Le goût de la colère

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En haut de l’échelle, elle soupira et secoua la tête. Cette mission ne pouvait pas être prise à la légère. Il fallait qu’elle trouve la bonne personne parmi les neufs candidats potentiels. Il devait bien y en avoir une qui comprendrait… Et puis tuer les dix premiers du classement en épargnant la huitième, c’était se transformer en tueuse en série tout en le criant haut et fort. Hors de question. Il fallait qu’elle touche la bonne cible et elle n’avait pas vraiment le choix…

Relevant les yeux, elle se rappela qu’elle était toujours recherchée par la police et qu’il valait mieux qu’elle ne traîne pas trop en ville si elle pouvait l’éviter.

- Pour réfléchir, y a pas mieux qu’un coin vide, marmonna-t-elle en constatant qu’elle était toujours accrochée aux barreaux. Bon, voyons voir ce qu’on a…

Elle se hissa à l’extérieur, replaça la trappe et s’installa au bar. Ses mains pianotaient sur le bois tandis que ses yeux scrutaient le classement en temps réel des joueurs. Et les noms de ses camarades du top 10 dansaient devant ses yeux. Coquelicot, Œil-du-Tigre, Charlotte, Daemonis…

- Pourquoi est-ce que je n’y ai pas pensé plus tôt ? gronda brusquement Zelda dans l’obscurité. Comment je peux être aussi bête ? Des fois, je me demande ce que j’ai dans la tête…

Sous ses doigts, tout disparut, tandis que ses doigts traçaient sur le bois pourri du comptoir le nom d’Anakin.

Elle sortit de la boîte de nuit d’un pas rageur, lançant des regards mortels à tous les coins de rues encore épargnés par la lumière du soleil. Dans l’agréable tiédeur de ce matin de printemps, nombreux étaient ceux qui se dissimulaient parmi les ombres, espérant pouvoir dérober à quelque malheureux passant le contenu de son compte en banque, ou commettre un meurtre matinal. Après tout, il n’y a pas d’heure pour le mal, songea Zelda en vérifiant le prochain tournant. Ni pour la bêtise, apparemment, ajouta-t-elle devant l’air supérieur de ce qui devait être un de ces nouveaux malfrats mal habitués aux règles de la zone.

- Hé, mam’zelle ! Ça vous dirait…

- Pas maintenant, le coupa-t-elle sèchement.

- J’crois pas que v’z’ayez l’choix, v’savez…

Il n’en dit pas plus et se contenta d’un regard qui aurait dû sembler séducteur ou effrayant, difficile à dire puisqu’il gisait au sol avant d’avoir pu esquisser le moindre geste en direction de sa victime. Son poing l’avait cueilli juste en dessous du menton et elle s’éloignait déjà qu’il se demandait s’il l’avait pas rencontrée auparavant, pour qu’elle réagisse aussi brusquement alors qu’il n’avait encore rien dit de mal. Il ne put, malheureusement pour lui, s’empêcher de lui poser la question. Il ne reçut pour toute réponse qu’un geste obscène et la promesse d’une mort lente si jamais il recroisait son chemin.

Cette réaction, elle le savait, était le fruit de sa colère. Elle en voulait à tous ces gens qui l’admiraient, qui la croyaient plus forte qu’elle l’était, à son père adoptif surtout, pour la forcer à risquer la mort de personnes qu’elle appréciait, pour l’avoir entraînée dans tout ça à une époque où elle ne réalisait pas les conséquences de ses actes. Elle s’en voulait à elle-même aussi, de n’avoir pas vu dans quoi elle mettait les pieds, avec quoi elle tâchait ses mains et maintenant, c’était trop tard. Il faudrait qu’elle le tue, elle le savait. Elle n’était pas le genre de personne qui pouvait faire des discours magnifique avec l’inspiration du moment et ce n’était pas le genre de révélations qu’on faisait le cœur léger. Il n’y avait aucune poésie dans cette réalité.

Concentrée sur ses pensées, elle faillit ne pas s’apercevoir que son Optio s’était réactivé. Elle bougonna les mots qui la connectèrent à Synestya et franchit le barrage technologique supposé l’empêcher d’entrer sans que personne ne l’en empêche. Mais elle hésitait. Ses pieds la guidaient au travers des rues, des réseaux de transports en commun tandis qu’elle refusait de le chercher. Elle ne voulait pas le tuer. Il n’avait rien fait de mal, ce serait une mort inutile, stupide, indigne de lui. Mais désobéir voulait dire mettre jusqu’au sens de sa vie en danger et…

- Renouveau ! Enfin on vous trouve ! Renouveau ! On a un problème ! Venez nous aider s’il-vous-plaît !

Fleur de Saule et Sioux, deux joueurs de haut rang, l’attrapèrent brusquement et la traînèrent dans la rue, courant de toutes leurs forces. Ils avaient de la chance que son arme soit toujours accrochée à sa jambe, sans quoi elle n’aurait pas donné cher de leur peau. La jeune fille en kimono qui s’accrochait à elle d’une main et à son katana de l’autre semblait épuisée et son avatar barré de maintes lignes sanglantes devenait incompréhensible pour quiconque ne connaissait pas son nom. Ses HP avaient atteint un niveau si bas qu’elle se demandait quelle magie pouvait bien avoir sauvé sa vie. De l’autre côté, l’Indien avait les plumes de travers et il était vraiment difficile de distinguer son visage sous l’horrible blessure qui aurait dû lui arracher le visage. Sa barre de vie venait de tomber sous les cinquante pourcents.

Leur aspect en disait suffisamment sur leur situation, cependant Renouveau avait d’autres choses à faire que de résoudre les situations dans lesquelles les autres s’étaient fourrés.

- Vous… m’expliquez ? finit-elle par murmurer entre deux respirations saccadées.

- Quand on… sera arrivés… Vous… verrez… bien…

- Ana…kin… est…

L’estomac de la jeune femme bondit. Elle accéléra.

Tant pis si elle les semait.

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