Chapitre 37.5

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Will soupira. La mise en avant du CENKT sur la scène internationale était quelque chose qu’il admettait difficilement. Il se demandait ce qu’il en était de l’AMSEVE. Jusqu’à quel point les choses avaient-elles changé ? À partir de quand et pourquoi ces changements avaient-ils eu lieu ?

— Et Baal ? Avez-vous une idée de l’endroit où il pourrait se trouver ?

Will avait posé la question, mais il devinait que Grama n'avait sans doute pas la réponse à cette interrogation. Son instinct ne le trompait pas.

— Cela fait huit ans que je le cherche, répondit Grama. Jusque dans les livres d’histoire. Soit il est remonté plus loin que nous dans le temps, soit il n’est pas encore arrivé, ou bien, il est ailleurs que sur la Terre. J’ai même été tenté d’utiliser le portail pour partir à sa recherche. En vain. Je suis resté coincé ici.

— Je ne suis pas certaine que cela aurait été une bonne idée, estima Esmelia. Vous auriez pu, en revenant sur la Terre, vous retrouver à une époque datant d’avant votre naissance, et changer, à nouveau, la suite des évènements. En mieux, peut-être. En pire, aussi.

Tant d’efforts réduits à néant, songea-t-elle en même temps. Elle sentit une vague de colère l’envahir.

— Il se terre sûrement quelque part dans la galaxie afin d’éviter d’être mêlé à un conflit auquel il a toujours refusé de se mêler de son plein gré, dit-elle froidement.

Will la regarda, surpris son animosité soudaine envers l’ancien dieu.

— Mon maître n’est pas un lâche, objecta Grama en la fusillant du regard. Il ne refuse jamais un combat.

— On ne peut pas, non plus, lui lancer la pierre si le combat est perdu d’avance, essaya de tempérer Will ? Mais je veux croire qu’il existe d’autres possibilités. Il n’a peut-être pas pu s’échapper de son vaisseau avant sa destruction… ou son sabordage. Ou bien Jor est parvenu à le capturer, ou un autre chasseur de primes. Il est peut-être prisonnier… ou mort.

— J’en doute, objecta Grama. Mon instinct me dit qu’il est en vie…

— Je n’y crois pas non plus, le conforta Will. Je l’ai vu se battre alors qu’il n’était pas au mieux de sa forme, face à des adversaires plus nombreux que lui. Enfin, si c’est arrivé, s’il est mort… Pour nous, cela n’arrivera que dans un an… Je suppose. Donc, en ce moment, il est en vie, quelque part… et n’a pas vécu les mêmes évènements que nous durant cette année.

Esmelia le contredit

— Pas exactement. C’est vrai pour le Baal de cette ligne temporelle, mais pour le nôtre ?

— C’est vrai ! réalisa soudain Will assez fort pour faire se retourner leurs plus proches voisins. S’il y avait cette possibilité... Nous sommes tous les trois, ainsi que les Sumériens, dans une nouvelle ligne temporelle, alors il y a de fortes chances pour notre Baal y soit aussi.

— C’est… bizarre comme situation, fit Grama. J’y ai beaucoup réfléchi lorsque j’étais emprisonné. Croyez-moi, il faut du temps pour s’y faire. Si on part du principe qu’il existe plusieurs lignes temporelles, ou qu’il en a existé à un moment ou à un autre avant de fusionner, on peut supposer qu’il y a, peut-être plusieurs versions de nous-mêmes, et de Baal dans l’univers. J’ai aussi pensé que mes compagnons étaient retournés sur leur planète pour vivre avec leurs doubles, retrouver ceux qui ont disparu ou, au moins, les prévenir de ce qui allait arriver… Mais je ne pense pas que ce soit le cas. Je suis le seul à pouvoir activer la Bouche, et je n'y suis pas parvenu.

— D’autant que dans cette ligne temporelle, sur Sumer, ils n’ont peut-être pas idolâtré Baal, suggéra Will. Peut-être que leur dévotion est allée à un autre dieu, pas forcément enclin à des liens amicaux avec Baal.

Sentant que le sujet pouvait devenir soit douloureux, soit cause de conflit entre Grama et lui, il glissa sur un autre, assez proche toutefois mais moins sensible :

— Il est possible que tous ces changements, autour de nous, dans cet univers, par rapport aux évènements que nous avons connus, puissent être la conséquence de son retour, sur la Terre ou ailleurs dans la galaxie, il y a quelques années, ou quelques siècles.

Exactement le genre de phrase qu’il n’aurait jamais cru prononcer il y a encore quelques mois.

Ou les conséquences des actes de l’un de ses poursuivants, songea Esmelia.

— Depuis quand l’existence des Extraterrestres sur la Terre est-elle connue ? s’enquit soudain Will.

— L’existence ? s'étonna Grama.

Cette question ne semblait plus avoir de sens pour lui.

Will se souvint qu’il avait quitté la Terre très jeune, et depuis plus d’un siècle.

— Vous viviez où avant de quitter la Terre ?

— Près de Paris.

— En France ?

Grama acquiesça avant de rajouter.

— Il ne m’en reste pas beaucoup de souvenirs… Je n’en avais pas beaucoup de bons. Pourquoi ?

— Je me demandais, simplement. Vous disiez être très jeunes lorsque vous avez été enlevé.

Esmelia songea que Grama devait sûrement mieux manier les subtilités des langues sumérienne et dræganne que celles du français ou de l’anglais parlé sur la Terre, mais elle trouva qu’il se débrouillait quand même bien.

— Je n’ai pas été enlevé, expliqua. Baal m’a sauvé la vie, et je lui en suis redevable.

Esmelia le sentit sur la défensive.

— Vous feriez tout pour lui, y compris vous sacrifier s’il vous le demandait, n’est-ce pas ?

Grama la regarda droit dans les yeux :

— Ce qu’il ne fera jamais, répondit-il. Vous l’avez vu dans le vaisseau ? Vous avez partagé notre vie pendant des mois. Chacun d’entre nous serait resté avec lui s’il nous avait laissé le choix. Il n’aurait pas eu à nous le demander. Mais il savait que cela nous mettrait en danger. C’est pour cela qu’il nous a obligés à retourner chez nous. Mourir pour lui ? Je pense que je n’hésiterais pas une seconde.

— Nul ne sait ce qu’il est capable de faire avant d’être confronté au choix ultime, observa Will.

— Si vous le dites, obtempéra Grama qui ne souhaitait plus évoquer le sujet.

— Baal vous avait confié la responsabilité de ses hommes et vous ne vous êtes même pas renseigné sur ce qu’ils sont devenus, s’étonna Esmelia. Ils ont très bien pu être capturés, comme vous, torturés et tués.

Elle n’en était pas certaine, mais quelque chose chez Grama lui soufflait qu’il ne disait pas toute la vérité.

— Esmelia, qu'est-ce qui te...

— Ils sont plus en sécurité sans moi, le coupa sèchement Grama en évitant de les regarder.

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