32. Profil bas

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La partie de la prison dédiée à la population générale (gen. pop.) était vraiment très différente de ce que j'avais connu dans le couloir ou même à la prison du comté.
2984 taulards au compteur, répartis dans plusieurs quartiers allant du G1 au G5, ce dernier accueillant les détenus les plus dangereux.
Les quartiers étaient une mixture de ce que la société fait de pire : meurtriers, braqueurs, violeurs...
Et bien entendu chaque clique était représentée.
Les mexicains avec à leur tête Rafael "Silencio" Flores, qui avait repris la place laissée vacante par Rey à la tête des Tango Blast, il ne devait pas son surnom de prison au fait qu'il était calme, mais à sa façon préférée de faire payer les traîtres : le fameux sourire de Glasgow, ouvrant la bouche au couteau de part en part jusqu'aux oreilles.

Les aryens étaient menés par un grand blond massif, au corps sculpté par les heures passées sur les bancs de musculation de la prison, Rolf Petersen était fier de ses origines nordiques pures et le faisait savoir à grand coup de tatouages de swatsika et autres joyeusetés du même accabit.

Le gang afro américain dominant était le célèbre Black Panthers, son dirigeant effectif à Polunsky était un jeune gars nerveux, portant foulard et dreadlocks, qui répondait au nom de LaShawn Bryant.

Et il y avait les autres : un melting-pot de gens ne faisant partie d'aucun gang ou groupuscule racial et qui tentaient de survivre au jour le jour, en faisant profil bas.

Mais je découvrais assez rapidement que rester en dehors des ennuis n'était pas chose facile en gen. pop.

D'abord, il y avait la cellule, ou plutôt la personne avec qui nous devions la partager. Le gars qui occupait la couchette du haut dans la mienne n'était pas un membre de gang. C'était un gars d'une petite quarantaine d'années, ouvertement homosexuel, il se maquillait, s'habillait comme une femme, nouant son t-shirt sur sa poitrine, laissant apparaitre un gros boudin de chair blanche et tressautante car il devait peser bien au-delà des cents kilos . Il me dominait de deux bonnes têtes mais le garde chargé de mon transfert m'assura que William Macey, plus connu sous le nom de Poppy ne ferait pas de mal à une mouche.
Pas à une mouche adulte en tout cas, je ne tardais pas à apprendre que ce cher William sous son nom de scène de Poppy le clown gentil avait violé et traumatisé à vie une trentaine de gamins innocents tout en étant payé grassement par des parents aveuglés par sa bonhommie apparente qui l'invitaient chez eux, lors de fêtes d'anniversaire, sans se douter une seconde qu'il faisaient entrer le loup dans la bergerie.
Il avait finalement été contraint d'abandonner son activité d'artiste le jour où frappant un gamin qui avait voulu se défendre, il avait tué ce dernier...

Cela acheva de me convaincre que je n'appréciais pas mon collocataire pour qui j'avais déjà très peu d'affinité, cependant, je n'éprouvait pas le besoin de lui faire payer ses crimes, même si l'envie ne m'en manquait pas...
Faire profil bas.

L'appel avait lieu chaque matin a 6h30 pétantes, nos cellules se déverrouillaient automatiquement et nous devions sortir pour les vérifications de présence. Ensuite, nous nous rendions en rang d'oignons à la caféteria où nous avions droit à un petit-déjeuner.

Les détenus avec le permis de travail se rendaient ensuite dans les différents ateliers pendant que les autres étaient enfermés de nouveau dans leur cellule.
Travailler en prison était gratifiant, cela permettait à certains de monter leurs petits traffics, chaque lieu de travail était dominé par un clan.
Les aryens étaient au service du courrier, ils étaient chargés de vérifier le courrier entrant et sortant, et de livrer les lettres aux détenus chaque matin.
Les blacks s'occupaient de la cuisine et en profitaient pour dealer de la drogue pendant le service.
Les italiens avaient la main-mise sur la laverie et les ateliers de confection où nos tenues de prison étaient fabriquées.
Les gens neutres se rajoutaient ça et là, selon la demande et les opportunités.
Travailler permettait également de toucher le mirobolant salaire de 50 centimes de l'heure, ce qui au moins, avait l'avantage de permettre aux ouvriers de cantiner.

Bien entendu, je n'avais pas de privilège de travail, même si ma sentance avait été commuée, je venais du couloir et représentait donc une menace pour les gardiens, qui, pour l'instant, me voyaient toujours comme un tueur au sang froid.
J'étais donc enfermé dans ma cellule de huit heures du matin jusqu'à l'appel de midi , et ensuite de treize heures à quinze heures, heure du comptage de la fin d'après-midi.

Cela ne plaisait bien entendu pas à mon collocataire, qui craignait que je ne fouille dans ses affaires. Pensée stupide, je n'avais nullement envie de tomber sur des écrits qui auraient pu contenir ses fantasmes malsains.

De quinze à dix-sept heures, nous avions droit à un quartier libre, celui-ci nous permettait de nous rendre à la bibliothéque, dans la cour de récréation, aux douches ou encore à la salle de sport .
Mais moi, je n'y avait pas encore droit non plus.

Après ces deux heures de temps libres, il y avait le repas du soir, un dernier appel et ensuite nous étions verrouillés pour la nuit dans nos cellules avec extinction des feux à 19h30 tapantes.

Les journées étaient longues, mais j'avais l'habitude d'être seul et je me sentais en sécurité, enfermé de la sorte dans ma cellule.
Le couloir avait très certainement eu un impact sur moi, je redoutais le moment où je serais libéré dans cette population criminelle.
Qui m'approcherai ? Quels ennuis risquai-je ?
Car si les gardiens se mefiaient de mon passé dans le couloir, les déténus, eux, n'attendaient qu'une chose, me tomber, d'une façon ou d'une autre sur le rable.

J'avais entendu des rumeurs, la gen. pop. la nuit était aussi bruyante et animée que mon ancienne aile. Je savais que Silencio voulait me parler, j'avais déja reçu plusieurs notes à ce sujet. Je savais aussi que certains criminels endurcis voyaient un ex condamné à mort comme une machine de guerre, un défi à relever. Ma relation avec Rey avait dépassé les frontières du couloir, et, compte tenu de son passif avec les aryens, je m'attendait également à devoir affronter du grabuge de ce coté.
Les menaces étaient partout, chaque pas que je ferais en dehors de cette cellule pourrait être un faux pas, et jamais auparavant, lors de mes heures les plus sombres dans le couloir de la mort, je n'avais été aussi terrorisé.

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