Chapitre 04.2

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L’informateur avait parlé d’un litige au sein de l’ONU qui mettait, face à face, Russes et Américains. Pas seulement.

Les Français et les Allemands étaient du côté de ces derniers, aussi étonnant que cela puisse paraître. Les Anglais aussi, bien qu’un peu plus mitigés dans leurs décisions officielles.

Tout reposait sur la création d’un programme d’exploration spatiale américain. Une décision politique qui faisait suite à la découverte de la succursale Aéronautique & Recherches d’une entreprise européenne. Apparemment, l’ATIDC qui se servait des données fournies par l’AMSEVE pour établir son propre planning de recherche et d’exploration de la Voie lactée.

Pour le hacker, comme pour les Américains et les Russes, les choses n’étaient pas aussi unilatérales. Il lui semblait que l’ATIDC avait elle aussi ses propres données et les fournissait à l’AMSEVE. Leur collaboration allait bien plus en ce sens que dans l’autre. Mais il n’en avait pas eu la preuve. Lorsqu’il avait tenté de pénétrer dans la base de données de l’ATIDC, il en avait aussitôt été éjecté.

Cette relation aurait dû rester officieuse. La corrélation n’aurait jamais dû avoir lieu. En tous les cas, elle avait servi de prétexte pour les États-unis, et sans doute pour d'autres états. La course à la conquête de la Voie lactée autrement que par vol spatial avait commencé.

Mais l'ATIDC ayant une bonne longueur d'avance avait continué à les coiffer sur le poteau.

Sauf que la filiale avait été victime de l’indélicatesse de l’un de ses chercheurs.

Une histoire d’espionnage et de trahison comme une autre.

La maison-mère du groupe avait immédiatement réagi en faisant don de l’une de ses plus importantes inventions, non au monde mais, à l’Organisation des Nations Unies.

Pourtant, officiellement, rien n’avait filtré sur la nature de cette avancée technologique.

Toujours selon l’informateur, ne pas informer le commun des mortels de la nature de la trouvaille prouvait que celle-ci devait être suffisamment importante pour bouleverser le monde, ou la conception que l’on en avait.

Ce que personne ne semblait souhaiter, tant du côté de l’ATIDC, que de celui des Nations unies. Le fait que les Américains n’avaient pas cherché à réagir publiquement, après avoir été éconduits, le confirmait.

Esmelia et Kolya connaissaient bien Aerospace & Terraforming Industrial Development Corporation. Ils y avaient déjà effectué plusieurs piratages informatiques sans jamais rien trouver d’intéressant.

La grande société était plus claire que de la fameuse Eau d’Evian. Ils n’avaient d’ailleurs pas eu beaucoup de difficultés à pénétrer les réseaux de la firme.

De toute évidence, si ce que l’informateur disait était vrai, alors ils avaient été bernés en beauté.

S’ils avaient pu pénétrer dans le réseau de l'ATIDC, c’était parce que celui-ci l’avait bien voulu.

Le système de l’IAE, l’Intelligence Artificielle Entrepreneuriale, était comme un labyrinthe. Tout était fait pour que vous suiviez un chemin bien défini, un fil d’Ariane. Vous pouviez vous en écarter un peu, mais vous finissiez toujours par retomber sur le "bon" chemin.

Tous les autres devaient donc être cloisonnés, et aucune indication ne laissait supposer qu’ils existaient.

D’ailleurs, qui aurait eu l’idée de les chercher ? Ou de passer à travers les cloisons ?

D’après le hacker, l’ATIDC travaillait sur un concept de pont quantique depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Ce projet prenait ses sources dans les travaux d’Einstein et d’Oppenheimer.

Peu avant l’invasion nazie, les deux filiales, française et anglaise, de la société avaient été déménagées au Canada. Le siège social, lui, avait été installé aux États-unis, à New-York précisément.

