Chapitre 17

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Dans le taxi, je ne pensais à rien. C'était la première fois de ma vie que je ne pensais à rien. Pour une fois, je ne voulais rien, je ne devais aller nulle part ni voir personne. Je crois que c'est ce qu'on appelle « le nirvana »... Personnellement, je ne dirais pas que ça fasse un bien fou, d'être vide. De toute façon, j'ai toujours pensé que le bouddhisme et compagnie, c'était des conneries.

Quand j'ai reconnu la rue qui menait à l'hôtel, je me suis, pour ainsi dire, réveillée. J'ai demandé au chauffeur de s'arrêter. Je suis descendue. J'avais besoin de marcher, de prendre l'air, réfléchir. C'est ce jour-là que l'expression « se retrouver » a pris son sens pour moi.

Je marchais dans les rues parisiennes, j'admirais la beauté de cette ville. La ville de l'amour dans le pays de l'amour. Je me demandais pourquoi moi, je n'avais pas le droit à l'amour ? Au début, je me souviens que j'ai eu envie de pleurer. Comme si ça allait aider... Je marchais dans cette rue pavée ; un salon de thé, une pharmacie, un dépôt. Je continuais. Puis, sur mon chemin vers nulle part, j'ai vu un petit café sympa. J'ai décidé d'y entrer. J'ai commandé un latte et j'ai réfléchi.

Tellement de pensées se bousculaient maintenant dans ma tête. Une vengeance pour Karl ? Partir sans donner d'adresse ? Revenir chez mes parents ? Commencer une nouvelle vie, sous une nouvelle identité aux États-Unis ? J'ai ensuite regardé autour de moi, ce café, cette ville, l'architecture. Non. Je ne partirai pas. J'aimais trop ce qui m'entourait pour le quitter pour toujours. D'ailleurs, j'aime toujours autant Paris, si ce n'est plus ! Vous êtes donc susceptibles de m'apercevoir dans un café parisien, avec un ordinateur, en train d'écrire ce que vous lisez en ce moment même. Si vous me voyez, abstenez-vous de me dire bonjour.

Et cet homme que je pensais goujat ne l'était finalement pas. Il m'avait louée auprès de Karl et pourtant, il a pris le temps de s'asseoir et de discuter avec moi. C'est à ce moment qu'il a pris forme humaine à mes yeux. Oui, c'est au moment où il s'est assis et a commencé à me parler que j'ai vu son humanité. Jusque là, il n'était qu'un animal. (Voyez comme je raconte cela, ce sont de vrais sentiments, de l'authentique. À cette époque, j'étais encore capable d'en produire et des vrais !) Le vrai goujat, c'était Karl.

Parlons-en de Karl. Qu'en bonne fille naïve que j'étais, je considérais comme mon seul et vrai amour. Je pensais honnêtement qu'on passerait notre vie ensemble. Oui, oui, la maison de banlieue, la grande voiture, nous deux devant, les enfants à l'arrière et le labrador dans le coffre en route vers une plage surpeuplée. Maintenant que j'y repense, ce petit rêve que j'avais me semble tellement dégoutant. Il faut dire que je le vois autrement maintenant. Savez vous comment ? Non, mais je vais vous le dire. Devant, deux personnes qui ne s'aiment plus et qui ne baisent qu'une fois par mois en missionnaire, derrière, des enfants naïfs qui ne font que crier et ne seront qu'une déception de plus dans cette vie déjà pas si belle et, dans le coffre, un gros chien qui bave. Ça ne me donne pas envie... je préfère encore ma vie ! Et Dieu sait qu'elle n'est pas terrible !

Je me demandais, assise là et buvant mon latte, comment j'allais réagir vis-à-vis de Karl. Il faudrait que je rentre de toute façon ; toutes mes affaires étaient à l'hôtel. Avait-il prévu que je n'apprenne pas la supercherie ou, au contraire, comptait-il que je le découvre ? Alain (c'est comme cela que nous l'appellerons) allait-il lui en parler ? On avait un accord, certes, mais il pouvait toujours le briser.

Accompagnée d'un affreux mal de crâne, je suis sortie du café. Advienne que pourra. « Je verrai bien quel était son but en fonction de son comportement et je suis plutôt bonne en improvisation », c'est avec cette pensée réconfortante que je me suis dirigée vers l'hôtel de Karl. Savez-vous ce que c'est, vous, que les pensées réconfortantes ?

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