Chapitre 34

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Trop fort.

Tout était trop fort.

Trop de lumière. Trop de bruit. Trop de douleur. Trop de pensées. Trop de gens. Trop de sensations. Trop d’elle. Trop d’autres.

Puis plus rien.

À nouveau, elle reprit conscience. Elle émergea en hurlant de toutes ses forces d’un sommeil qui l’avait enfermée en elle-même. Elle hurla si fort qu’elle se réveilla elle-même, se rendant pleinement consciente de la situation dans laquelle elle était. Ce qui ne l’empêcha pas de retomber sur ses oreillers plus déterminée que jamais à sortir de cette pièce. Il y avait deux personnes de trop. Une qu’elle connaissait, et qui la regardait avec un bonheur mal dissimulé, malgré le fait qu’il était tombé de sa chaise, une autre qu’elle n’était pas sûre de vraiment… d’accepter sa présence. Non, plutôt de la comprendre. Et ce n’était pas avec son air malheureux et presque consterné qu’elle allait comprendre quoi que ce soit.

- Zelda. Tu en as mis du temps, déclara-t-il sèchement, en fermant son livre.

- Nathan… ? réalisa-t-elle doucement. Qu’est-ce que… Pourquoi tu…

- Pour savoir si tu étais morte. Et je vois que non. Tant pis.

- Tu me détestes ?

- Evidemment.

- Je m’en doutais… Je sais que c’est trop tard, que j’aurais dû lui demander de nous rassembler, que c’est de ma faute, mais je voudrais que tu saches que je m’excuse, pour tout ce que j’ai fait. Je ne voulais pas te blesser, je pensais que tu vivrais mieux, ici, qu’avec moi. Je pensais qu’on était trop différents, que nous finirions forcément par nous blesser…

- La preuve. De toute façon, tu avais raison. Ma place est ici, parmi ceux qui ont le courage de vivre la vie qui est faite pour eux. Tu ferais mieux de mourir maintenant, ça t’éviterait de voir tout ce que tu as contribué à créer être détruit par ton petit frère. Nous finirons inévitablement par nous entretuer. Et puis, ce n’est pas comme si tu n’avais pas déjà lancé les hostilités. Me faire venir ici, contre mon gré, pour attendre que madame daigne se réveiller pour que je puisse enfin partir…

- Je suis désolée, Nathan, je suis vraiment désolée, ça ne change rien, je sais bien, mais nous ne sommes pas obligés de…

- Bien sûr que si. Avec toutes les atrocités que tu as commises, au nom de gens qui n’existent pas, au nom de nos parents qu’on n’a jamais connus, comment veux-tu que je te pardonne ? Comment est-ce que je pourrais oublier ce que ça fait, d’être le petit tout seul qui a perdu sa grande sœur, l’orphelin abandonné par tout le monde, celui que même sa famille met de côté, et qui n’est pas capable de faire ce qu’on lui demande ? J’aurais dû le tuer, Zelda, et rien ne serait arrivé. Rien. Je serais devenu un héros, à cinq ans. Toi, tu as tout gâché. Et maintenant que je suis reconnu par des gens haut placés comme un prodige de l’informatique, que j’ai enfin ce qu’il faut pour devenir le héros dont je rêve depuis si longtemps, celui qui dénoncera la corruption, la violence, la mort, tu ne m’empêcheras pas d’accomplir mon destin. Depuis le début, j’en suis sûr, tu étais destinée à devenir mon antagoniste, la femme qui se mettrait en travers de mon chemin pour me faire hésiter, pour me convaincre d’entrer dans ses rangs. Je refuse. Je refuse d’accepter tes excuses. Je refuse de rester plus longtemps dans cette pièce, avec toi.

- Nathan !

- Quoi encore ? Tu n’as pas compris ? Je ne te déteste pas, je te hais ! Je te hais de tout mon cœur, grande sœur, comme la…

- Nathan, tais-toi. Tais-toi et rassied-toi. Maintenant.

- Et puis quoi encore ? Tu crois que tu as toujours de l’autorité sur moi ? Que je suis toujours le même petit frère qui te laissait lui réexpliquer sans cesse comment faire ses devoirs, qui prendre comme amis, comment tenir sa fourchette ? Tu es vraiment une idiote. Et tu n’as vraiment pas changé. Pas d’une mèche. Pas d’un mot. Même la manière dont tu prononces mon nom est la même. Tu es un monstre. Le même que celui qui m’a rattrapé en haut des escaliers, qui m’a hurlé pour la millième fois que je n’étais rien, que je n’étais pas un héros, que je serais toujours cet humain pitoyable, contrôlé par sa sœur. Et tu sais quoi ? J’ai l’impression que les rôles ont changés. Je suis celui qui est libre, et tu es le pantin, la marionnette, contrôlée alors que tu te crois libre.

- Nathan ! Bon sang, reste ici, tu crois vraiment que c’est comme ça que je veux me souvenir de toi ? Tu crois vraiment que je veux rester sur une dispute, alors que je voulais que tu me pardonnes ?

- Peu m’importe ce que tu veux. Tu n’en as plus pour longtemps, de toute façon. Je serai le héros qui achèvera le dragon pour sauver la princesse.

- Quelle princesse ? Pour qui est-ce que tu fais tout ça ? Ça ne changera jamais rien, du moins pas dans ce monde. Tant qu’il y aura des gens comme toi, qui croient qu’ils peuvent sauver out le monde, il y aura des gens comme moi, pour les ramener sur Terre. Pour leur montrer la réalité, derrière les belles images que l’Optio vous montre.

- Que je crée, tu veux dire ? Parce que ma princesse vit dans cette ville, dans le monde entier, ma princesse, ce sont toutes ces personnes, qui sont heureuses de vivre, mais qui sont hantées par toi, et par les tiens.

- Je les délivres de tes illusions ! Tu ne comprends pas ?

- Et toi, comme la Présidente Kafka, vous êtes aveugles.

- Nathan !

- Vous fermez les yeux sur la réalité.

- Et les sacrifices de tous ces gens ? De nos parents ? Des enfants à venir qui n’auront pas leur place dans cette société ? De tous ceux qui se cachent de vous et de vos ondes, parce que leurs corps ne peuvent pas le supporter ?

- S’ils existent, alors c’est nécessaire. Pour le bien du plus grand nombre, comme tu le disais si bien, grande sœur. J’espère ne jamais te revoir.

- Nathan !

- Adieu.

- Nathan !

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