Chapitre 4: Orlane

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ORLANE

Ma tête est tellement lourde. Mon corps entier me fait souffrir, je ne sais pas où je suis, j'ai froid, je suis étendue sur quelque chose de dur et humide. Je ne sens qu'un faible courant d'air qui passe sur mon visage à mesure que je reprends petit à petit conscience de toutes les parties de mon corps. Ça y est, mes yeux s'entrouvrent enfin, ma vision est floue cependant, je ne vois rien autour de moi hormis qu'il a l'air de faire très sombre, je prends conscience que j'entends quelques personnes parler autour de moi, mais cela reste très léger. Ma vision s'éclaircie peu à peu, je bouge mon bras difficilement et tâte ce sur quoi je suis allongée, je suis sur le sol, il est complètement trempé. Je pose mon regard un peu plus loin et je peux voir des barreaux autour de moi, je suis enfermée dans une sorte de cellule. Je ne sais pas depuis combien de temps je suis ici mais suffisamment en tout cas pour être entièrement frigorifiée, je ne dois pas restée plus longtemps étendue sur ce sol glacé. Mais quand je tente de me redresser pour m'asseoir une intense douleur vient transpercer mon ventre, je me mords les lèvres, c'est si douloureux j'ai envie d'hurler. Une fois assise je me jette contre le mur de pierre de ma cellule pour m'y appuyer tant bien que mal, je relève alors la main que j'avais posée sur mon ventre douloureux ; du sang. Je baisse les yeux vers l'endroit qui me fait tant souffrir et j'y vois du sang traversant un bandage, que c'était-il passé pour que j'en arrive là ? Je dois me souvenir… Ma tête aussi me fait un peu mal mais elle est surtout très lourde. Oui, je me souviens, je sortais les poubelles à la fin de mon service au restaurant, ces deux hommes sont arrivés et m'ont tiré dessus, je me souviens m'être écroulée au sol immédiatement et avoir vu les deux hommes s'éloigner...Comment étais-je arrivée là alors...

En tout cas celui qui m'avait amené ici avait pris le soin de me mettre un bandage avant de me laisser croupir dans cette cellule. Essayant de me rappeler du moindre détail de ce qui m'étais arrivé, je tourne la tête de tous les côtés afin de mieux voir ce qui m'entoure et avoir une idée plus précise d'où je pourrais être, sur ma droite au travers des barreaux latéraux de ma cellule je peux voir un homme, assis dans la cellule voisine, il me regarde. Je le regarde sans rien dire pendant quelque instant, il a l'air épuisé, de grosses cernes sous les yeux et une barbe qui pousse n'importe comment, je suis incapable d'estimer quel âge il pourrait avoir mais j'éprouve une sorte de pitié pour lui, il doit être enfermé là depuis tellement longtemps. Je le fixe toujours en pensant à cela quand soudain l'homme s'adresse à moi :

- Enfin réveillée ? Tu ne devrais pas bouger de trop avec ce genre de blessure pas encore cicatrisée.

- Excusez-moi, je suis là depuis combien de temps ?

Rien que le fait de parler me procurait une douleur atroce à l'emplacement de la blessure.

- Ça fait deux jours déjà que tu étais allongée là sans bouger.

- D'accord...Merci…

Je regardais autour de moi une nouvelle fois et je pouvais voir des cellules à pertes de vue, des gens dans chacune d'elle, assis sans bouger et fixant le sol, certains blessés ou même amputés. Je n'en croyais pas mes yeux je me sentais tellement mal, une envie de vomir me prenais, quel était donc cet endroit, en plus de l'odeur de l'humidité s'ajoutait la puanteur du sang et des blessures infectées. Cette fois s'en était trop, je vomissais tout ce que mon corps pouvait contenir ce qui n'arrangeait en rien la douleur que ma blessure m'occasionnait. Je me tournais vers l'homme qui se trouvait à côté de moi, peut-être pouvait-il me donner quelques informations...

-Excusez-moi, encore...Vous savez où nous sommes et que se passe-t-il ici à la fin ? Pourquoi tous ces gens sont enfermés là et dans cet état ?

L'homme me fit signe de me rapprocher des barreaux pour me parler, j'avais visiblement parlé trop fort, tout le monde me regardais désormais. Je me suis traînée avec peine jusqu'aux barreaux reliant les deux cellules, j'avais pu me redresser mais il m'était impossible de me lever. Je m'appuie de nouveau sur les pierres humides du mur quand l'homme s'approcha à son tour et me répondit.

