Olga

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Olga se plaint rarement des chaînes et menottes qui lui sont imposées depuis plus d’un an. Sa mère y a ajouté grelots, peluches, plumes et autres conneries roses qui soi-disant la ravissent. Zoya n’en finit d’ailleurs pas de s’étonner de la docilité de sa petite, son bébé-colère, son joli dragon qui marchait à dix mois et articulait moi-fai-re-seu-le avant bi-sou-ma-man. Pourtant c’est vrai, sa fille ne rechigne pas. Quand ses parents en larmes lui avaient expliqué en quoi consistait le Cauchemar, les pourquoi et comment de ces effroyables règles de sécurité, la gamine avait simplement hoché la tête en souriant, alors que son frère, lui, était rentré dans une rage épouvantable, avait refusé de manger, fait pipi au lit pendant plusieurs semaines avant de sembler se résigner.

Zoya et Hector n’avaient jamais envisagé de placer leurs enfants dans un internat sécurisé comme celui de Baulà. Ils avaient préféré équiper leur maison des systèmes homologués par le gouvernement. « Comme à l’accro-branches… » avait plaisanté Hector en montrant comment faire glisser l’anneau de la chaîne le long des différentes rampes. Ils conduisaient chaque matin leurs enfants jusqu'à l'école où l'équipe éducative "spécialisée en sécurité adaptée" prenait le relais.

— C’est pas vrai, t’es qu'une menteuse Maman, l’école elle est même pas fermée. Mademoiselle Marie elle a dit qu’on allait peinturer aujourd’hui.

— Merde, Olga, on dit pas peinturer, on dit peindre !

— Mademoiselle Marie, elle, elle dit peinturer.

— Ben Mademoiselle Marie, elle dit plus iren. Elle est morte, chérie.

— Nan, elle est pas morte !

— Eh si, tous les copains de l’école, ils l’ont tuée ! Couic ! Couic ! Ciao Mademoiselle Marie.

Cette fois, la gamine renverse le pot de lait en entier et hurle.

— Méchante ! Menteuse !

Hector regarde sa femme, elle pète les plombs, ce n’est pas la première fois. Elle se lève menaçante et hurle à la petite de se taire, elle lui crie même ferme ta gueule, conne, idiote, je mens jamais. Il faut qu’elle se calme, elle est capable de lui retourner une gifle. Hector attrape Zoya doucement par les épaules.

— Chérie, allez, chut, viens t’asseoir. Calme-toi.

Derrière la tête de sa femme, il sourit à la petite, c’est rien, ça va aller. Mais Zoya se retourne vers lui, la mâchoire crispée, les yeux bouillant de rage.

— Toi aussi, ferme ta gueule, t’as compris ! Hein? Pourquoi je devrais me calmer, hein ? Pourquoi ? Je me gave pas de médocs à la con, comme toi, pauvre type, va ! Epave.

Hector ne réfléchit plus, ni à l’inutilité de sa réponse, ni à la présence des petits. Il tape dans les mains, applaudit avec force.

— Waouh ! T’es vraiment à côté de la plaque, bravo ! Vous avez vu mes chéris, elle est chouette hein Maman ! Elle a bien fait de faire un bébé d’ailleurs. Une sacrée Maman ! Elle est tellement forte, votre mère pour dorloter ses petits poussins chéris.

Clac clac dans les mains.

Justement le bébé est éveillé et pleure. Zoya saute sur Hector et tente de le griffer en répétant connard, connard, connard. Boris a rejoint le divan et attrapé le zappeur, il trouve un documentaire sur des gros ours qui pêchent des saumons partis pondre en amont de jolies rivières bien sauvages. Il met le son à fond. Olga hurle, je veux peinturer avec Mademoiselle Marie. Le téléphone fixe sonne. Personne ne répond. Puis soudain, des coups puissants résonnent jusque dans la cuisine. Quelqu’un tambourine contre la porte extérieure.

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