Des voyages difficiles (1)

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   Des bruits de pas résonnèrent dans un couloir plongé dans la pénombre, la main blanchâtre de Zenia se posa sur le montant de la porte et l’Écorchée posa son regard sur Sven. Le jeune homme était allongé dans sa couchette, recroquevillé sous une couverture. Il était aussi pâle que sa compagne, grelottait à s’en claquer la mâchoire alors que son corps était couvert de sueur. Zenia soupira, elle comprenait le mal qui le rongeait mais ne savait pas trop quoi faire pour arranger les choses. Pour survivre, elle avait besoin de radiation et avait donc chargé le submersible de radz malheureusement une telle exposition était néfaste pour le chasseur. À ce rythme, il risquait de produire de l’électricité qui endommagerait les appareils de navigation ce qui causerait leur perte ou alors il mourrait de ce trop plein d’énergie accumulée. Sachant qu’elle ne pouvait prendre le risque de le perdre ni de dériver au fond de l’océan, Zenia avait mit le cap sur une petite île où son compagnon pourrait faire une escale pour respirer de l’air frais. L’idée de perdre du temps avec un détour ne lui plaisait pas mais cette perspective était tout de même plus acceptable que la mort.

  Elle s’avança vers le malade, déposa l’index sur son front pour vérifier la température du jeune homme. Il était brulant et ne devait plus avoir les idées claires. C’était un exploit qu’il n’ait pas commencé à libérer les radiations de son organisme.

  – On va faire une escale d’ici une demi-heure. Tu pourras sortir te dégourdir les jambes, ça te fera le plus grand bien. Tu penses tenir jusque-là ?

  Sven esquissa un sourire en guise de réponse. Réussir à parler était trop difficile, tout son corps le démangeait et il avait l’impression d’avoir été plongé dans un bassin d’eau glacé. Il observa la silhouette de Zenia se redresser de son chevet pour s’éloigner et disparaître dans le couloir. L’espoir de sortir lui fit du bien, il ne pensait pas supporter ça encore longtemps et n’arrivait pas à envisager comment allait se passer la suite du voyage. Après tout il était dans cet état alors que leur départ ne remontait pas à deux jours. Il inspira profondément et essaya de se changer les idées mais les murs autour de lui dansaient devant ses yeux. L’instant suivant, il fut pris de nausées et bascula sur le côté pour vomir dans un seau posé à côté de sa couchette. Les spasmes de douleur qui traversèrent son corps furent horrible. Son estomac fut pris de crampes et il n’expulsa que de la bile en pensant que ses entrailles allaient remonter par son œsophage. Après cette épreuve, Sven s’écroula sur son lit, tremblant de plus belle et sombra rapidement dans le sommeil.

  Noa se réveilla en sursaut, elle était dans l’obscurité et ses idées mirent plusieurs secondes avant de se remettre en place dans sa tête. Elle était toujours prisonnière dans cet engin maléfique volant, on ne lui apportait qu’un maigre repas de temps à autre mais personne ne venait la torturer. Alors pourquoi avait-elle sentie quelque chose d’étrange ? Des gémissements se firent entendre et la guerrière fauve comprit que c’était Jake qui se plaignait dans son sommeil. Une odeur nauséabonde émanait également de la cellule voisine. Noa se redressa lentement, ses côtes étaient encore douloureuses de son combat avec Nobu. Elle chercha à tâtons dans le noir sa pipe et ses silex avant de se souvenir que Wanlia les avait confisqué un peu plus tôt dans la soirée. Cette garce avait fait ça dans l’unique but de contrarier Keiko qui tentait de nouer un lien avec la sauvageonne, Noa ne comprenait pas pourquoi d’ailleurs.

  Jake poussa d’autres lamentations et Noa s’approcha des barreaux, espérant que sa vue se soit suffisamment habituée à l’obscurité pour y voir quelque chose. Ne distinguant rien, elle se concentra et tout son s’évanouit autour d’elle, la pénombre laissa place à plus de clarté et elle vit enfin l’homme alité. Ses pansements étaient imbibés de sang et d’un liquide jaunâtre typique d’une infection ce qui expliquait la puanteur qu’elle avait senti. Son regard passa au visage du blessé, ses lèvres tremblaient et se déformaient par moment pour faire une grimace à cause de la douleur. Tout son épiderme était couvert de sueur. Noa comprit qu’à ce rythme, il allait rapidement mourir. Se contenter de changer ses pansements était loin d’être suffisant si personne ne nettoyait ses plaies et lui administrait des plantes ou d’autres traitements.