Son dirigeant, un mystérieux et excentrique homme d'affaires vivant en ermite et refusant de se montrer en public, avait largement participé à l’effort de guerre en fournissant de la matière première aux ingénieurs du projet Manhattan, ainsi que des chercheurs, mais aussi des toiles pour les uniformes et les tentes des soldats alliés, des médicaments et des pièces d'armement.

La guerre terminée, les deux filiales avaient été réinstallées en Europe. D’autres avaient vu le jour en Asie, Afrique et en Amérique du Sud. Pour la première fois un visage apparut à la tête de l'ATDC, celui d'une jeune femme, Etsuko Wong, présentée officiellement comme la fille adoptive de L'Homme Mystère. La presse avait pris l'habitude de surnommer ainsi le vieil original. Sans l'avoir jamais vu, d'ailleurs, tout le monde le supposait suffisamment âgé pour avoir participé à une ou deux autres guerres, voire même d'être une Gueule cassée, ce qui expliquait pourquoi il refusait de se montrer.

Dans un premier temps, Etsuko Wong fut la codirigeante de L'ATIDC, puis quelques années plus tard l'héritière. Entre temps, à la veille de la Peur rouge, en 1950, le siège de l'ATIDC quitta New-york pour le Luxembourg où il se trouvait encore à l'heure actuelle. La firme avait continué à prospérer comme si le conflit n’avait été pour elle qu’une parenthèse.

Au 20e siècle, des années cinquante jusqu’au milieu des années quatre-vingt, les activités des Américains en matière d’espionnage ne se développèrent pas seulement derrière le Rideau de Fer.

Et les Russes, les Chinois, les Allemands de l’Est, comme de l’Ouest, les Français, les Italiens et tous les autres, même en ayant à se remettre de la défaite, avaient fait exactement la même chose avec la même efficacité que leurs alliés ou leurs ennemis.

Le déménagement total de l’ATIDC sur le territoire européen avait été vécu comme une forme de trahison par certains dirigeants politiques et décideurs financiers américains, et surtout selon la propagande du moment, comme un aveu des convictions politiques de ses dirigeants.

Mais il était évident que les aides apportées à la reconstruction des pays touchés par la guerre, l'influence de ses cadres auprès des politiciens européens pour contrer, ou au moins atténuer, une mainmise états-unienne sur différents secteurs économiques en devenir, étaient les véritables raisons de ce ressentiment.

Sans compter que des chercheurs de tous bords, et de toutes nationalités, y compris américaine, avaient préféré travailler pour l’ATIDC plutôt que d’accepter les conditions de travail offertes par leurs propres institutions. Elles étaient pourtant avantageuses. À cause de ce refus, beaucoup d'entre eux avaient été suspectés d’être des communistes.

Avec le temps, les scandales s’étaient effacés. Les hommes d’influence qui les avaient faits naître, croître et exploités étaient morts ou déchus.

Le monde avait changé, et ceux qui le gouvernaient aussi. Un bon siècle plus tard, les ressentiments n'avaient plus lieu d'être. D'autant que le consortium, comme ses dirigeants et ses actionnaires s'étaient toujours tenus loin du moindre scandale politique, financier ou people. Même le divorce, pourtant très médiatisé, de l'une des petites filles de la dirigeante d'avec un ancien premier ministre anglais resté très proche de la famille royale, n'avait causé aucun remous tant il s'était admirablement bien passé.

Cette réputation sans faille n’avait pas empêché que l'ATIDC soit mises sous surveillance constante de part et d’autre du monde, et qu’en réponse celle-ci ait durci ses protocoles de sécurité.

Si la plupart des recherches des filiales de l’ATIDC avaient fini brevetées, copiées, jamais égalées, et figuraient chaque année en bonne place au palmarès des objets les plus utiles à la civilisation humaine, les espions n’avaient jamais rien mis à jour qui mérite l’attention de leurs supérieurs hiérarchiques.

Et puis, il y avait eu cette découverte.

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