Le sacrifice d'Hector

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Oui, Zoya éprouvait une résignation désolée mêlée à un savoureux vertige, la peur collait à la joie, l’horreur sentait bon et la mort chantait juste. Ses gosses à elle, ses petits champions, allaient régler tous leurs problèmes. Elle se leva, mes petits, mes tout chéris, mes doux amours, mes coeurs de beurre, Maman est prête, venez, venez.

Elle était debout, les bras tendus vers Boris et Olga, elle avançait comme une automate. Hector gueulait qu’est-ce que tu fous, merde, c’est pas le moment de déconner ! Le bébé se remettait à pleurer, évidemment, tandis que, dehors, les voix aiguës montaient plus haut en jérémiades suppliantes, allez Madame, juste cinq minutes si-vous-plait !

Hector remarqua alors que Boris bougeait les mains d’une manière plus que bizarre, comme s’il allait les replier pour les glisser hors des menottes. Il lança le bébé dans les bras de Zoya pour se ruer vers le gamin, reste tranquille nom de dieu de merde espèce de petit con d’assassin de ton père.

– Papâââ ?

– Oui, mon fils, c’est moi, c’est Papa. Ça va aller.

– Elohim, Elohim, lamma sabachtani?

Hector jeta un oeil interrogatif à Olga, que racontait donc son frère ? La gamine prit l’air de garce épanouie qu’elle affichait lorsque sa mère lui achetait une de ces affreuses robes roses de princesse en dentelles et tissu plastique à quinze euros et rétorqua.

– Voyons Papa, il s’agit du fameux cri de détresse et de désespoir poussé par Jésus sur la croix, Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?

– Olga, tu as cinq ans !!!!!!

–Ce n'est pas l'âge qui procure la sagesse, Ce n'est pas la vieillesse qui rend capable de juger.

– Hein ?

– Le livre de Job, Daddy.

Hector sentait sa volonté s’effondrer. C’était son tour, comme Zoya auparavant. Ses enfants étaient là, il devait les libérer, se sacrifier pour eux. Il s'entedit répondre avec une voix de robot.

–Les sacrifices qui sont agréables à Dieu, c'est un esprit brisé. O Dieu! tu ne dédaignes pas un cœur brisé et contrit.

Hector avait enfin compris : ce n’était pas le Cauchemar, c’était juste la Vérité. Il allait ouvrir la porte, accueillir les amis de son fils, leur proposer de s’amuser, un peu. Qu’importe. Qui était-il pour lutter contre la destinée ?

Zoya tenait Bébé Simon dans les bras et avait retrouvé ses esprits, que se passait-il ? Elle voyait son mari occupé à ouvrir les différents verrous de la porte d’entrée. Elle avait repris pied et comprit : c’était le bébé, uniquement la présence de ce petit bébé dans ses bras qui lui permettait de résister à la pulsion.

Les gosses les attiraient dans le renoncement ! Aucun survivant n’avait pu témoigner de cette intense résignation qui les dévorait face aux yeux creux des petits, car aucun n’avait survécu.

Zoya jeta le bébé dans les bras d’Hector.

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