- Pour commencer, comment t'appelles-tu jeune fille ?

Je le regardais quelque peu dubitative mais il m'avait l'air différent des autres détenus, je me sentais en confiance alors que je ne le connaissais même pas. Je n'avais plus vraiment à perdre. Mais j'hésitais un peu...

-Orlane.

- Bien, Orlane, tu es originaire de Tyem pas vrai ?

-Oui, comment pouvez-vous le deviner ?

-Tous les gens que tu vois enfermés ici, moi inclus, nous venons tous de Tyem. N'as-tu jamais entendu parlé de "Saigai" ? Le terrifiant fléau qui nous a forcé à nous isoler et qui enlève les habitants de la ville sans laissé une trace ?

-Si évidemment...

J'étais si surprise, tous ces pauvres gens étaient des gens de ma ville, des gens que je suis susceptible d'avoir connus ou déjà croisés. Saigai… ce n'était qu'une légende pour moi, mon amie Sierra et moi étions d'accord sur le fait que Saigai n'avait rien de fantastique et que quelqu'un était derrière tout ça. Sierra... Je devais la voir le lendemain où toutes ces choses me sont arrivées...Je n'imagine pas la tristesse qu'elle peut éprouver en ce moment même...Oh Sierra...je suis désolée...Les paroles de l'homme en face de moi venaient de me plonger dans de profonds doutes. Il poursuivit.

- Et bien te voilà dans son antre si je peux dire ça comme ça, nous sommes au-dessus de Tyem dans un monde appelé le Persian, je sais que c'est difficile à croire mais c'est pourtant bien la réalité ne me prends pas pour un fou s'il te plait.

Il rit nerveusement avant de continuer.

- Nous avons tous été amené ici à bord d'un immense train noir, conduit par une femme très mystérieuse, contrairement à toi j'étais conscient durant mon transport jusqu'ici, j'ai eu beau la questionner elle ne m'a ni regardé ni parlé une seule fois. Nous avons été emmenés ici afin de nous battre les uns contre les autres dans une arène jusqu'à ce que mort s'en suive et tout cela pour le divertissement personnel des hauts placés de cette société. Qu'est-ce qu'il t’est arrivé avant que tu ne te réveille ici ?

L'homme au visage fatigué dont je ne savais toujours rien fixait à présent la blessure sur mon ventre en me posant cette question.

- Tout ce dont je me souviens c'est d'avoir sorti les poubelles du restaurant où je travaille après avoir terminé mon service, il était tard, deux hommes sont entrés dans la ruelle et m'ont tiré dessus. Je me suis écroulée sur le sol et...et...

Soudain tout me revenait dans un flash, le bruit assourdissant, les pas, quelqu'un était venu me récupérer après mon agression.

- J'ai repris connaissance après qu'on m'ait tiré dessus, j'ai entendu beaucoup de bruit puis des pas qui se rapprochaient et j'ai vu une paire de bottes noires et en levant les yeux j'ai pu voir des yeux aussi rouges que mon sang actuellement, c'était une femme je crois…Je ne suis pas sûre c'est assez flou encore…

L'homme me sourit après que je lui ai raconté me souvenir de cette mystérieuse personne.

- Alors tu as eu la chance de la rencontrer. Cette personne qui t'a portée, soignée et conduite ici est très importante, c'est elle qui est responsable du train et elle seule peut faire le lien entre notre monde et celui du Persian.

- Autrement dit, seule elle peut nous faire sortir d'ici ?

Il gratta son épaisse barbe avant de me répondre.

- Sortir d'ici, pas vraiment, cela dépend plus de nous que d'elle mais cette jeune femme nous est indispensable pour retourner à Tyem. Ecoute moi attentivement.

Il se mit à chuchoter et se rapprocher encore un peu plus des barreaux, visiblement il ne tenait pas à ce qu'on entende ce qu'il allait me dire.

- Pour sortir d'ici il va falloir se battre dans l'arène et en sortir victorieux sans quoi on ne pourra gagner notre liberté. Mais les combats sont rudes, tous ces gens sont désespérés et n'hésitent pas à blesser ou tuer dans l'espoir de s'en sortir. Personne ne sera clément avec toi, ils n'auront aucune pitié, tu dois y être préparée. Si tu n'as pas de capacités exceptionnelles au combat ou que tu ne sais pas comment faire, essaye d'être le plus rapide et attentive que tu peux, gagne tes combats avec ta tête. Les poings ne te serviront à rien si tu ne sais pas quand et comment frapper, tous sont tellement paniqués qu'ils frappent partout et n'importe comment, ils ne réfléchissent pas et c'est ce qui les perd. Et surtout pense aux personnes qui s'inquiètent pour toi et qui t'attendent à Tyem, qui t'attend chez toi ?