  Quelque chose la fit bouger et son regard bascula vers le haut sans qu’elle ne comprenne pourquoi. Elle relâcha sa concentration et ses autres sens refirent surface : l’odeur désagréable, les barreaux froids qu’elle serrait dans sa main et la voix de quelqu’un.

  – Il faut qu’on trouve un moyen de se tirer d’ici, murmurai Liam en fixant la chasseresse.

Il avait passé une main à travers sa cage pour saisir l’épaule de Noa et l'avait probablement secoué après n'avoir obtenu aucune réponse lors de sa première tentative.

  – Pour aller où ? On est coincé sur ce démon de métal volant. Et ton ami sera un poids à emmener avec nous dans son état.

  – Si on ne fait rien, il va mourir ! répondit Liam en s’impatientant.

  – Si on essai de fuir, il s’épuisera en marchant si toutefois il arrive déjà à se lever. Il serait charitable de l’achever.

  – Mais tu es cinglée ? J’vais pas tuer mon compagnon ! Et pourquoi vouloir le tuer alors que tu t’es interposée pour qu’il soit épargné ?

  – Son adversaire jouait avec lui, il n’y aurait eu aucun honneur à mourir de la sorte, rétorqua Noa d’un haussement d’épaules.

  – Parce que l’achever maintenant serait plus honorable ? Tu lui es venue en aide car tu as eu pitié, te fous pas de moi ! s’énerva Liam en serrant sa main sur l’épaule de son interlocutrice.

  – Et c’est justement par pitié que je dis qu’il faudrait l’achever ! Tu penses qu’on va sortir comment de ces cages ? Tu as un plan ? répliqua Noa en s’approchant des barreaux de sa cellule jusqu’à y appuyer son front. Tu t’imagines porter son corps longtemps sans être repéré ? Tu lui donnes combien de temps avant qu’il meure ? Tu crois qu’on va sortir tranquillement d’ici et trouver de quoi le remettre sur pied par miracle ? Qu’on s’échappe ou qu’on reste ici, s’il n’a pas rapidement de vrais soins, il va mourir dans d’atroces souffrances.

  Liam lâcha l’épaule de Noa et recula d’un pas en la regardant d’un air outré. Il entendait ce qu’elle disait mais ne pouvait accepter de regarder son compagnon mourir.

  – Et convaincre cette fille, la pilote : Keiko, de le faire soigner ? Elle attends quelque chose de toi, tu peux peut-être essayer ?

  – J’ignore ce qu’elle veut… et je gagnerai quoi à t’aider ? On est dans la même galère, je le reconnais mais on en est pas pour autant alliés ! Le sort qui vous attends à toi et tes amis ne me concerne en rien !

  – Si on est encore en vie c’est parce qu’ils espèrent toucher une récompense de mon grand-père… Et si tu es en vie c’est parce que j’avais demandé qu’il ne te soit rien fait pendant que je négociais avec Wanlia quand on était coincé dans les ruines ! Rien ne m’obligeait à le faire.

  – Tu avais sûrement une raison comme voir si tes revendications étaient prises en compte ou non. Et si on ne m’a pas exécuté c’est justement car Keiko attends quelque chose de moi.

  – T’es bornée, c’est insupportable ! En même temps, qu’est-ce que j’espérais d’une sauvage… râla Liam avant de se reprendre en inspirant profondément. Écoute, on a un intérêt commun : on veut tous les deux s’échapper d’ici et rentrer chez nous. On peut faire équipe, non ? Même de façon temporaire et une fois libre, je te propose même de te ramener sur ton île.

  – Si tu reviens sur ma terre natale, je serai obligée de te tuer… Ce sont nos lois. En sachant ça, tu veux toujours me ramener ? demanda Noa en arquant un sourcil, elle voulait le tester, voir si elle pouvait ou non lui faire confiance.

  – Une fois proche des côtes, on te donnera une barque pour atteindre la plage sans que j’ai à poser un pied sur ton île, ça te conviens ?

Noa acquiesça avec un air suffisant, elle ignorait si elle pourrait vraiment faire confiance à Liam mais à première vue, il semblait fiable. Et ce n’était pas comme si elle avait de meilleures options d’un autre côté.

  – À cheval donné, on ne regarde pas les dents. Très bien, d’accord. Des suggestions pour sortir d’ici ? Personnellement, j’attendais que ce démon se pose pour qu’on puisse fuir sur la terre ferme. Faut être patient en attendant.

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