L'université m'ennuyait de plus en plus... J'aimais la psychologie, seulement j'avais l'impression qu'on en apprenait davantage en observant les gens dans leur quotidien qu'en relisant des chapitres en boucle ou en apprenant tout par cœur. Il me semblait que c'était de cette façon qu'ont travaillé les auteurs à l'origine des grandes théories et je préfèrais m'inspirer d'eux que des professeurs d'universtité...

Après de nombreuses réflexions philosophiques à ce sujet, j'ai pris la décision de quitter définitivement la fac dont j'avais, de toute façon, délaissé les bancs depuis un long moment déjà. J'étais décidée à me lancer dans la vie, la vraie.

Non, je ne pensais pas vraiment à aller travailler... Un grand homme avait un jour dit que le travail rendait triste et fatigué, tout ce que je ne voulais absolument pas devenir ! Je me suis pourtant laissée aller à la paresse, les grasses matinées et les journées en pyjama... Jusqu'au jour où, en regardant un téléfilm sur le canapé, j'ai assisté à la transformation de l'héroïne principale. De fille banale, elle était devenue une reine de beauté, de gloire et de réussite. Cette fille, c'était moi. Mon destin était grand et glorieux. J'y croyais. Je voulais y croire.

Aussi absurde que cela puisse paraître, c'est ce film qui a été pour moi le déclic et, le soir même, je brillais de mille feux à une soirée mondaine entourée de quelques fausses amies. Fausses non seulement par leur hypocrisie mais aussi par leur botox si présent qu'un risque d'explosion imminente menaçait nos vies. Et pourtant, plus étonnant encore, tous les hommes étaient à leurs pieds... Personne ne lançait ne serait-ce qu'un regard de mon coté pourtant, je ne me trouvais guère moins belle qu'elles. Moins refaite, pour sûr !

Il y avait pourtant un homme à la soirée, arrivé un peu plus tard que les autres qui restait insensible aux «  charmes  » des Barbie qui l'entouraient. Appelons-le Karl.

Karl est venu vers moi. Pour moi, ce n'était pas si étonnant que cela car j'étais intimement persuadée d'être la plus jolie. Il m'a offert à boire, nous avons discuté. J'ai appris qu'il était promoteur immobilier, le climat économique était, d'après lui, fluctuant, il fallait fournir beaucoup d'efforts pour, je cite, «  gagner son pain  ». Cela m'a fait rire car j'évaluais son costume à une petite dizaine de milliers d'euros... Par conséquent, il était évident que c'est n'est pas lui qui devait s'inquiéter pour ses ressources.

Après avoir épuisé les thèmes touchant à l'économique, Karl commença à parler politique. Je manquais de m'endormir mais faisait mine d'être intéressée par les élections, les projets de loi ainsi que les gouvernements étrangers. Après avoir passé en revue tous les régimes des pays du Moyen-Orient, il s'intéressa enfin à moi.

Ah ! Le voici enfin, le véritable sujet intéressant ! Je lui ai raconté mon parcours, ma récente décision de quitter les bancs de l'école et de me lancer dans la «  vie réelle  »... Il approuva mon choix, me demanda si j'étais alors en recherche d'emploi. Bien que je ne l'étais pas, il a bien fallu que je réponde par la positive pour ne pas passer pour une fainéante !

«  Je pense avoir un poste qui pourrait vous convenir. Ce n'est pas un emploi de cadre mais, il faut bien commencer par quelque chose ! Une jeune fille comme vous devrait correspondre parfaitement à ce genre de travail ! Donnez-moi votre numéro et je vous contacterai demain, à une heure plus propice au travail, pour en voir ensemble les modalités.  »

Je n'ai rien entendu d'autre que les mots «  une jeune fille comme vous  »... Une jeune fille comme moi ?

Savait-il seulement comment j'étais ?