Chapitre 02.4

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C’était arrivé bien avant que la machine cesse de fonctionner.

En avaient-ils prévu l’éventualité ? Avaient-ils une sorte de plan B pour quitter la planète ou s’y cacher si profondément que nul ne pourrait les retrouver ?

Il ne restait que l’un des fils de Baal l’Ancien pour le savoir.

Adad Melqart était le seul à avoir survécu à la purge qui avait eu lieu à la mort de Darius. Il n’était encore qu’un enfant, il y avait deux millénaires. De quoi se souviendrait-il ?

Le Baal adulte saurait-il retrouver le reste de L’Occulteur, y replacer son cœur afin de le réparer ? Et si l’ancien dieu s’était affilié aux Terrans, comme beaucoup d’autres, ou bien s’il avait été livré à eux par ses ennemis ou d’autres Drægans ?

Les Drægans n’étaient pas connus pour leur sens de la loyauté, et Baal n’avait jamais fait l’unanimité parmi eux.

Non, c’était impossible. Il était bien trop malin pour être pris, et trop indépendant pour être soumis à qui que ce soit.

Il y avait une autre difficulté…

Où que Baal se trouve, s’il était encore de ce monde, mieux valait qu’il possède un vaisseau spatial à sa disposition. Autrement, il aurait des difficultés pour trouver et atteindre la machine si elle ne se trouvait pas sur la Terre.

De cela, Mead’ en était persuadée.

À sa connaissance, il n’y avait plus aucun vaisseau spatial terrien, encore moins un bâtiment de guerre ou de sauvetage capable d’emporter un équipage au-delà de Pluton.

Depuis cent-cinquante ans environ, la conquête de l’espace avait fait partie du quotidien de Mead'. Vers le milieu du XXIe siècle, le temps des plus grands astrophysiciens, radioastronomes et planétologues, et les ressources de quasiment tous les pays avaient été consacrés à la recherche spatiale, à la construction de vaisseaux capables de voler jusqu’à la planète Mars, jusqu’à Europe, Callisto et Ganymède, trois des quatre satellites galiléens de Jupiter, jusqu'à Titan l’une des lunes de Saturne, et à l’établissement des stations spatiales orbitales et des bases planétaires. Une mission habitée avait même été envoyée observer Titania, le satellite d’Uranus.

L’objectif initial était la sauvegarde de l’humanité. Si l’une de ces bases extraterrestres venait à être attaquée d’une manière ou d’une autre, cela devait permettre aux dirigeants des autres bases et aux autorités de la Terre de se préparer à la riposte. Et si la planète bleue voyait un jour une extinction massive, les satellites devaient tenter de garantir la survie des espèces, en particulier l'Humanité.

Le premier vaisseau était parti pour Mars l’année de sa naissance. Il avait fallu dix ans pour que les premières bases lunaires martiennes soient opérationnelles, les autres avaient suivi. Cinq ans après le début de chaque édification, les premiers colons y avaient été envoyés. Mais tout s’était arrêté brutalement vers la fin des années 2080. La faute à un espace extrasolaire encombré.

Depuis que les Russes et les Américains avaient envoyé des objets dans l’espace, c’est-à-dire après la Seconde Guerre Mondiale, il n’y avait pas eu une année sans qu’un satellite ou une fusée quitte la Terre sans jamais y revenir, du moins dans son intégralité.

Après plus de cent ans, il était normal que l’espace extraterrestre soit encombré de morceaux d’astronefs. Sans compter la présence de quelques épaves de vaisseaux extraterrestres à la dérive. Les uns percutant les autres.

Chaque impact produisait des morceaux toujours plus petits, au point de tresser un maillage étroit autour de la Terre, et de rendre difficile le passage de vaisseaux terrien vers l’espace. Le risque d’être percuté par un fragment ou une pluie de fragments était trop important. Des équipages entiers transportant des colons avaient été perdus à la suite de mauvais calculs de trajectoires qui, de toutes les façons, étaient trop souvent imprécises ou aléatoires.

Cette frontière de débris extrasolaires avait aussi pour autres conséquences de réduire l’apport de lumière et de chaleur et de participer à l’effet de serre. La Terre avait une hygrométrie cinq fois supérieure à celle de la fin du XIXe siècle, époque où les neiges couvraient encore les Pôles et les sommets les plus hauts de la planète en permanence.

La construction de vaisseaux coûtait excessivement cher, et le risque de les perdre à peine quittés la planète était trop grand. Une grande partie de l’opinion publique n’acceptait plus ce fait. Officiellement, le programme d’exploration spatiale avait donc pris fin quasiment du jour au lendemain.

Elle savait qu’Adad Melqart aurait nécessairement besoin d’un vaisseau que de l’aide de compagnons fidèles.

En l’état actuel des connaissances technologiques terrestres, espérer voyager en dehors du système solaire d’ici moins de vingt ou trente ans relevait de l’impossible.

Les XXe et XXIe siècles avaient été des périodes de progrès, Mead’ n’en doutait pas, mais où en seraient-ils dans quinze, vingt ou vingt-cinq ans ? Il fallait que Baal ait son propre vaisseau. Autre problème, L’Occulteur de mondes avait été conçu pour protéger, et sans doute pour SE protéger. Elle devait donc être piégée. Le fait qu’elle soit tombée en panne y changerait-il quelque chose ?

Des compagnons...

Il ne pouvait être seul pour assumer cette tâche.

Tous les sauveurs de l’humanité avaient eu des compagnons. Là, ce n’était pas seulement de l’Humanité dont il était question.

Elle décida que retrouver Baal serait sa priorité pour les vingt, trente ou quarante années à venir. Peu importait le temps que cela prendrait. Pourvu que ce soit avant l’arrivée des Terrans.

Il possédait un cœur destiné à la machine. Si ce n’était pas le cas, elle l’aiderait à le retrouver. Ensuite, ce serait à lui de résoudre les problèmes qui se poseraient.

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