Chapitre 25.2

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— Cottos a toujours été loyal envers nous… le défendit Erra.

— En tous les cas, il l’a toujours été envers les Primordiaux, et les Aînés, dit Esus.

Teutatès se leva soudain de son siège. Apollon allait lui laissait sa place au centre de l'assenblée, mais un signe discret de l'ancien dieu gaulois lui fit comprendre qu'il n'en avait nul besoin. Teutatès fit quelques pas en direction d’Erra et d’Esus, autant pour détendre ses articulations qui le faisaient souffrir lorsqu’il restait trop longtemps inactif et que pour leur montrer qu’il ne les craignait en aucune manière.

— Oui, bien sûr. Tant que nous lui fournissions de quoi assouvir ses penchants pour ses recherches. Son royaume est une planète minuscule et marécageuse. Elle est couverte de ruines d’anciennes civilisations éteintes depuis des milliers d’années.

— Cottos accepterait n’importe quoi pour élargir ses perspectives, assura Boann.

Elle eut un sourire narquois à l’égard d’Erra avant de poursuivre.

— De ce point de vue, il te surpasse de très loin, Erra. Il ne serait pas impossible qu’on lui ait proposé de passer à des étapes supérieures, voire d’en sauter quelques-unes.

— S’il nous a trahis, il faudra qu’il le paie de sa vie, prévint Enki, radical.

— Et tu n'attends que cela depuis des siècles, n'est-ce pas ? Nous connaissons tous le lien de parenté qui te lie à Baal, Enki, lui assura Anat d’une voix apaisante.

— Tu es bien placée pour le savoir. Du moins, tu l’étais, répondit l’intéressé. Il n’empêche, la loi est la même pour tout le monde. Si Cottos nous a trahis, alors il le paiera. Si l’un de nous trahit les siens, il doit s’attendre à des représailles.

— Ah, oui ? Pour Cottos, si c’est le cas, alors il est peut-être trop tard, les avertit Horus. Ne commettons pas l’erreur de le sous-estimer. Lors de la dernière guerre, contre les Primordiaux ? Nous aurions pu avoir la preuve réelle de son implication si ces derniers ne s’étaient pas soudainement retirés en nous laissant seuls sur le champ de bataille.

— Au final, pas sûr que nous ayons vraiment eu envie de le savoir, lâcha Divona. Même pour tous nos morts.

Teutatès acquiesça d’un bref signe de tête.

— Nous ignorions de quel côté il était vraiment, reconnut-il. Nous avions à panser nos plaies et à mettre fin à nos désaccords internes plutôt que nous occuper de lui et de savoir ce qu'il en était. Comme l’a souligné Divona, à sa manière, c’était peut-être mieux pour nous.

— Oui, mais aujourd’hui, s’il s’est allié à notre ennemi, alors nos chances de survie sont encore plus réduites, observa Damona d’une voie ténue mais suffisamment claire pour capter leur attention. Cependant…

— Cela ne change absolument rien, l’interrompit Priape. Cottos passe son temps à torturer et à tuer tout ce qui lui tombe sous la main. Ne nous faisons pas d’illusion sur le sort de ceux qui viendraient toquer à sa porte. Il les désosserait, les écharperait ou les écorcherait vivants juste pour connaître leur seuil de résistance… ou peut-être seulement pour son plaisir.

— Cependant ? releva Apollon à l’intention de la gracieuse Damona.

Chaque fois qu’il posait ses yeux sur elle, il sentait son cœur battre un plus vite. Pourtant, il la connaissait si peu. Il ne l’avait même que rarement rencontrée. Mais chaque fois qu’il posait les yeux sur elle, comme tout amoureux de la beauté, il se sentait saisi d’un ravissement à couper le souffle, un plaisir qu’il croyait pourtant éteint depuis des siècles.

Le silence se fit de nouveau au sein du Conseil.

La jeune femme au regard d’un bleu presque transparent et à la fragile silhouette diaphane remercia Apollon d’un signe de tête.

