Chapitre 21.2

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Ereshkigal avait peu vu la lumière depuis qu’elle avait parasité son dernier hôte, quelques siècles plus tôt. Sa peau était d’un blanc si laiteux qu’on y percevait, par endroits, un réseau de veines dont la couleur oscillait entre le bleu et le vert.

Il y avait en elle une forme de retenue, une grâce aristocratique rehaussée par sa tenue vestimentaire, une longue robe noire changeante, tantôt fluide comme une nappe d'eau profonde, tantôt vaporeuse comme un nuage orageux, échancrée jusqu'au nombril devant, et jusqu'au bas du dos à l’arrière. Il n'y avait rien de vulgaire dans sa tenue vestimentaire. Elle n'aurait en rien déparée au réveillon d'une fondation humanitaire, au milieu de millionnaires habillés par les plus grands couturiers de la Terre.

Esmelia, qui n'admirait pas plus que cela ce genre de toilette, se demandait comme elle pouvait tenir sur les épaules de la frêle Dræganne.

La coupe de sa robe mettait en valeur sa taille très fine et ses bras de sylphide qui se terminaient par des mains aux doigts longs comme des serres. Celles-ci étaient peintes en noir jusqu’aux avant-bras.

Guère plus âgée que Perséphone, plus petite, et plus osseuse, sa silhouette, son port de tête évoquait celui d’une danseuse comme sa façon de se déplacer.

Une lourde couronne d’ambre finement sculptée couvrait sa tête du bas de son front jusqu’à l’arrière de sa nuque. Il était impossible d’apercevoir le moindre cheveu ou même ses oreilles qui pouvaient aussi bien être pointues qu’absentes.

La partie supérieure de son petit visage ovale était peint en gris souris d’une pommette à l’autre. Autour de ses yeux étaient tatoués de nombreux motifs en arabesques de couleurs irisées que le gris de son maquillage faisait particulièrement ressortir. Elle avait le plus étrange des regards que l’on eut vus, même chez un Drægan humanoïde. Ses pupilles étaient d’un rouge carmin profond, entourées d’une iris d’or mouvant baignant dans un fond noir d’encre.

Dans certains systèmes, elle était une déesse des enfers parmi d’autres. Dans celui qu’elle avait choisi, sur une petite planète obscure, dans tous les sens du terme, sur laquelle subsistaient des formes de vies étranges et incompréhensibles pour un être humain, elle était LA déesse ultime et incontestée des enfers.

Il n’y avait rien de surprenant à ce que ses congénères préfèrent généralement se trouver au milieu d’une dizaine d’ennemis redoutables plutôt que seul en présence d’Ereshkigal. Elle les mettait presque tous mal à l’aise.

En règle générale, personne n’osait l’affronter du regard, ni la fixer trop longtemps.

Elle ne souriait jamais. Les lèvres naturellement rouge carmin de sa petite bouche ne se décollaient jamais l’une de l’autre, même pour parler.

Aucun Drægan ne se souvenait de sa voix, même s'ils étaient tous persuadés de l'avoir entendue au moins une fois. Pas plus que celle d’un seul de ses labirés. Ceux-ci avaient adopté les mêmes signes distinctifs visuels que leur maîtresse, et son attitude distante, voire étrangère au monde qui les entourait.

Esmelia avait remarqué le regard courroucé qu’avaient posé sur elles, deux Chanceliers, Horus et Teutatès, lorsqu’elles étaient descendues du vaisseau d’Enki.

Leur mécontentement était légitime de leur point de vue. Horus avait préalablement recommandé que ses comparses, en particulier les Chanceliers, anciens ou actuels, évitent de voyager, dans un même vaisseau, au cas où une attaque serait portée contre eux.

Peu désireuses de suivre les ordres de leurs semblables, Perséphone et Ereshkigal ne s’en étaient pas préoccupées. Elles pensaient que si quelqu’un désirait les supprimer, il pourrait le faire, ou du moins tenter de le faire, n’importe quand, n’importe où et n’importe comment, qu’elles soient isolées ou au milieu d’une foule de leurs semblables.

Elles n’avaient pas tort.

Des Drægans avaient été assassinés dans des combats au corps à corps, empoisonnés au cours de banquets, victimes d’accidents de chasse ou d’explosions dans leur palais, ou encore avaient été attaqués alors qu’ils étaient à bord d’un vaisseau spatial.

Cette indépendance d’esprit caractérisait l’espèce. Surtout lorsqu’elle était dotée d’une hiérarchie très présente, et pesante. Plus encore lorsqu’une menace mortelle pesait sur elle.

L’enfer n’était pas la seule chose qu’Ereshkigal partageait avec Perséphone.

Il y avait Enki qui avait été le compagnon et amant de la déesse des enfers, et était maintenant celui de la maîtresse des mondes souterrains.

Quelques mauvaises langues parmi leurs pairs prétendant être plus renseignées que d’autres évoquaient même un ménage à trois.

Des trois celui qui s’amusait le plus de ces rumeurs était sans doute Enki. Au point qu’il appréciait y ajouter quelques détails supplémentaires lorsque l'occasion se présentait.

En réalité, il alternait entre les deux, mais il disait à celle et ceux qui voulaient l'entendre, quelle que soit leur espèce, que son coeur était encore à prendre. Enki était aussi connu pour ses performances amoureuses que pour ses expérimentations abracadabrantes. À la différence de celles de Baal, malgré ses efforts, ses inventions avaient toujours du mal à exploser.

Enki rejoignit les deux femmes d’un pas rapide et s’immisça entre elles, les attrapant chacune par la taille. Un geste qui se voulait autant amical envers l’une et l’autre, une manière de les assurer de sa fidélité au cas où les choses tourneraient mal, et provocant envers tout autre témoin de la scène.

Ce genre de familiarité, aucun Drægan ne se le permettait en public, mais il n’en avait pas grand-chose à faire.

Enki avait tout d’un dandy totalement décadent se fichant des usages et des convenances. Un image, un rôle, un caractère que le temps et les prêtres qui le vénéraient avaient enjolivé. Les légendes courant sur Enki, ou Éa, son autre nom, étaient nombreuses sur certaines planètes de la galaxie.

Il pouvait, lorsque l’envie lui en prenait, se lancer dans les paris les plus fous, les plus improbables, ou encore fréquenter des gens ou des créatures peu recommandables, quitte à essayer de les arnaquer. Ce qui arrivait inévitablement après quelques semaines, quelques jours, voire quelques heures de fréquentation.

C’était là un de ses passe-temps favoris.

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