Chapitre 39.2

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Will digéra l’information, mais elle ne lui en paraissait pas moins choquante.

— Alors ma mère, mes frères et sœurs… Ils pensent... Ils savent tous que je suis mort ? Mes collègues, mes amis… Est-ce qu’ils ont survécu ?

— La plupart, je crois… Les réseaux ont parlé de cinq morts, et de sept disparus…

— Alors, ils me croient mort eux aussi. Ma famille… Mes amis…

— Will, ce ne sont pas ceux que tu as vraiment connus. Ces personnes sont de parfaits étrangers pour toi.

— Oui… Non... Cela ne peut pas être aussi simple. En fait, il n’y a pas vraiment de différence. Je les ai intensément connus, mais ce n’est pas comme si c’était il y a seulement un an. C’est plutôt comme si je les avais quittés il y a dix, quinze ou vingt ans. Ce qui est vrai pour ma famille. C’est comme s’ils avaient vécu leur vie, et moi la mienne. Peu importe les différences entre ce qu’ils étaient ou ce qu’ils auraient pu être… ou sont aujourd’hui. Ils restent présents à ma mémoire et je les aime… Et peut-être que j’aurais pu les revoir.

— Votre mort officielle n’est pas forcément une mauvaise chose.

Will regarda Grama effaré par ce qu’il venait de dire.

Celui-ci s’excusa avant de reprendre :

— J'ai appris récemment que L’AMSEVE entretiendrait une bouche. Une vraie bouche, Will. Pas un simple passage transitoire comme dans la ligne temporelle d’où vous venez. Cela reste à vérifier, mais si mon maître n’est pas sur la Terre, nous n’aurons pas le choix. Il nous faudra partir à sa recherche, ailleurs. Si elle existe bien, elle pourrait être notre porte de secours. Vous pourriez infiltrer la base... Juste en signalant votre existence. L’AMSEVE doit rendre un hommage à ses disparus dans quelques mois. Leurs familles feront le voyage jusqu’à la base polaire. Ce sera notre unique occasion, ou au moins la plus proche.

— Et vous, Grama, vous pensez pouvoir nous introduire dans la base de l’AMSEVE en cas de nécessité absolue ? lui demanda Esmelia d'une manière assez abrupte qu'il jugea sûrement préférable de ne pas relever.

— Je pourrai essayer, mais je ne peux pas vous le garantir.

— Sinon, il restera la première option, fit Will. S’ils me croient mort, il faudra que je leur prouve le contraire. J’imagine qu’ils voudront en avoir le cœur net, comme pour vous.

Esmelia réfléchissait à la meilleure solution à adopter. Si Will se faisait remarquer, ce ne serait pas ses anciens collègues qui le prendraient en charge, mais le CENKT. Certains de ses membres avaient le bras assez long pour court-circuiter leurs adversaires. L’Écossais ne connaissait rien de ce monde, même s’il ressemblait au sien. Il allait devoir apprendre à grande vitesse.

En ce qui la concernait, elle avait un gros avantage sur lui. Elle appartenait, en partie, à ce monde, cette réalité, cette ligne temporelle, cette vie. Quel que soit le nom qui lui était donné.

Elle devait avoir une discussion avec Will. En privé.

Une discussion qui ne leur plairait ni à l’un, ni à l’autre. Ses sentiments pour lui restaient forts, mais pas autant que sur le vaisseau. Pour autant, elle n’était pas disposée à le laisser risquer sa vie et leur mission sur un coup de tête. Qui savait par qui ils allaient être poursuivis, avant ou après que l’AMSEVE se soit intéressée à la résurrection de Will.

— Dans l’immédiat, on va éviter cette option, Will, décida Esmelia. Je pense que Grama ferait bien d’activer ses contacts. Nous aurons certainement besoin d’une solution de replis que nous retrouvions Baal ou non. Pendant ce temps, Will et moi, nous allons vérifier s’il n’est pas sur la Terre, entre les mains du CENKT ou d’un autre organisme d’État.

— Il faudrait aussi voir du côté de l’ATIDC et de ses filiales, suggéra Grama. Je peux m’en charger.

Elle acquiesça avant d’ajouter :

— Cela va certainement vous donner pas mal de travail, et vous exposer, le prévint Esmelia. Vous allez devoir redoubler de prudence. Il vous faudra aussi retrouver les Sumériens, ou au moins trouver le moyen de les prévenir que nous recherchons activement Baal, et qu’une fois que nous aurons mis la main sur celui-ci, ils devront se préparer à quitter la Terre. Soit avec un vaisseau, soit par un portail.

Will était d’accord lui aussi, mais il avait sa propre idée sur la manière de trouver Baal.

— Je connais quelqu’un qui pourra peut-être nous aider, suggéra-t-il. Il s’appelle Bradley Carnaham. C’est l’un de mes anciens collègues. Ici, j’ignore s’il a travaillé avec l’AMSEVE et, si c’est le cas, s’il a survécu à l’accident, mais ça vaut le coup de vérifier. Il n’a pas son pareil pour retrouver les gens. Avant d’entrer à l’AMSEVE, il travaillait pour les services de renseignements américains. Si Baal est prisonnier de l’AMSEVE, du CENKT ou de toute autre organisation gouvernementale, il le saura. Sans aucun doute.

Esmelia savait, par Will, que Bradley Carnaham avait été l’un de ses anciens collègues, et surtout un ami. Ils avaient été dans la même équipe d’exploration à l’AMSEVE. Carnaham l'avait même dirigée lors de deux ou trois missions extraterrestres. Bien que de nationalité américaine, son intégrité envers l’AMSEVE et envers ses compagnons avait été sans faille. Cela malgré les pressions de son gouvernement.

Ce que Will ignorait, c’était qu’après, sa disparition – quelle que fut la forme de celle-ci – l’équipe avait été dissoute. Carnaham avait demandé à rejoindre la vie civile. Il aurait pu se contenter d’une vie de riche héritier rebelle. Il avait préféré rentrer dans la police, puis au FBI. Ce qui n’allait sûrement pas leur faciliter les choses.

— Comment comptes-tu lui demander de collaborer une fois qu’il aura compris que tu n’es pas mort… et que tu n’es pas exactement l’ami qu’il a perdu ?

— On avisera. C’est ce qu’on sait faire de mieux, et c’est comme cela que nous nous en sortons le mieux, non ?

Ni Esmelia ni Grama n’étaient convaincus par son regain d’optimisme.

— Comment pouvons-nous le trouver ? l’interrogea-t-elle.

— Le connaissant, nous devrions nous intéresser aux évènements inhabituels qui pourraient être en lien avec des extraterrestres. Bradley me disait qu’avant d’entrer à l’AMSEVE, il était dingue de ces trucs-là, à cause d’une vieille série télé qu’il regardait avec sa sœur avant que celle-ci disparaisse mystérieusement… Comme la sœur du héros de la série. Il surveillait encore ce genre d’évènement curieux ou inexpliqué, à l’AMSEVE et il les répertoriait soigneusement pour pouvoir enquêter lorsqu’il aurait effectué son service et retournerait à la vie civile. J'espère que le Bradley Carnaham de ce monde fait plus ou moins la même chose.

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