Ce bleu de mes cauchemars

Aujourd'hui à l'école, j'ai vécu un drame. Mon petit copain François, quatre ans, eh oui, j'ai déjà un petit amoureux, a dit un gros mot en se disputant avec un autre petit garçon. Il a dit merde! Je peux vous assurer qu'à cette époque, c'est vraiment très grossier. De nos jours, c'est presque banalisé dans le langage. La maîtresse a réuni toute la classe et nous emmène dans la salle d'eau (les WC et les lavabos). Elle nous fait un long discours sur la politesse et nous explique en quoi le langage de François est intolérable. C'est alors qu'elle ouvre le placard à balais et y enferme mon petit copain. Elle dit qu'il va y rester là pour qu'il comprenne qu'on ne doit pas injurier en utilisant de tels propos. Elle nous avertit que celui qui suivra son exemple sera aussi sévèrement puni. François donne de grands coups de pied dans la porte du placard et pousse des cris. Nous restons un moment dans la salle d'eau à entendre ses pleurs. Je suis pétrifiée, paralysée. Je suis comme hypnotisée par cette porte de placard bleue qui vibre sous les coups de pied de mon petit fiancé. Au bout d'un moment qui me paraît interminable, nous retournons tous en classe mais comble de l'horreur, en abandonnant François toujours enfermé dans le placard. C'est le matin et j'ai complètement perdu la mémoire de ce que j'ai fait en classe ce jour-là tellement je suis traumatisée par le spectacle auquel nous avons été conviés. J'ai envie d'aller donner des coups de pied à la maîtresse et à partir de cet instant, toute affection pour elle a disparu. A la récréation de l'après-midi, nous retournons dans la salle d'eau pour assister à la libération de François. Nous avons encore le droit à un discours que je n'écoute pas. Je suis démolie, en miettes. Je manque d'air, je me sens asphyxiée en pensant au temps que mon petit amoureux a passé dans ce placard à balais. Je me moque bien de ce que la maîtresse va dire mais ma première réaction est de m'approcher de François et de lui prendre la main. Il a les yeux gonflés tellement il a pleuré. Il avance comme un robot au ralenti. Et moi, je ne vais pas mieux.

En rentrant chez moi, ce jour-là, je n'ai prononcé aucune parole. Je n'ai pas raconté ce qui s'était passé à l'école et pour la première fois de ma courte vie, j'ai détesté l'école.

Depuis toutes ces années, je n'ai jamais oublié la couleur de la porte du placard de l'enfer. Ce bleu, à chaque fois que je le rencontre dans un lieu, ravive le traumatisme comme si c'était moi qui avais passé la journée enfermée. J'ai le don et la malédiction de pouvoir me mettre à la place d'une personne et de ressentir ainsi ce qu'elle vit. Cela s'appelle l'empathie, ai-je appris pendant mes études de psychologie. Les séquelles probables sont une claustrophobie qui apparaît dans les pièces de petite taille où ce bleu maudit me revient à l'esprit. J'aimerais bien savoir comment François s'en est sorti après avoir vécu cela.

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