28. Deal

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Quand j’émergeai de mon sommeil lourd, j’eus du mal à savoir où j’étais. Le lit était douillet, les oreillers moelleux et ils sentaient divinement bon. J’étais bien là, j’avais pas envie d’ouvrir les yeux. Alors, je soupirai et me retournai, près à me rendormir ou du moins à somnoler encore quelques heures avant de daigner me lever.

Ce fut à cet instant que tout me revint en mémoire, brutalement, comme un électrochoc. J’étais pas seul. Le corps bouillant de Céleste roula contre moi, ses cheveux me chatouillèrent le nez. Elle grogna, attrapa ma main et tira dessus pour se blottir dans mes bras.

Putain, quel con ! Qu’est-ce qu’on a fait ?

J’avais merdé sur toute la ligne. Je m’étais laissé tenter. Et j’avais pris un pied d’enfer. Sous ses airs de première de la classe adorable, Céleste savait y faire. Son sourire mutin quand je l’avais plaquée contre le lit, ses gémissements qui résonnaient encore dans mes oreilles comme une douce musique que je voulais écouter encore et encore. Tout me rappela que c’était la meilleure connerie que j’avais jamais faite. Et la pire. Parce qu’on allait faire comment, maintenant ? Qu’est-ce que ça voulait dire ?

Elle se pelotonna un peu plus contre moi, encore endormie. Trop de questions se bousculaient dans ma tête, mais j’avais qu’une envie : profiter de ce moment d’apaisement entre nous. C’était comme si toutes les tensions qui nous avaient toujours unis, tous ces moments de gêne qu’on savait pas gérer, tout ça s’était évaporé à la seconde où on s’était retrouvés à poils dans son lit. Égaré dans mes souvenirs de la nuit passée, je ne remarquai que Céleste s’était réveillée qu’à l’instant où ses lèvres coururent sur mon épaule et remontèrent sur mon cou, ma mâchoire. Je soupirai lorsqu’elle les posa délicatement sur ma bouche, avant de retomber sur le matelas et de resserrer mon bras sur son ventre nu. Cette douceur matinale me fit presque oublier la merde dans laquelle je m’étais mis. Alors, je me laissai bercer par les lentes caresses qu’elle faisait sur mon poignet.

On resta comme ça, à nous câliner en silence pendant deux bonnes heures. J’avais trop peur de dire quoi que ce soit qui viendrait briser notre bulle et nous ramènerait à notre situation bancale. Je savais pas ce qu’elle attendait de moi. J’en savais rien non plus, de toute façon. Peut-être que c’était qu’un coup comme ça, parce que ça avait été le moment et que pourquoi pas ?

Mais, au bout d’un moment, on eut plus trop le choix. Fallait bien qu’on en parle. Céleste se leva, attrapa sa nuisette et couvrit son corps jusqu’alors encore dénudé. Elle me tournait le dos avec une pudeur que je ne lui avais pas connue la veille, quand elle avait écarté les cuisses pour laisser passer mes doigts. Je ne pus m’empêcher de l’admirer une dernière fois. Peut-être que je ne la reverrai plus jamais nue. Je voulais graver ça dans ma mémoire. J’apercevais la courbe de sa poitrine rebondie, la cambrure de son dos et sa chute de reins divine. Je m’en mordis la langue. C’était pas le moment de recommencer.

— Tu veux du café ? me demanda-t-elle, en se relevant.

— Euh… ouais, répondis-je, surpris par sa question.

Elle n’allait tout de même pas faire comme s’il n’y avait rien eu ? Quoique… Peut-être était-ce une bonne idée. Au moins, on pourrait passer à autre chose sans trop douter, sans passer par la discussion bizarre qui s’annonçait.

Elle disparut. Je me retrouvais seul, en caleçon, à chercher mes fringues aux quatre coins de la pièce parce qu’on avait été carrément des sauvages. Je passais par la case salle de bain après avoir récupéré ma brosse à dents dans ma valise.

— Faut qu’on en parle, me dit-elle, avec un tel sérieux que je faillis faire demi-tour. Qu’est-ce que c’était hier soir ?

Merde. J’espérais être le premier à poser la question. Ça m’aurait évité d’avoir à y répondre, à prendre trop de risques. Là, j’allais devoir me jeter dans la gueule du loup, sans aucune idée de ce que, elle, elle en pensait. Merde. Merde. Merde.

— Mika, c’est bon, détends-toi, me souffla-t-elle, en me tendant une tasse.

Que je me détende ? Elle en a de bonnes !

— C’est juste que… Je commence à te connaître, soupira-t-elle. Je sais bien que, là, t’es en train de flipper. Alors… je te propose un truc, si tu veux bien.

Qu’est-ce qu’elle allait me pondre ? Je le sentais mal. Elle avait pas tort sur un truc. Je flippais à mort. J’aimais beaucoup Céleste, j’avais kiffé ma nuit avec elle. Surtout le deuxième round. Mais j’étais pas prêt à passer ce cap avec elle. J’avais pas assez confiance en moi. J’étais pas à la hauteur de ce qu’elle attendrait de moi. Et puis, si je recommençais à me battre ? Parce que je le ferais, c’était certain. Qu’allait-elle dire ? Je voulais pas me retrouver entravé par une relation et… Putain.

— On a qu’à dire que c’était qu’une nuit. On a dérapé, on aurait pas dû, mais on l’a fait et c’était cool, mais ça n’arrivera plus.

Oh putain, yes !

Ce soulagement ! Je pensais pas qu’elle était du genre à passer une nuit avec un mec sans s’engager dans une relation après. Je la voyais plus romantique. Mais ça tombait bien. Même si je ne pus m’empêcher d’éprouver un petit pincement au cœur, parce que nos câlins de ce matin m’avaient quand même fait un effet particulier. J’avais aimé ça, peut-être même plus que notre nuit de folie. C’était doux, tendre, agréable. Un instant, je m’étais dit que j’aurais signé direct pour me réveiller toujours comme ça.

— Et si jamais on voit que ça tient pas comme ça, on verra quoi faire.

Je restai muet. Si ça marchait pas ? Fallait que ça marche ! J’envisageais pas une seule seconde de ne plus avoir ma Céleste dans ma vie. Même si je voulais pas d’elle comme copine, j’avais besoin d’elle. Je tenais trop à elle pour couper les ponts juste parce que j’avais pas été capable de garder ma braguette fermée.

— Deal ?

— Mais, toi, tu… Ça te convient ?

— Mika, t’es de loin mon meilleur ami, me sourit-elle. Je te mentirais si j'te disais que j’ai pas un faible pour toi. Mais je suis une grande fille et j’oublierai ça s’il le faut, parce que je ne veux pas te perdre.

Trop cash, là, Céleste. J’aurais préféré que tu me mentes.

— Alors, deal ? me demanda-t-elle, en me tendant la main par-dessus la table.

Je la dévisageai un instant. Je fus tenté un instant de refuser, de me pencher au-dessus de nos tasses et de ses tartines et de l’embrasser. Parce que finalement, j’en avais envie quand même, dans le fond. Mais je lui serrai juste la main. Amis. Rien de plus. On avait dérapé. Ça n’arriverait plus jamais.

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