Prologue

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Un silence imposant faisait vibrer l'air. L'atmosphère oppressante rendait l'endroit lugubre. Tout autour, les ténèbres s'étalaient et recouvraient la scène. De hautes montagnes cachaient l'horizon et la lumière crépusculaire faisait de ce lieu pourtant peuplé un repaire de fantômes, d'êtres bien au-delà de la réalité. Comme dans un rêve, une brume légère tourbillonnait au ras du sol. Rampant, elle semblait recouvrir l'entièreté du monde par son opacité terrible et s'enroulait autour des chevilles de quelques grandes ombres. Sa couleur sale, ni blanche, ni noire, mais d'un gris vaguement brillant, faisait qu’on ne distinguait que leurs silhouettes. Parfois, seul un scintillement métallique renvoyait avec peine la profonde lueur pourpre qui luisait doucement sur les lieux.

Des murmures résonnèrent, des voix tendues, comme si ces créatures attendaient quelque chose. Ils n'étaient pas nombreux, ce soir-là, mais ce n'était pas le froid, pourtant perçant, qui en avait empêché d'autres de se joindre à eux, non. Il n’y avait qu’une seule responsable. La peur. La peur de ce qui allait surgir, d'un instant à l'autre, pour fondre sur la dizaine de formes obscures réunies, dos à dos et dont les yeux sondaient l'obscurité, tentant de deviner une forme, une lumière. Chacun paraissait sur le qui-vive. Le moindre bruit faisait sursauter les âmes réunies en ce lieu et chacune se tournait brusquement vers son origine, une arme pointée dans sa direction. Toutes les mains étaient serrées, moites et tremblantes, sur la poignée d'une épée, le manche d'une lance, la corde d'un arc ou la détente d'une arme à feu.

Au loin, le chant d'une flûte fit vibrer l'air. Chaque cœur manqua un battement. Le son, léger, se répéta, accompagné des pleurs vibrants d'un violon et du cri terrifiant d'un violoncelle. Un alto leur répondit, puissant et profond. Ensemble, ils tentaient de traduire la scène qui se déroulait sous leurs yeux. Une longue attente, une atmosphère lourde, des êtres effrayés, des armes dirigées vers chaque écho, chaque mouvement. Une scène jamais figée, mais d'une lenteur étouffante. L'astre céleste glissait dans le ciel. La lumière disparaîtrait, d'un moment à l'autre. Et pourtant, les pensées qui se bousculaient dans les têtes étaient on ne peut plus claires. Est-ce qu'à cet instant il apparaîtrait ? Faudrait-il l'attendre encore longtemps ? D'où surgirait-il ? D'ici ? De là ?

La tension était déjà à son comble, lorsqu'une nouvelle ombre se glissa parmi les autres, une faux à la main. Un éclat blanc la fit momentanément briller, mais l'obscurité avala cette nouvelle silhouette dans un froissement de tissu. Personne ne se tourna vers elle. Personne ne se préoccupa de plus que de sa situation. Elle prit place sur la scène, statique, comme une stèle d'onyx. Elle peinait à respirer. Ses mains ne tremblaient pas, mais dans son corps avachi transparaissait un poids, celui des chaînes qui l’empêchaient de se ruer vers le danger.

Aucun de ses compagnons ne pouvait distinguer la forme de son corps et pourtant tous avaient conscience de sa présence comme de celle d'une divinité. Mais ils savaient également qu’elle tenait de la lune : inconstante, changeante, elle éclipsait les autres dans sa lueur blafarde. Sa froideur n'était pas due à une incroyable force, à un statut de privilégiée, mais plutôt à une solitude pesante, qui s'étendait autour d'elle comme une aura protectrice. Ce n’était pas pour rien qu’on l’appelait Renouveau.

Soudain, au beau milieu d'un grincement musical, un cri retentit. Une des formes sombres tomba au sol, surplombée par un énorme monstre. Un crâne d'une blancheur effrayante, recouvert d'une longue cape noire déchirée aux bords, brandissait de ses deux mains squelettiques une large faux noire, dont la lame brillait de reflets d'argent. D'un large geste, il l'abattit sur la pauvre silhouette terrifiée. Ni gémissements, ni hurlement de terreur, seule la musique accompagnait ce spectacle horrifiant. Puis deux coups de feu retentirent, brisant un silence presque contre-nature. Un brusque choc métallique lui répondit.

Une des formes était entrée dans la lumière entourant la créature et offrit à celle qui gisait au sol l'occasion qu'elle attendait. De son arme, elle défia le monstre. Lame contre lame, les êtres se massacraient du regard, déployant une force incroyable pour se faire face. Mais la courte dague d'une petite fée rouge ne faisait pas le poids face à la faux noire.

