Chapitre 26.3

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Pour la première fois depuis qu’elle avait repris conscience, Baal tourna la tête vers elle. Leurs regards se croisèrent. Il eut alors une hésitation, qu'il tenta de cacher, mais elle la perçut tout de même. Elle ne parvint pas à déchiffrer l'expression qui lui succéda. Elle ne se sentait pas très bien. Sans doute était-ce visible. Elle devait sûrement être plus livide qu’elle ne le supposait.

Il jeta un coup d'oeil aux moniteurs.

— Il doit faire très chaud à la sortie de l’une des bouches, expliqua-t-il sans se déparer du calme dont il faisait preuve depuis qu’ils étaient poursuivis. C’est pour cette raison que les capteurs ont surréagis. Il arrive qu’elles se déplacent et que leurs tunnels débouchent trop près d’une étoile. Espérons que cette proximité ne perturbera pas l’ensemble du réseau, et que nous arriverons à notre destination.

Esmelia se demanda si les portails tournaient autour des soleils, comme les planètes, ou si elles pouvaient satelliser ces dernières, ou encore si, d’ordinaire, ils étaient des points fixes dans l’espace. Elle n’aurait sûrement pas la réponse dans l’heure.

Par contre, elle se rendit compte que ce n’était pas un triangle mais une pyramide qui offrait cinq possibilités de passage, au moins. Cela devait sûrement avoir une incidence sur leur orientation. Non, sans aucun doute, cela en avait une. Elle en en eut soudain la certitude. Mais comment savoir quelle voie prendre pour arriver à destination ? Certaines pouvaient sûrement vous envoyer à l’opposé… ou carrément dans une supernova.

Baal n’essaya même pas de pénétrer la face qui s’offrait à lui de la manière la plus évidente alors qu’il formait une cible privilégiée.

Elle fixait toujours l’écran lorsque le signal de la frégate qui précédait ceux de tous les autres vaisseaux disparus durant quelques secondes, puis réapparut, avant de disparaître à nouveau.

Elle comprit que Baal venait d’occulter son vaisseau deux fois de suite espérant faire croire à leurs poursuivants qu’il avait été plus atteint par leurs tirs qu’il ne le paraissait.

Sa manœuvre fonctionna. Les poursuivants restèrent un moment indécis. Aucun ne songea à se diriger vers la pyramide. Puisque la frégate avait refusé l’obstacle, pourquoi le pilote s’obstinerait-il à vouloir le passer à nouveau ? Esmelia supposa que tant que son vaisseau restait occulté, Baal ne franchirait pas la bouche. Sans doute à cause d’une quelconque loi physique, cela devait s’avérer dangereux. Enfin, s’il la franchissait trop tôt, elle n’aurait pas le temps de se refermer et tous les vaisseaux ennemis se lanceraient à sa poursuite à travers le passage.

Au moins, ils auraient pu se placer en défense devant les faces de la pyramide. Ils n’étaient cependant pas assez nombreux pour la couvrir entièrement.

La frégate contourna le gros de l’essaim. Simultanément à cette manœuvre, son pilote était à la recherche du bon point d’entrée.

— Les soldats d’Amaterasu ne sont pas connus pour être les plus rapides de l’univers. En tous les cas, pas autant que moi.

Toujours aussi modeste, même dans les situations les plus périlleuses. En même temps, si c’était une tentative pour la rassurer, il devrait trouver mieux.

Elle imagina que celui, ou celle, qui donnait les ordres à l’escadron échafaudait toutes les possibilités d’entrée lui, ou elle, aussi. Elle réalisa alors que Amaterasu était tout à fait capable de conduire elle-même ses troupes à la bataille. Son désir d’éliminer Baal était tel qu’elle ne laisserait personne d’autre s’en octroyer la jouissance.

— Je serais curieuse de savoir qui est connu pour être plus rapide que vous.

— Personne, l’entendit-elle répondre.

Beaucoup trop confiant, songea-t-elle. Jusqu'au jour où...

— C’est bon. On y va, souffla-t-il presque à voix basse, visiblement tendu.

Il baissa le harnais de sécurité de son siège.

— Assise ! lui ordonna-t-il assez sèchement avant de se radoucir. Et attachez-vous.

Elle s’exécuta en silence en prenant place dans le siège qui se trouvait juste derrière le pilote. Elle baissa aussitôt le harnais qui la compressa immédiatement au fond de son fauteuil qui s’avéra relativement confortable, mais sûrement plus que les banquettes à l’arrière dans des moments aussi délicats que ceux qu’ils vivaient en ces instants.

De là où elle se trouvait, elle pouvait voir les trois écrans qui les entouraient et les manœuvres de Baal. Elle sentit l’arrière de son casque s’arrimer au dossier de son fauteuil et ses bottes s’aimanter à nouveau au plancher du vaisseau. Seuls ses bras restèrent libres de tous mouvements.

Sur l’écran, à sa droite, elle vit l’essaim se remettre en mouvement.

Leur chef avait sans doute compris la tactique de Baal, et avait donné l’ordre de se placer en un point précis de la pyramide. Mais il était déjà trop tard. Lorsque la frégate réapparut sur l’écran, elle se trouvait à mi-distance entre les vaisseaux ennemis et la bouche qui commençait à se refermer. Aucun d’entre eux ne pourrait les rattraper.

Elle sentit la petite frégate accélérer.

Ils entrèrent dans le passage sur le point de se refermer. Esmelia sentit le vaisseau frémir comme si elle et lui faisaient corps. Immédiatement, son environnement s’étira, se distendit, se disloqua en une multitude de rayons lumineux de couleurs différentes que ses yeux éblouis ne parvenaient pas à suivre ou même à fixer. Ses oreilles bourdonnèrent de plus belle, et sa peau sembla se hérisser de multiples petites piques. Elle n'arrivait même plus à penser correctement.

La nausée la gagna à nouveau. Cette fois, elle sentait qu’elle ne pourrait pas la retenir longtemps. Elle chercha vaguement autour d’elle sans trop savoir ce qu'elle cherchait vraiment… Quelque chose comme dans les avions… Avant, elle devait ôter son casque. Sa vue se troubla encore plus. Elle ne saisissait plus qu'une suite de formes et de couleurs. Elle tenta de lever les bras pour dévisser la bulle autour de sa tête. En vain. Il pesait une tonne. Elle avait l'impression que son siège était entrain de l'absorber. Elle avait des difficultés à respirer. Elle luttait pour rester consciente, essayant de se raccrocher à la très vague silhouette de l’ancien dieu phénicien, devant elle.

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