- Mes parents m'attendent et mon amie Sierra avec qui je suis depuis que je suis enfant...Elle est comme une sœur pour moi.

A la mention du nom de Sierra son regard sembla surpris mais il ne dit rien. Je ne pouvais pas finir cette phrase sans sentir les larmes me monter aux yeux, c'était si dur d'être là et ce que me disait cet homme me faisait si peur, je risquais de mourir ici et de ne jamais rentrer chez moi ni revoir ma famille. L'homme de l'autre côté des barreaux me souriait chaleureusement il avait un regard tellement pétillant et vivant comparer aux autres personnes dans cette prison, l'espoir et l'envie de vivre n'avaient jamais quitté cet homme, je pouvais l'affirmer.

- C'est dur n'est-ce pas ? Je le sais. Tu as envie de pleurer maintenant, non ? Tu ressens de la tristesse et une grande colère aussi. Mais même si tes yeux sont remplis de larmes, ton regard ne s'est pas baissé une seule fois et la petite étincelle dans tes yeux est toujours bien présente. Et ça, crois-moi, c'est la meilleure des qualités que tu peux avoir ici.

Dès qu'il eut finis de me parler, un lourd bruit de portes métalliques grinçantes se fit entendre. Tout le monde frémis à ce son, même l'homme à côté de moi paraissant si calme depuis tout à l'heure semblait désormais inquiet. Je ne savais pas de quoi il s'agissait mais je n'ai pas eu le temps d'y penser plus qu'une grosse voix grave retentit.

- Sortez les moi, allez, allez, on se dépêche bande de larves humaines !

Quel rustre ai-je penser, qui est-il pour parler ainsi aux autres et nous traiter comme des choses. Des hommes vêtus entièrement de noir sont venus ouvrir plusieurs cellules et en sortir la personne retenue dedans, moi y compris. Avec un lourd trousseau de clés, il ouvra ma porte et me saisit par le bras me forçant à me lever. La douleur de mon ventre était insoutenable, j'ai essayé de me débattre mais je n'en avais pas la force la prise de l'homme était bien trop forte. Ce dernier baissa les yeux sur mon ventre en voyant que j'y avais posé une main, il passa une main dans mon dos pour me soutenir et me sortit de ma cellule en répétant jusqu'à ce que nous ayons rejoint les autres ; "je suis désolé.". Je ne comprenais pas ce qui se passait mais cet homme avait l'air de faire ça contre son gré, seules des femmes avaient été réunies, nous étions alignées et un homme portant un drôle d'uniforme avançait vers nous, il s'arrêta devant la première.

- Hmmmm, non.

Il passa à la suivante, puis à l'autre ainsi de suite, juste les regardant quelques secondes et prononçant un seul mot. Il s'arrêta face à une jeune fille quelque personnes avant moi, la regarda de haut en bas, la jeune fille tremblait et baissait les yeux face à ce petit homme autoritaire.

- Celle-là oui.

La pauvre fille fut saisie par les hommes de main de ce détestable personnage et à l'aide d'une espèce de tampon, ils la marquèrent à l'intérieur de la main. Je sentais la rage monter en moi quand il arriva à mon niveau et s'arrêta, je n'ai pas pu m'empêcher de lui jeter un regard noir de mépris.

- Oh oh, un regard qui ne se résigne pas ! Cela fait bien longtemps que je n'en n'ai pas vu. Hm intéressant.

Il me regarda de bas en haut longuement, je le fixais toujours, il me répugnait.

- Elle est blessée, il faudra régler ça mais je la prends. Ça promet d'être intéressant avec une fille comme elle.

Cette fois je ne pouvais pas me retenir de répondre plus longtemps, je craquais sous le poids de ma colère.

- Et pourquoi me prenez-vous au juste ? Vous pensez faire votre marché ou je ne sais quoi ici en traitant des êtres humains comme des objets ?

Il était surpris visiblement que je lui réponde ainsi, mais il se mit à glousser.

- Oui c'est exactement ce que je fais, j'ai besoin de nouvelles domestiques alors je viens me servir où il y en a. Marquez-la.

