Après la pluie

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Après la pluie, le ciel semble propre, plus bleu, les nuages fuients, allures de mousse savonneuse dans le siphon de l’horizon. L’air aussi croirait sortir de la douche, chargé de fragrances humides qu’il cueille à l’herbe et à la fleur couchées. Tout est rosée et brille, au premier rayon du soleil, comme des rivières immobiles. L’ondée goutte encore, s'égrène aux rebords des toits, sous les houppiers des arbres qu’une brise agite, le long des friselis d’une chevelure découverte.


Après la pluie, c’est le temps des bottes et des cirés, que l’on étrenne et baptise au fil des chemins de boue et des herbes ruisselantes. C’est les feuilles déchues, comme des patchworks mélancoliques, invitant, d’une glissade sur la patine caduque, à une chute solidaire. C’est les senteurs d’humus et d’armillaire, des parfums de mousse et d’écorce, de décomposition et de floraison.


Après la pluie, c’est les miroirs saumâtres, les reflets troubles au creux des sentiers battus. Comme si un peu de ciel imperméable, dilué dans les averses, s’était déposé sur l’argile en flaques d’azur griffées de branches. C’est les empreintes qu’on abandonne au chemin, et quelque chose de terrible, d’être le premier à fouler le limon ocre du sceau de nos semelles, comme un témoignage violent de notre présence, imposé à chaque pas à la glaise virginale.


Après la pluie, c’est le corniaud trempé, la truffe entre les jambes, qui clopine comme un ruisseau vers un abri tardif. C’est l’oiseau vomi par le déluge, amas chiffon, qui s’essore les ailes du bec, les laisse pendre sur le fil à linge des lignes électriques. C’est l’escargot dérangé, déménageant sa coquille entre les inondations. C’est le crapaud inquiet, qui sautille dans la rigole du bas côté, fuyant un pied qui ne le poursuit pas. C’est l’âne derrière sa clôture, les oreilles basses et la crinière éponge, l’œil rond et luisant comme un marron, coulant sur le vide des regards dépeuplés.


Après la pluie, c’est l’instant qui jamais ne dure, trop vite chassé par le beau temps ou une nouvelle averse. C’est la seconde aquatique qui sépare deux gouttes de clepsydre ou les anneaux qui s’étirent sur le film vague de l’eau qui dort. C’est l’ivresse passagère de la nature abreuvée, un frisson de peau volé entre la douche et la serviette. Les premières buées qui éclosent sur les talus, se sauvent en filaments dissipés dans la lumière tiède, pareilles à des âmes en quête de rédemption.

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