Chapitre 9

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Nous avions pris l'habitude de nous voir avec Karl. Parfois, lorsqu'il partait longtemps en voyage d'affaires, il m'envoyait un billet pour que je le rejoigne. Paris, Milan, Genève, Venise, Moscou... Tant de destinations, de beaux hôtels. Je ne travaillais pas, Karl me donnait de l'argent chaque semaine. Je voyais cela comme « une relation avec un homme plus âgé », une sorte d'arrangement à la « sugar life ». Les autres me voyaient plus comme son escorte personnelle. Peut-être avaient-ils raison ?

Je menais la vie dont j'avais rêvé. La fierté d'être arrivée à mon objectif en si peu de temps avait fait de moi une personne exécrable, j'étais hautaine et méprisante. Je pensais avoir de quoi. Pour moi, porter des choses de grande valeur, habiter des lieux hors de prix me donnait de la valeur à moi aussi. Je n'avais pas d'amies, seulement des connaissances ici et là, rencontrées dans des spa ou des boutiques de luxe. On prenait le thé ensemble en commérant sur des connaissances communes. On s'entendait bien puisqu'aussi détestables les unes que les autres.

La seule personne qui méritait mon respect, c'était Karl évidemment, ou plutôt ce qu'il avait entre les jambes. C'était pour assouvir ses désirs que je le suivais dans ces voyages, son « ça » n'aimait que moi, c'est ce que Karl me disait. J'étais contente. Fière même. En y repensant aujourd'hui, je me demande si un « ça » aurait pu ne pas m'aimer... J'ai connu Karl vierge, certes, mais lui était loin de l'être. J'ai pu apprendre avec un maître en la matière et je pense qu'aucun « ça » de la planète n'aurait pu ne pas apprécier ma compagnie.

Mes journées monotones où s'enchainaient salons, boutiques et restaurants avaient fini par me lasser. Même les voyages n'arrivaient plus à diversifier mon quotidien. Finalement, que ce soit à Paris ou à Moscou, je faisais la même chose. Ce que je voulais, moi, c'était vivre une vraie relation avec Karl. Aller visiter les musées avec lui, manger avec lui, marcher avec lui. J'avais des sentiments. Je l'aimais même. Lui aussi, il m'aimait, d'une façon différente, plus intime et seulement après vingt-trois heures.

Pendant longtemps, je ne m'étais pas montrée exigeante envers lui. Je me contentais d'être là quand il le voulait. Je profitais du train de vie qu'il m'offrait et cela m'a comblé pendant un temps. Ensuite, j'ai commencé à devenir plus envahissante. Cela a commencé avec des appels puis des venues surprises. Karl ne l'a pas supporté longtemps. Un soir, il a voulu parler. Il a voulu que je parle, que je dise ce que je veux, ce que j'attends de lui. Il a dit qu'il était d'accord pour passer à une relation plus « banale », un peu « comme tout le monde » mais pas tout de suite, qu'il me faudrait encore un peu de patience. Il a aussi tâché de bien préciser qu'il ne voulait que moi, qu'il n'aimait que moi et que je ne devais en douter, la preuve étant qu'il m'amenait partout avec lui. Je n'en ai pas douté.

Je continuais ma vie de fille haïssable. Salons, boutiques, restaurants. J'avais essayé de diversifier un peu mon quotidien et je me suis mise au sport équestre. Cette nouvelle occupation était un véritable bol d'air frais, les jours ne paraissaient plus aussi longs. J'avais même rencontré une copine. Différente des autres, gentille. Je passais du temps avec elle et tout me semblait alors parfait.

Je vivais mon rêve, je ne pensais à rien. Surtout pas à l'avenir. Ne me blâmez pas. Savez-vous ce que c'est, vous, que de vivre son rêve ?

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