sûrement pas pour rien.

— Vous pensez vraiment qu’un type qui a quelques milliards de morts à son actif ne vous aurait pas assassiné, ici, au beau milieu d’une foule, pour prendre ce qu’il cherche ?

Il la regarda, soudain méfiant.

— Au beau milieu d’une foule ? répéta-t-il dubitatif.

Elle haussa les épaules.

— Je ne vois pas ce qui l’en empêcherait. Qui plus est, il a des gardes qui le protègent. Il veut, ou il attend, quelque chose de vous, c’est évident. Sinon, pourquoi un extraterrestre s’intéresserait-il à un Terrien ?

De toute évidence, il n’avait pas vu les choses sous cet angle. Cela ouvrait de nouvelles perspectives. Certaines semblaient plutôt bonnes et d’autres carrément mauvaises, à juste raison.

— J'ignore ce qu’il recherche…

— Vous le savez très bien. Et vous l’avez deviné dès l’instant où il vous a mis la main dessus.

Il se garda bien de prétendre le contraire et répondit par une autre question. Il fut aussi direct qu’elle l’avait été :

— Et vous ? Pourquoi tenez-vous tant à ce qu’il devienne votre maître ? Qu’attendez-vous de lui ?

Elle ramena une de ses jambes sur l’autre et afficha un air décontracté, comme si sa situation ne l'inquiétait pas du tout, et en pensant, dans le même temps, que les créatures chevelues lui avaient fourni des chaussures inadéquates pour courir.

— Pensez-vous qu’il peut nous ramener sur la Terre ?

— Je pense qu’il le pourrait, mais que ce n’est sûrement pas dans ses intentions. Et puis, je ne suis pas certain que sa présence sur la Terre soit une bonne chose. Même si vous… même si on lui accorde le bénéfice du doute, il traîne pas mal d’ennemis dans son sillage…

Il ne disait pas que lui-même ne souhaitait pas retourner sur la planète qu'il avait eu tant de mal à quitter, émotionnellement.

Elle fit abstraction de cette observation.

— C’est certain. Les voir débarquer sur la Terre, ça ferait désordre, ironisa-t-elle.

— Cela dit, ils pourraient bien être surpris par l’accueil.

— Cela n’a pas empêché votre ami Drægan d’y avoir quand même ses entrées parce que, pour un extraterrestre, je trouve qu’il parle plutôt bien les langues terrestres… Enfin, au moins une.

— Ce n’est pas mon ami.

Dans le temps présent, songea-t-elle.

Elle frissonna.

— Ça va ?

Elle sursauta légèrement lorsqu’elle sentit la main de MacAsgaill se poser sur son avant-bras. Elle avait ressenti une légère décharge électrique.

Lui aussi apparemment. En plus, il semblait sincèrement inquiet pour elle.

— Oui, je pense… Désolée. J’étais... ailleurs.

— C’est le moins qu’on puisse dire. Pendant quelques secondes, vous sembliez vraiment aux abonnés absents. Vous aviez même cessé de respirer…

— Cela arrive de plus en plus souvent depuis mon passage par le CET.

Il se raidit à l’évocation du Contracteur Espace-Temps. Un pli d’inquiétude apparut sur son front.

— Alors, c’est le Colonel Doherty qui vous envoie ? en déduisit-il. Équipe de récupération, j’imagine ?

— Récupération, admit-elle.

— Juste moi ?

Elle acquiesça.

— Vous pensiez à quelqu’un d’autre ?

Il secoua la tête.

— Ils ne vont pas me lâcher, soupira-t-il.

Elle confirma :

— Ils voulaient vous ramener sur la Terre, que vous le souhaitiez ou non. Peut-être qu’ils trouveront le moyen de le faire. Je pense que mon équipe est rentrée sur la Terre… À cause de moi. Ils doivent penser que je suis morte…Mais ils vont découvrir que ce n’est peut-être pas le cas. Il est possible, alors, qu’une nouvelle équipe soit envoyée à notre recherche.

— Les voyages, avec le CET, sont limités… Pas en eux-mêmes, mais pour l’Être humain. Notre organisme supporte mal le transfert de molécules.

— Je ne suis pas certaine que la santé des troufions soit une priorité, même pour l’AMSEVE. Ceux qui les emploient peuvent engager autant d’hommes qu’ils en auront besoin.

— Le Général Doherty ne ferait pas prendre de risques inutiles à ses hommes, objecta-t-il.

— Le Général est non seulement proche de la retraite, mais tout le monde n’apprécie pas de le savoir à la direction de l’AMSEVE. Dès l’instant où il baissera sa garde…

Elle s’arrêta net un court instant, avant de conclure.

— Sans oublier qu’on le dit malade.

Elle vit une vague de tristesse passer dans les yeux de MacAsgaill.

— Le Général est un homme solide, assura-t-il.

Il manquait de conviction.

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