Chapitre 12

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C'est étrange, au fil des chapitres, seule face à moi-même, j'ai eu l'impression d'être accompagnée. Comme si un lien s'était créé entre vous et moi. J'estime désormais que nous pouvons devenir plus intimes.

Je vous bassine déjà depuis un petit moment avec ce Karl sans pour autant en dire un mot. Finalement, vous n'avez pas idée de ce qu'il est, ni de ce qu'il fait.

Il faut savoir que, pendant longtemps, Karl a été noyé dans la banalité et il n'aimait pas ça. Il est issu de la classe moyenne, il a fait une école de commerce moyenne, l'épreuve de philosophie à l'oral d'entrée à HEC, après sa prépa, a été un vrai coup dur. Il n'a pas toujours eu du succès avec les femmes, il disait qu'elles le trouvaient trop commun, dans la moyenne.

A l'époque de notre rencontre, il n'avait plus rien à voir avec le jeune homme complexé que j'ai pu découvrir dans ses récits. Il travaillait dans le commerce international, plus ou moins légal, ce qui lui avait permis de passer de sa classe moyenne aisée, à la bourgeoisie. Il ne parlait pas beaucoup, un trait viril de sa personnalité, je trouve, cela me plaisait énormément. Je n'aime pas les hommes qui débitent toute la journée...

Il n'avait pas de maison à proprement parler, un « chez-soi » : une maison là, un appartement ici, tous meublés comme dans un catalogue de déco, avec une ambiance froide, limite hostile. Le reste de sa propriété était composé d'hôtels. Finalement, on n'a pas tort en disant que les personnes aisées peuvent être très malheureuses : aucune de ses propriétés n'était un foyer, il n'avait pas d'amis, il ne parlait plus avec sa famille. Il n'était pas lui-même conscient de sa solitude et son profond malheur sinon, il aurait peut-être essayé de construire quelque chose avec la seule personne qui tenait réellement à lui, moi.

Je l'accompagnais dans les différentes villes et pays. Il s'occupait toujours de tout, ça aussi, ça me plaisait. Le visa, les billets, les boissons, l'attente, les escales. Avec lui, je pouvais être fragile, je pouvais être femme (oui cher lecteur, pour moi, une femme est une fleur fragile, ce qui ne l'empêche pas d'avoir du pouvoir). Il était là pour moi d'une façon que j'aimais, il était homme comme je l'avais toujours imaginé. Je pense avoir été la femme qui correspondait à ses critères, présente discrètement, silencieuse quand il le faut, un soutien sans faille.

Au début de notre rencontre, il n'avait fait que m'intriguer. Par la suite, il m'a fait de l'effet. Lors de nos innombrables voyages, je suis tombée amoureuse de lui. C'était mon premier vrai amour, ma première fois. C'était mon initiateur dans bien des domaines. Je pensais lui devoir beaucoup. J'essayais de le lui rendre. Mais comment ? L'argent, il l'avait. Les choses, il les possédait. Je ne pouvais lui offrir que ma douceur et mon attention.

Nos soirées et nos nuits étaient toujours les mêmes mais pourtant si différentes. Ce qui était pareil, c'était qu'il y avait du sexe, beaucoup de sexe. Ce qui changeait c'est la façon, la raison. Parfois, c'était la frustration d'un contrat manqué qu'il extériorisait. Parfois, la joie d'une victoire sur un concurrent. Tristesse, joie, agressivité se répétaient chaque semaine. Je faisais de mon mieux pour m'adapter.

Je pense que vous l'avez sûrement remarqué, à force de côtoyer quelqu'un, on le connait, on sait ce qu'il va dire, ce qu'il va faire, comment il va réagir, on sait ce qu'il veut et quand il le veut. J'avais appris à le calmer. Les soirs de déception, je le voyais arriver avec un regard particulier, je courrais dans la salle de bains enfiler porte jarretière et corset. J'enfilais un déshabillé en soie puis j'allais le voir, je le déshabillais, lui proposais un doux peignoir. Ces soirs-là, il avait besoin de se sentir à la maison, entouré. Il n'était ni à la maison ni entouré mais j'essayais de combler ce vide. Un massage aux huiles s'en suivait. Puis préliminaires. Ensuite, venait le moment de l'acte lui-même. C'est triste à dire mais les soirs de déception étaient mes préférés. C'est lors de ces soirs-là qu'il était le plus doux, le plus attentif, comme un mari le serait. Et ce sont les seuls soirs où il m'offrait le cunilingus. J'adorais cela. Les orgasmes s'enchainaient, le sien puis le mien. Quand tout était terminé, il s'endormait sur le ventre. Moi, je ne dormais pas, je lui faisais des massages jusqu'à ce qu'il se réveille et que tout recommence.

Jadis, j'étais attentionnée et douce. Sincère. Me voilà amère et sans le moindre soupçon de romantisme. Je vous disais tout à l'heure qu'une femme était une fleur, aujourd'hui je ne suis qu'une ortie. Savez-vous ce que c'est vous, que d'être une ortie ?

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