Chapitre 21

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Karl parti pour un voyage d'affaires, je me suis retrouvée seule à Paris pendant une semaine. Je n'ai pas eu envie de le suivre cette fois-ci prétendant avoir des séances de massage amincissant programmées et autres futilités. En réalité, ce que je voulais, c'est me retrouver seule, libre.

Le rêve ne cessait de tourner dans ma tête. En boucle. C'est cela, la liberté. Tu es libre de venir, de partir, de rester, d'accepter ou non. Il ne sont libres que de payer. Des clients. Des sponsors. Des hommes, en somme, guidés par leurs pulsions, leurs désirs.

J'ai appelé Alain. Nous avons dîné ensemble. Je ne sais pourquoi mais je voyais en lui un ami. Je sentais que je pouvais tout lui dire. Peut-être parce qu'il faisait des choses tellement amorales qu'il ne pourrait me juger... Je lui ai fait part de mes rêves, de ma conception de la liberté. Il a ri. J'ai insisté. J'ai exposé toute une philosophie de vie, aussi bancale fût-elle. Il a eu l'air de me prendre au sérieux.

- Ce que tu veux, c'est donc être une pute ?

- C'est cru...

- C'est cru mais c'est bien cela, non ? Aller et venir pour de l'argent, ça porte un nom. Ce n'est pas parce que tu as l'impression de pouvoir dire non qu'il s'agit d'autre chose.

Il avait raison. C'est cela que j'aimais chez lui. Il appelait les choses par leur nom, aussi honteux soit-il. Moi, je cherchais encore des paravents derrière lesquels me cacher.

- C'est Karl. Je veux me venger. Sans qu'il le sache. Lui faire honte. Que les gens puissent dire "regardez cet homme-là, tout Paris a eu sa femme".

- Et ça ne te dérange pas d'être cette femme ?

- Non...

- Ce que tu veux, ce n'est pas te venger. Tu t'es découverte l'autre soir. En quelque sorte, tu dois le remercier... il t'a mise dans une situation qui t'a permis de découvrir ce que tu aimes. Certains vivent toute une vie sans ne jamais l'apprendre.

Une fois rentrée, dans la chambre payée par Karl, je me suis mise à fouiller mon âme. Ce que j'aime, ce que je veux, ce que je crois vouloir... "Pute" ne le suis-je pas déjà ? Karl me paie, d'une certaine façon, et moi, je couche avec. Les sentiments... oui, je l'aime, je l'aimais. Ce sont donc les sentiments qui constituent cette frontière ?

Je vous ai décrit là l'un des moments où ma vie a été marquée par une hésitation intense. Vous le savez, j'ai franchi le pas. Je suis devenue prostituée. Aujourd'hui encore, en y repensant, je ne sais pas réellement ce qui a été le point déclencheur. La trahison de Karl ? L'amour de l'opulence ? La peur de l'engagement ? Je vous laisse libres de vous faire votre idée à la lumière du peu d'éléments dont vous disposez...

Pour ma part, j'abandonne. Je ne cherche plus à donner un nom à tout ce qui m'entoure et tout ce qui m'arrive. Ce sont des choses, des situations, des sentiments sans nul besoin d'être enfermés dans des cases. Une case... ce n'est pas un ensemble plutôt un conglomérat disparate, un mélange hétérogène. On aura beau s'efforcer à trouver des synonymes ils ne sauront s'approcher du sens que de trop loin.

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