22. Complications.

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Après avoir passé une nuit blanche à réfléchir en boucle sur le sujet de mon père, j'étais obligé de me rendre à l'évidence : je devais en parler à quelqu'un. Saskia aurait probablement été une oreille attentive, comme toujours. Mais pour lui parler directement, il aurait fallu que j'emprunte à nouveau le portable de Rey. Le sujet était trop important et il fallait que j'arrive à stopper le flux continuel de mes pensées le plus rapidement possible.

Hors de question d'attendre un snail !

Le soir où Reyes m'avait passé son téléphone pour parler avec Saskia, la première fois, avait été une source d'angoisse. Qu'arriverait-il si je me faisais prendre ? Comment allait-il se débrouiller pour me le faire parvenir ? Il était resté très mystérieux sur le sujet. Mille questions s'étaient succédées dans ma tête, et le refus de Rey de m'expliquer quoique ce soit m'avait presque donné envie d'abandonner, quitte à rester seul, avec mes idées noires.

Pour ne rien arranger, le garde en faction ce soir là était Gomez. Je détestais ce type et il me le rendait bien. D'origine mexicaine, c'était un parvenu qui ne manquait jamais une occasion de nous montrer sa supériorité. De nous faire comprendre qu'il avait réussi à tirer son épingle du jeu, à quitter les bas-fonds, contrairement à nous, qui n'étions, à ses yeux, que des sous-merdes.

Sa spécialité consistait à nous passer notre plateau-repas sans prévenir. Il ouvrait la fente prévue à cet effet et, contrairement aux autres gardiens, qui attendaient toujours que nous venions réceptionner le plateau avant de le lâcher ; Gomez, lui, semblait prendre un malin plaisir à le lâcher précipitemment.

Le temps d'entendre le clapet s'ouvrir de l'extérieur, notre repas atterrissait, la plupart du temps, sur le sol. Et loi de Murphy oblige, c'était toujours face contre terre. Nous en étions réduit à ne pas manger ou manger des reliquats de repas à même le sol. Le plateau du soir était toujours le plus chargé, et bien que le cuisinier de la prison semblait prendre un malin plaisir à nous concocter de la tambouille au goût et à l'aspect innommables, cet apport de protéines demeurait essentiel à notre survie.

Ce soir-là, Gomez était venu tambouriner à ma porte, et je m'en étais approché à contre-cœur, craignant d'avance ce qui allait se passer.

La fente s'était ouverte et à ma grande surprise, il m'avait tendu le téléphone, avec un calme olympien, me précisant juste que je n'avais que cinq minutes et que je devais me montrer discret et à l'écoute au cas ou le second gardien viendrait à se pointer de notre côté.

Rey m'avait finalement expliqué que la petite sœur de Gomez était la "novia" de son propre frère. Bien entendu, Gomez ne s'en était pas vanté auprès de ses employeurs. Un beau-frère de l'autre coté des barreaux. Dieu avait parfois un étrange sens de l'humour, mais bon, cela arrangeait bien nos bidons.

Mais ce soir, Gomez n'était pas en service, c'était rapé pour le téléphone. Je me résolus donc à parler avec Rey, même si j'ignorais quelle serait sa réaction, nos derniers échanges n'ayant pas été des plus courtois.

-Rey ? tentai-je.

- Tiens, tiens, sa majesté daigne adresser la parole au petit peuple ce soir ? ironisa-t-il

- Oh par pitié Rey, ne commence pas !

Il éclata de rire, c'était bon signe, il n'était pas réellement fâché.

-Qu'est ce que tu veux, Matthews ?

-Je suis désolé pour hier. Mais j'ai appris pas mal de trucs, ça m'a totalement chamboulé.

-J'avais cru comprendre, ouais. Qué passa Hombre ? demanda-t-il, exagérant le trait.

-T'es au courant pour le beau-père de Mitsy ?

-Le violeur de gamines ? Bien sûr ouais, y a que les jurés pour ne pas avoir compris le fin mot de ton histoire, mon vieux.

-Et tu sais que le soir du meurtre, dis-je du bout des lèvres, n'arrivant toujours pas à assimiler mon acte comme un meurtre, même après autant de temps, Mitsy a subi un kit de viol ?

-Ouais puis elle t'a bien enculé, la petite, en refusant de témoigner, j'suis au courant.

-Les résultats d'analyses, sont tojours valides, elle n'avait que seize ans au moment des faits...

Je marquai une pause, avant de reprendre :

-Elle va donner son accord pour que les résultats soient exploités...

Il y eu un battement, un silence furtif mais qui me sembla durer une éternité, puis Rey explosa :

-Putain Matthews ! Mon frère ! Mais c'est énorme ! Tu te rends compte que tu vas peut-être pouvoir sortir ton cul de Sioux d'ici !

Je n'était absolument pas sioux, mais l'autenticité qui perçait dans l'excitation de mon voisin de galère ne me donna acune envie de le reprendre.

-Ben, justement, j'ai peur de me réjouir.

-T'en es où de tes appels ?

-J'ai encore la possibilité d'un Habeas Corpus* devant la cour d'état, là.

-T'as de quoi Amigo, t'as de nouvelles preuves et pas des moindres ! s'exclama-t-il.

-Ouais, mais tu sais comme moi ce que la cour d'état veux dire.

Il grommela :

-Hmm, le même putain de juge.

-Ouais et malheureusement, c'est toujours le même vieux con qu'il y a dix ans, répondis-je soudain démoralisé.

-Et ton avocat ? Commis d'office, je suppose ?

- Un vrai blaireau. A la moindre erreur de sa part, le juge va nous renvoyer d'où on vient illico presto, soupirais-je.

-Putain, c'est la merde, mon frère.

Ça l'était en effet, c'était notre lot quotidien, notre malédiction. Repasser devant le même juge, même avec une nouvelle preuve aussi tangible que les résultats du kit, était un véritable parcours du combattant. Les juges n'aimaient pas reconnaître leurs torts. Et si ce nouvel élément aurait-pu, dans le meilleur des cas m'accorder un nouveau procès, encore falalit-il que mon avocat ne commette pas le moindre impair lors de la procédure d'appel.

La moindre erreur, le moindre vice de procédure, et mon appel finirait aux oubliettes.

Après ça, il me restait encore une chance auprès de la cour suprême, mais moins d'un pourcent des cas traités l'étaient en faveur des prisonniers.

Mon cas semblait désespéré...

*Note de l'auteur : Le "writ of Habeas Corpus" est la procédure qui peut suivre un appel qui a été refusé, il est en général utilisé pour essayer de prouver qu'il ya eu une erreur judiciaire ou pour provoquer le contrôle de la légalité des conditions d'enfermement. (Par exemple les avocats de Jonhson pourrait l'utiliser pour démontrer que leur client complétement fou n'a pas sa place dans le couloir de la mort mais bien en psychiatrie.
L'Habeas corpus peut-être au niveau fédéral ou au niveau de l'état. Si il est rejeté le détenu pourra faire appel devant la cour suprême de l'état en ensuite au niveau de la cour du district fédéral.

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