27. Gâchis.

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Je ne sus pas comment réagir à l'annonce que Gomez venait de me faire.

ll partit en ricanant, fier de son effet. J'en avais le souffle coupé. Pendant une poignée de secondes, les murs de ma cellules semblèrent tourner sur eux-mêmes, les couleurs se brouillèrent, et j'eus à peine le temps de me jeter sur les toilettes où je vomis mes tripes. Au bout d'un interminable moment, mon estomac sembla accepter de se calmer, vidé qu'il était de toute substance. Je ne savais que penser de cette nouvelle. Rey ? Parti ? Si vite ?

Certes, les dates d'exécution qui tombaient de novembre à décembre était souvent d'un délai très court, mais il était tout bonnement impossible qu'il ait été transféré "aux murs" de Hunstville le jour-même ou son mandat lui était parvenu. Qui plus est, nous n'avions pas encore reçu notre courrier du jour, pas même le légal, et personne n'était encore sorti en visite à cette heure matinale.

La vérité me gifla en pleine face : Rey savait. C'était la seule réponse possible. Il avait déja reçu sa date, peut-être même des semaines plus tôt et n'avait rien voulu me dire. Tout s'expliquait, sa rage, son impuissance lors de l'exécution de Benson, la peur qui l'avait envahi, son mutisme soudain.
Une seule question demeurait sans réponse :

Pourquoi ? Lui qui me confiait tout, lui qui savait presque tout de moi également, qui m'avait pris sous son aile, confié son portable, parlé des nuits entières de l'amour qu'il avait pour sa femme. Pourquoi diable m'avait-il caché qu'il savait à quelle date il quitterait ce monde. J'aurais été impuissant face à cette révélation, mais tout de même ! J'aurais pu être à ces cotés, le soutenir, le laisser vider son sac.

Ce manque de confiance, je le voyais comme une trahison. J'étais piqué dans mon orgueil, déçu.
Et la colère sourde que je sentais gronder en moi était tout autant dirigée contre celui que j'avais considéré comme mon meilleur ami ici que contre l'état qui me le reprenait.

Je remplis mon carnet de moleskine, si souvent délaissé au profit de Reyes, de lignes rageuses et décousues. Il fallait que cette animosité s'en aille, avant qu'elle ne me domine. J'étais proche, trop proche de pouvoir sortir d'ici, je devais absolument garder mon sang-froid. Reyes le savait. Etait-ce là, une ultime preuve que le chef de gang était pourri jusqu'à la moëlle, moi qui avait toujours pensé le contraire.

J'avais un rendez-vous légal avec Brandy Davenport, nous devions discuter des questions que le juge me poserait pendant l'appel, je devais être paré à toute éventualité, à toute tentative de déstabilisation.

J'entrais en trainant les pieds dans la salle de visite. La haine sourde qui m'avait submergé, en réalisant à quel point je m'étais trompé sur Reyes, semblait éteinte, en tout cas pour l'instant. Mais je me sentais vide, hagard, mécanique. Brandy le sentit immédiatement et ne pris pas la peine de me demander comment j'allais.

- L'officier MacManaman m'a expliqué pour votre ami, Colton, m'annonca-t-elle de but en blanc.

- Mon ami ? Je n'ai pas d'ami, répondis-je, en lui lancant un regard dur.
Elle soupira.
- Je pense que je suis venue pour rien aujourd'hui, vous ne me semblez pas dans votre état normal, votre regard parle de lui-même.

- Je vais très bien, rétorquai-je, cinglant.
- Colton, votre attitude de mâle alpha vous sieds probablement très bien derrière ses murs, cependant, je refuse de perdre du temps ici, si vous préférez jouer les gros bras que rien n'atteint plutôt que de reconnaitre vos failles. Vous n'êtes pas la seule personne qui ait besoin d'aide dans cette prison ! lacha-t-elle, exaspérée.
Je ne répondis rien, me penchant en arrière sur ma chaise, piqué au vif, j'affichais cet air détaché que prenaient souvent les adolescents lorsque l'un de leurs professeurs leur faisait une remarque.
Innateignable.
Elle laissa sortir un grognement rageur et se leva tellement énervée que sa chaise vacilla un instant sur trois pieds avant de se poser.
Elle alla frapper à la porte de la salle des gardes.
MacManaman en sorti, je la vis parler avec lui pendant quelques minutes. Je ne pouvais pas les entendre, piégé comme une mouche derrière ma vitre blindée, mais je la voyais gesticuler et je savais qu'elle était vraiment hors d'elle.
Une crainte me serra le coeur, et j'eus, pendant une seconde, l'envie de frapper comme un crétin sur ma vitre pour la rappeller. J'avais peur qu'elle parte et ne revienne jamais, qu'elle décide d'utiliser son temps et son énergie pour sauver quelqu'un qui en valait la peine, contrairement à moi et mes airs de gros dur buté.
Elle tendis une grande enveloppe en craft, les même que ceux d'entre-nous qui avaient l'art pour passion utilisaient pour envoyer leurs oeuvres vers le monde extérieur.
Elle sembla le remercier et puis fila, vers la sortie, sans se retourner, sans un regard pour moi.

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