18. La traversée du miroir.

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Quelques jours après avoir reçu les infos que j'avais demandées à Saskia et rempli le formulaire de demande de visite, j'avais été notifié par la prison que celle-ci avait été approuvée. Du coup, Mitsy avait très probablement reçu le courrier officiel lui annonçant que Colton Matthews, détenu #25897 de la prison de Polunsky unit, unité B du couloir de la mort l'avait ajouté à ses visiteurs autorisés.

En gros, cela signifiait que Mitsy pouvait débarquer en visite n'importe quand, je ne serais pas prévenu à l'avance sauf si elle le faisait. Peut-être allait-elle choisir de m'écrire d'abord, mais j'en doutais, car elle aurait très bien pu le faire sans passer par Saskia, si c'était ce qu'elle voulait. Autant vous dire que j'étais dans un état de nervosité extrême.

Je ne savais pas moi-même si j'avais hâte de la voir et d'enfin entendre ce qu'elle avait à me dire, ou si je le craignais plus que tout. Pour couronner le tout, j'avais senti une réelle déception chez Saskia depuis que je lui avait annoncé mon changement d'avis sur Mitsy et malgré l'envie que j'avais de lui écrire, j'en étais incapable. Et j'avais vraiment peur qu'un froid s'installe entre nous à cause de ça.

Je ne voulais pas risquer mon amitié avec Sask', elle était ma confidente, mon amie, mon ancre qui me gardait en lien avec le monde réel, celle qui depuis bien longtemps m'empêchait de sombrer dans la folie. Elle était le réceptacle de mes états d'âme, l'oreille attentive qui recueillait mes doutes, mes peurs et mes larmes. Elle ne se mettait jamais en avant, mais quand elle me racontait ses petites victoires du quotidien, sa joie était communicative. Elle était un souffle d'air frais et pur dans mon environnement empoisonné.

Il était hors de question qu'elle sorte de ma vie, surtout à cause de Mitsy !

Quand Saskia m'avait annoncé que les resultats du kit de viol étaient encore valables, j'avais enregistré l'information, abassourdi sur le moment. Cependant, je refusais de m'en réjouir. Ma mère n'avait, en aucun cas, pu avoir accès à cette information. Et quand bien même c'eut été le cas, elle me l'aurait dit elle-même, plutôt que de faire mille mystères et me dire de rencontrer Mitsy. J'en était persuadé. Aussi Mitsy voulait-elle me voir pour tout autre chose. Et je ne voulais pas être le premier à mentionner ce kit, si vraiment il était exploitable, lui donner la sensation d'avoir un couteau sous la gorge n'était certainement pas le meilleur moyen d'obtenir son aide.

Et puis il y avait ce fameux secret. Qu'est-ce qui pouvait être partagé de la sorte uniquement par ma mère et Mitsy ? Quelle information m'avaient-elle cachée ensemble, alors que ma mère la détestait ?

Toutes ces questions et l'expectative d'une visite surprise me rendaient tendu et irritable. Reyes le ressentait et du coup, nos discussions étaient rares et courtes. Ce n'était pas une bonne chose, parce que plus je m'ennuyais, plus je cogitais, stressais et élaborais des théories qui me rendaient fou. C'était un cercle vicieux.

Tellement représentatif du couloir. Personne au monde n'a autant de temps à tuer qu'un détenu qui attend sa date d'exécution. Nous avons une date de péremption bien plus courte que la moyenne et pourtant nous n'avons rien d'autre que du temps devant nous. La belle ironie de la justice pénale américaine.

Après l'appel à Saskia, j'avais eu un peu peur de me sentir redevable envers Rey et que celui-ci me le fasse ressentir et s'en serve pour asseoir sa domination.

Ça n'avait pas été le cas du tout. Apparemment, El Verdugo n'avait désiré que m'aider, sincérement et sans arrière pensée. On était bien loin de l'image que je me faisais d'un chef de gang prestigieux, et j'avais honte d'avoir pu penser autrement, de n'avoir pas pu voir au delà des clichés.

D'autant plus que j'avais moi-même souffert des stéréotypes liés à mes origines durant toute ma vie.

Il était quatorze heures ce jour-là, c'était une belle journée d'été, les cellules étaient étouffantes et par notre fente-fenêtre, nous pouvions apercevoir un morceau d'azur, sans le moindre nuage à l'horizon. Une journée parfaite pour un barbecue avec plein d'amis et une montagne de viande. Sauf que nous n'avions ni l'un, ni l'autre.

Olumbé était de garde ce jour là et faisait sortir les détenus qui avaient rendez-vous avec un de leur proche. Un par un, il les enchaînait, les menottait et leur faisait remonter le couloir jusqu'au gardien qui prendrait le relai pour les condurie vers la salle des visites.

Il frappa à la lucarne de Rey qui attendait Marissa. Rey le suivi, m'adressant un signe quand il aperçut que je le regardais sortir de sa cage. Olumbé, se tourna vers moi :

-Matthews prépare-toi, tu es le prochain.

Je restais une seconde sou le choc, ne réalisant pas ce qu'il venait de dire. Nous étions un mardi, ce n'était pas le jour de visite de Sœur Mary-Thomas, qui ne venait que le vendredi. Saskia était en Europe. Maman n'était plus là. Les visites légales avec nos avocats n'avaient lieu que les mercredis et samedis. C'était Mitsy... Elle était là....

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