29. Sirius

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Céleste était bien meilleure que moi pour faire semblant. Comme elle croyait que j’avais nulle part où aller, j’étais resté chez elle. J’avais vaguement évoqué le fait de me barrer, pour pas rendre le truc bizarre, mais elle s’était presque énervée, alors j’avais plus rien dit. Mais ça avait pas été facile pour moi de faire comme si de rien était. On avait quand même instauré une distance entre nous, qui n’avait plus existé depuis longtemps. Adieu les câlins sur le canapé quand on matait une série ensemble. C’était mieux comme ça.

— Céleeeeeeste ! cria Sirius, en rentrant comme un bourrin dans l’appart’. Faut que tu m’aides.

Il en avait de belles lui. Ce petit con avait abandonné sa sœur pendant les fêtes de Noël, sans se préoccuper une seule seconde de ce qu’elle pouvait ressentir à l’idée de se retrouver seule à cette période, et il osait venir chouiner parce qu’il avait largué sa meuf la veille du jour de l’an ? Il se foutait de qui, là ?

— Bah… Qu’est-ce que tu fous là ? me demanda-t-il.

J’aimais pas son ton. Il m’énervait. Dès notre première rencontre, j’avais su que ça le ferait pas. J’avais juste fait genre pour pas blesser Céleste, mais après ce qu’il s’était passé, il valait mieux pas qu’il me cherche.

— Je suis rentré plus tôt, vu que Cél’ était seule, dis-je d’un ton glacial.

Il ne répliqua pas. Il avait dû comprendre que j’étais pas d’humeur. Et Céleste comprenait rien. Elle nous regardait, tour à tour, comme si elle assistait à un match de tennis passionnant, mais angoissant. J’aimais pas la contrarier, mais là…

— Je croyais que tu n’arrivais que ce soir, lui fit-elle remarquer.

— Je me suis barré en stop, se marra Sirius. J’en pouvais plus de Saliah. Elle m’a trop saoulé. Et donc, vous êtes ensemble ?

Putain, mais ferme ta gueule, toi, avant que je te fasse manger ma main.

Céleste me lança un regard paniqué. Elle attendait quoi ? Que je réponde ? Mais j’étais censé dire quoi ? Ouais en fait, on a couché ensemble, Céleste m’aime bien et moi aussi, je l’aime bien, mais je suis trop une petite fiotte qui a peur de s’engager ?

— Ok, sujet sensible, plaisanta-t-il. De toute façon, je reste pas longtemps, je vais chez un pote ce soir.

Sérieux ? Mais quel connard ! Même pas il passe la soirée avec sa sœur, quoi !

Ceci dit, ça me dérangeait pas qu’il se casse. Déjà parce que, du coup, je pourrais potentiellement squatter son lit. Ensuite parce que comme ça, j’étais tranquille avec Céleste. Même s’il ne se passerait rien, même si on gardait nos cinquante centimètres d’écart sur le canapé pour pas risquer de nous toucher. Quels gamins !

— Et donc, pourquoi tu as besoin d’aide ? demanda-t-elle, gentiment.

Moi, je l’aurais laissé se démerder tout seul, si ça avait été mon frère.

— Pour monter ma valise et l’énorme paquet que sa mère m’a offert à Noël et qu’elle a pas voulu garder. Saliah a eu la bonne idée de lui dire que je viens d’Afrique du Sud, elle m’a parlé toute la semaine comme si je comprenais pas un mot de français ou que j’étais teubé.

En même temps…

— Et elle m’a offert un énorme panier de produits français, “pour me faire découvrir”.

Il éclata de rire tout seul. Je le suivis pas. Céleste non plus. Tant mieux. J’aimais pas l’idée qu’elle se laisse marcher sur les pieds par ce p’tit con. Mais elle se leva quand même pour l’aider. Elle aurait pas dû. Et quand je la vis revenir en portant la valise, alors que Sirius se pavanait avec son panier garni, je fulminai.

— Tiens, du coup. Cadeau, sourit-il, fier de lui.

Il le lui tendit. Elle vacilla sous le poids. Il lui offrait vraiment le cadeau que son ex-belle-mère venait de lui faire ? Mais quel rat faisait ça ?

— Allez, je me casse. À demain.

Elle n’eut rien le temps de répondre. Il était déjà sorti. Elle se retourna vers moi, les larmes aux yeux, son paquet encore dans les mains sans savoir quoi en faire. Sirius venait de signer son arrêt de mort. Il faisait pleurer ma Céleste. Ça, je pouvais pas l’accepter. Alors, je rompis notre accord tacite, celui de ne pas l’approcher, de ne pas la câliner. J’aurais aimé passer outre celui qui disait que je pouvais plus l’embrasser non plus. Je me levai, posai le panier par terre et l’attirai dans mes bras. Elle s’y effondra aussi sec.

— Je comprends pas pourquoi il se comporte comme ça, gémit-elle. Avant, on était super soudés… Et maintenant… C’est à peine si je le croise une fois par mois. On est plus que des colocs. On ne se parle même plus, à part quand il fait des soirées ici.

Je resserrai mon étreinte et caressai doucement son dos. Je détestais la voir pleurer.

— Pardon je… excuse-moi, dit-elle à toute vitesse, en essuyant ses larmes. Je sais pas pourquoi je te dis ça, tu dois t’en moquer et…

— Non, pas du tout, soufflai-je. Si moi je peux tout te dire, tu sais que c’est pareil pour toi. C’est à ça que serve les amis, non ?

Amis. J’aimais plus ce mot pour nous désigner. Mais qu’est-ce qu’il y avait d’autre ? Putain, si j’avais pas cette pression des combats, de mon père, de ma vie en général, je me serais pas posé autant de questions. Et là, je serais en train de l’embrasser. Mais non. J’avais peur de me rendre compte que je tombais amoureux d’elle. J’avais peur qu’elle me rejette en se rendant compte de qui j’étais vraiment. J’avais peur de retomber plus bas que terre si je la perdais.

— Merci, murmura-t-elle, entre deux sanglots.

Elle enfouit son visage au creux de mon cou. Ses lèvres, humides de larmes, effleurèrent ma peau. Je serrai les dents. J’avais espéré que notre coup d’hier aurait calmé ce qu’elle éveillait en moi à chaque fois qu’elle se lovait ainsi contre moi, mais c’était pire qu’avant. J’étais dans la merde. Parce que, elle, de son côté, elle était déjà passée à autre chose.

Amis, rien qu’amis. Point. C’est toi qui l’as voulu. Assume.

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