On me saisit la main de force et à mon tour je recevais la marque de l'esclavage. L'homme fixa mon ventre en souriant puis il tendit la main en sa direction. Soudain je sentis les bandages autour de ma blessure se resserrer brutalement, la douleur me fit m'écrouler à genoux et pousser un cri sourd.

- Voilà une petite leçon de faite.

Je relevais immédiatement les yeux vers lui, j'avais encore plus envie maintenant de lui envoyer mon poing dans la figure si je le pouvais. Face à mon regard insistant il fronça les sourcils avant de continuer à inspecter la file. Si il pensait me traiter comme une domestique et m'obliger à faire quoique ce soit pour lui il se trompait lourdement. Lorsqu'il eut fini, ses hommes de main nous ont remis dans nos cellules respectives, je retrouvais mon voisin rassurant et me suis empressée de me rapprocher des barreaux pour lui parler.

-Qui est cet homme ?

- C'est le dirigeant actuel de la ville où nous sommes, Lazzaro. Voleur et responsable du malheur de Tyem et de Pandéorans.

Lui aussi semblait énervé après avoir assisté à l'apparition de ce mini dictateur.

- Donc ici nous sommes à Pandéorans si je suis bien, et vu ce que vous dîtes les choses n'ont pas toujours été comme ça c'est cela ?

- Oui avant que cet homme prenne le pouvoir de cette cité, tout y était paisible personne n'était enfermé dans ces cachots à part ceux qui le méritaient réellement. Et aucun conflit avec Tyem n'existait. C'est cette ordure que nous devons abattre pour sortir de là.

Il serra les poings et semblait réellement éprouver une haine immense à son égard. Je ne pouvais m'empêcher de le questionner.

- Que va t'il m'arriver quand je serais à son "service" ?

Il me répondit l'air inquiet.

- Malheureusement je n'en sais rien, je sais qu'il recrute des domestiques pour le servir à table ou nettoyer son palais par exemple mais je ne sais pas du tout ce qu'il en est réellement désolé.

- D'accord… Peu importe ce qu'il voudra que je fasse je n'ai nullement l'intention de lui obéir à la première occasion je lui enfoncerai mon poing dans le nez.

- Haha, calme toi jeune fille. Ce ne sera pas aussi simple que tu le pense, tu as pu le remarquer n'est-ce pas ? Son don de télékinésie.

Je me rappelais d'un coup l'action qu'il avait eue sur moi, sa main tendue vers mon ventre qui avait fait se serrer les bandages sur ma plaie sans me toucher.

-Oui… Mais d'être dans le palais pourrais me permettre de trouver des solutions pour vous faire sortit de là ou d'apprendre des choses importantes voir capitales.

- C'est une idée en effet, mais tu jouerais un jeu dangereux en faisant ça Orlane.

Nous avons continué de parler de cet homme et de tout cela jusqu'à ce qu'on vienne nous apporter un plateau avec notre repas. Un bout de pain rassie, un gobelet d'eau et une espèce de bouillie peu appétissante. Je regardais l'homme dans la cellule d'à côté il mangeait cette "chose" sans hésitation, il tourna la tête vers moi la bouche pleine et de la bouillie dans sa barbe. Je n'ai pas pu m'empêcher de rire un peu.

- Tu devrais manger au lieu de te moquer de ton aîné jeune fille, il faut prendre des forces. Je te rassure c'est peu ragoutant mais ça reste mangeable.

Je suivis son exemple et pris une cuillère de cette étrange mixture, ça n'avait pas vraiment de goût mais c'était encore chaud et je sentais mon corps se réchauffer peu à peu. Il avait raison j'allais avoir besoin de force pour tenir ici, dans le palais ou dans l'arène. Une question me traversait l'esprit et je la posais sans réfléchir.

- Depuis combien de temps êtes-vous là ?

Il me répondit sans lever la tête de son bol.

- Je ne sais pas vraiment, après cinq ans j'ai arrêté de compter à vrai dire.

Je me suis sentie mal d'avoir posée cette question sans y réfléchir d'avantage, cet homme était enfermé ici depuis plus de cinq ans. C'était horrible.

- Excusez-moi, je ne vous ai pas demander votre nom depuis que nous avons commencé à parler aujourd'hui...

Il releva la tête et me regarda droit dans les yeux le regard toujours aussi ardent malgré les années d'enfermement et de misère qu'il connait ici.

- Thomas.

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