- Coquelicot, laisse ! Je m'en charge !

Vive comme une flamme, l’être surnaturel se glissa sous la longue cape du monstre et traça dans son dos une interminable ligne rouge. Un nouvel adversaire faisait face à la puissante ombre au visage éclatant. Mais ce n'était pas plus brillant. L'homme reculait sous les coups, les parant de justesse avec son sabre laser qui crachotait de légères étincelles vertes. La dénommée Coquelicot semblait virevolter autour de la créature, tout en collectant de légères traces vermeille lorsqu'elle ralentissait un peu trop. Même occupé sur un front par un Jedi concentré, le monstre parvenait à blesser autour de lui, grâce à sa lame d'une taille bien trop imposante pour être seulement parée par un seul homme.

Une autre silhouette, plus particulière, s'ajoutait aux combattants. Un aigle royal fondait sur la créature et la distrayait afin que la jeune femme qui maniait deux pistolets puisse l'atteindre, tout en cherchant son point faible, visiblement bien caché. Sous les encouragements de son dresseur, le rapace à l'œil aiguisé déchirait de ses serres le manteau de nuit de l'assaillant. Un autre lancier, armé d'une hallebarde et recouvert d'une armure de chevalier, agaçait la chose en lui tailladant de temps à autre une main. Un sniper, caché dans les environs, tirait droit dans la tête de la créature, sans pourtant lui faire bien mal. Un indien d'Amérique plantait ses yeux sur le bout de sa flèche qui allait s'enfoncer précisément où il voulait, c'est-à-dire dans le bois d'un arbre à quelques degrés de la bête. Avec un grognement, il se replaça, retenta et échoua à nouveau, cette fois en plantant sa flèche à quelques millimètres de la capuche de la jeune fille à la faux blanche, qui courait en dessinant de larges cercles autour de l'être ténébreux. Il faillit s'excuser, mais il croisa son regard et elle hocha la tête, comme pour lui faire signe que ce n'était rien.

Au contraire, Renouveau prit cela pour un avertissement. Elle voyait ceux qui se battaient avec elle être blessés et chaque trait couleur de sang qui s'étendait sur leur corps venait porter un coup de poignard en son âme de combattante. Elle se jeta brusquement vers l'avant et alla prêter main-forte à l'homme qui résistait vaillamment aux assauts de la bête. Faux contre faux, rien n'était moins aisé que de se battre ainsi. Elle se plaça entre la lame et l'immense ombre squelettique, tout en cherchant un moyen de parer ses terribles coups. L’instrument de mort se levait et retombait sans cesse vers ses adversaires, sans qu’ils ne parviennent à contre-attaquer. Durant plusieurs minutes, ils luttèrent, feintèrent, en vain. Leurs corps se couvraient d’entailles, tandis que le sien, terrifiant, ne semblait que légèrement blessé.

Brusquement, une idée jaillit dans l’esprit de la jeune faucheuse, qui lui permit de bloquer violemment son attaque, les lames entremêlées s’étant neutralisées. Alors, avec un rugissement terrible, la bête tenta de dégager son arme, sans que rien n’y fasse. Anakin, l’homme au sabre laser, en profita pour prendre appui sur le manche de la faux et asséner au monstre un coup puissant qui aurait dû le couper en deux, mais qui se contenta de le blesser. Alors la faux noire se libéra de l'emprise de l'autre et se changea en un feu infranchissable, alternant entre le noir et le violet, qui protégeait la créature des attaques au corps à corps. Mais c'était sans compter sur le hasard. La jeune faucheuse maniait désormais sa faux éclatante sous les flammes et sa capuche tomba sous la vigueur de ses mouvements. De longs cheveux noirs dansaient dans l'étrange lumière et une mèche brodée d'or scintillait de temps à autre.

Tous ceux qui ne pouvaient atteindre la bête avec leurs armes l'encourageaient, ainsi que tous les mitrailleurs, sans pourtant que ceux-ci ne s'arrêtent de tirer. Les boules de feu qui pleuvaient sur ceux restés à l'extérieur du mur étaient renvoyées sur la créature par les tirs et les coups d'épée, mais les projectiles se faisaient de plus en plus rares et les encouragements de plus en plus forts. Rendant coup pour coup et flamme pour flamme, l'ombre ne semblait pas faiblir. Aucun son ne s'échappait du masque d'os, malgré la violence des attaques qu'il subissait. Dans un dernier scintillement, la faux blanche traça un sillon sur le crâne. Pendant un instant, il parut fendu, prêt à se briser. Puis le monstre tout entier explosa en une pluie d'étincelles brillantes et sans laisser de traces.

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