Elle éprouvait quelque chose à son égard, elle aussi.

Esmelia le ressentit. Elle se souvint sans savoir d’où pouvait lui venir cette réminiscence sur leurs us et coutumes que les Drægans pouvaient s’aimer sous certaines conditions. L’une était de pouvoir procréer sous leur état naturel, pas autrement, et assurer ainsi la survivance de l’espèce. Le caractère belliqueux de chaque individu rendait l’existence d’un tel sentiment compliqué, mais pas impossible. Cependant, la condition était assujettie de deux autres : ils devaient retourner sur leur planète natale, et abandonner leur hôte le temps des ébats, de la gestation et de la procréation, avec assez peu de chance de les retrouver. Sans la moindre conscience d'eux-mêmes et encore moins d'instinct de conservation, les hôtes n'avaient guère de chance de survie au-delà de la première heure de libération. En dehors de cela, rien n’empêchait que deux Drægans puissent lier un lien aussi fort que l’amour, tel que pouvaient le concevoir de nombreuses espèces sapiens sous leur forme originelle ou sous l'apparence de leur hôte.

Encore que... Une autre condition, rarement évoquée, était qu’ils devaient appartenir à la même sous-espèce. Ce qui n’était pas le cas de Divona et d’Apollon. Le but était de préserver la diversité de l’espèce elle-même.

L’union entre différentes espèces extraterrestres ou sous-espèces drægannes n’étaient pas rares, bien que peu mises en évidence chez les Drægans.

Finalement, songea Esmelia, dans l’espace comme sur la Terre, il y avait des lois absurdes qui régissait la vie des individus. Les humains s’étaient battus contre cela durant deux siècles, jusqu’à un brutal revirement au milieu du XXIe siècle. La colonisation du système solaire y avait joué un rôle important, et plus que jamais le système des castes régnait en force. La vie de chaque humain et son avenir comme sa fin dépendaient du lieu de sa naissance, et de la situation fiancière des familles. Il n'y avait rien de pire que d'être née femme de couleur au sein d'une colonnie extraterrestre, dans une famille pauvre. Sauf, être née parmi les Dalits, les Intouchables sur Terre ou ailleurs.

Un brin provocateur aux yeux de ses pairs, à la différence de Horus et son penchant pour Boann, Apollon ne cachait pas son intérêt pour la belle Dræganne.

Esmelia se rendit compte que quelque chose avait changé dans leur société hyper codifiée. La menace d’extinction de leur espèce les poussait-elle à agir ouvertement lorsqu’il s’agissait de sexualité, ou même de famille ?

La fidélité n’était pas une notion familière aux Drægan, comme à toute espèce capable de vivre plusieurs centaines d’années. Elle ne leur était pas, non plus, inconnue. Cependant, l’union de deux individus devait avant tout se prêter aux impératifs de leur destinée, et plus largement de celle d’une espèce. Peu importait le nom qu’ils pouvaient lui donner ou le degré d’intensité de leurs sentiments.

Apollon n’était pas le seul à avoir l’esprit préoccupé par autre chose que la crainte d’un ennemi insaisissable.

Teutatès avait toujours l’image d’Esmelia en tête, mais pour quelle raison ? Une rivalité avec Baal ? Le goût du jeu ? Ou autre chose de plus exotique, de plus drægannien ?

Elle avait ressenti son intérêt, peut-être son attirance, comme une force grandissante mais moins avec son instinct qu’avec son sens de l’observation.

Elle en éprouva une certaine crainte. Que se passerait-il si elle se retrouvait face à lui ? Serait-ce un de ces changements possibles, un virage du destin sur lequel elle n’aurait plus aucun contrôle ?

Elle chassa cette idée et reporta son attention sur la Dræganne qu’Apollon ne quittait pas des yeux.

Damona avait toujours peur de s’exprimer face à ses semblables, de les affronter.

Pourtant, lorsqu’elle s’adressa à eux, sa voix était forte et juste.

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