Don du ciel (5)

6 minutes de lecture

  Après cette longue discussion, le groupe prit une petite collation pour ensuite se préparer à poursuivre l’exploration. Vérifiant ainsi leurs armes, les vêtements, chacun vaquait à ses occupations pour éviter toute surprise une fois en route. Orm avait déballé un sac pour y sortir plusieurs tubes en acier, ces torches seraient obligatoires pour éclairer la galerie souterraine. Il compta combien il en avait : une quinzaine. Serait-ce suffisant ? Il n’en savait rien… Lors de son premier voyage à la surface, il s’était contenté avec son groupe de longer le col d’une montagne et la seule découverte qu’ils avaient faite, c’était un petit troupeau de bulkais. Cet animal était une sorte d’oiseau grassouillet, dépourvu de plumes mais possédant des poils. Un bulkai, mesurait généralement entre cinquante à soixante-dix centimètres de haut. Son pelage était noir avec des taches blanches différentes selon l’individu, ce qui le rendait visible de loin dans la neige. Mais cette créature ne s’aventure que rarement dans les plaines de poudreuse, préférant vivre proche des rochers pour s’y cacher. Et malgré sa corpulence, lui donnant l’impression d’être obèse, il était incroyablement agile. Doué pour escalader ou descendre les flans abrupts des montagnes, il va et vient entre les hauteurs et l’océan où il nage pour trouver du poisson. Orm et son groupe était parvenus à en tuer plusieurs pour leur fourrure. La viande n’était pas terrible mais la graisse de bulkai possédait plusieurs usages intéressants. Le jeune homme en avait justement gardé dans un bocal qu’il ouvrit. Il déchira des vêtements qu’il enroula autour de bouts de bois avant de les tremper dans le récipient. Avec la graisse qui imbibait le tissu, cela ferait de bonnes torches rudimentaires qui devraient brûler un bon moment, pensa-t-il.

  De son côté, Ogard remplissait une petite lanterne à huile avec la graisse pour ensuite fixer l’objet après son bâton de marche. Le vieil homme vérifia son artefact, s’assurant qu’il était à sa ceinture et n’avait pas pris la rouille. Il le démonta pour le nettoyer avec un soin tout particulier. Personne du groupe ne l’avait vu s’en servir, mais tous connaissaient la puissance d’une arme de l’ancienne civilisation et Ogard ne possédait que ça : pas de hache, ni d’arc ou de lance. Bien sûr, il avait un couteau mais c’était pour cuisiner ou en dernier recours, pour se défendre. Tout en graissant et essuyant son objet le plus précieux, il sifflotait une mélodie qui résonnait nonchalamment dans la grotte. Sven rangeait le couteau dans son protège bras, il aurait bien aimé avoir du temps pour bricoler quelque chose avec, pour que la lame soit rétractable, mais il devait remettre ceci à plus tard. Il enfila sa veste en fourrure et son attention se porta sur quelque chose, proche du plafond. Sortait de la roche, un petit tube métallique munit d’une lentille en verre. Le jeune homme l’observa un instant, se demandant ce que cela pouvait être. Une petite lueur rouge clignota alors, intriguant d’avantage le jeune homme : était-ce un objet issu de l’ancienne civilisation ? Fonctionnait-il ? Mais surtout : à quoi cela pouvait-il servir ? Curieux, il s’avança pour mieux regarder. Il lui sembla que l’engin avait lui aussi bougé, comme s’il suivait les mouvements de Sven. Il sursauta alors, sa respiration se bloqua.

 – Sven ! Tu es prêt ? On va y aller.

  Le jeune homme tourna la tête pour répondre qu’il arrivait. Quand il fixa de nouveau l’étrange objet, il n’y vit aucune lumière, rien. Peut-être avait-il rêvé ? Il attrapa sa lance et tourna les talons pour rejoindre ses compagnons. Tous se tenaient à présent devant le tunnel, celui-ci faisait presque trois mètres de haut avec une largeur suffisante pour que deux hommes se tiennent côte à côte. Orm tenait une torche en bois et en tendit une à Sibjorn qui fermerait la marche. Ogard s’avança et leva la main pour demander à ses compagnons d’attendre. Il dégaina son arme qui ressemblait à un fusil, fait entièrement d’acier avec des gravures dans une langue oubliée. Il plia l’objet en deux, ouvrant le canon. Là, le quadragénaire fouilla dans sa poche et sortit plusieurs munitions. Certaines étaient grises mais une était rouge avec une lettre frappée dessus. Celle-ci il la fourra dans l’arme. Il referma le fusil et le brandit en direction du passage. Orm s’avança pour lui ordonner de ne pas tirer mais c’était déjà trop tard : le coup de feu résonna avec force et une flamme jaillissait du canon. La boule de feu traversa le couloir en l’illuminant avant de percuter quelque chose bien plus loin, peut-être à une trentaine de mètres. De leurs positions, il était difficile pour eux d’estimer la distance. Mais la flamme brûlait intensément et éclairait au loin le chemin.

 – J’en ai encore quelques-unes comme ça. Pratique pour éviter les mauvaises surprises…

  Une heure plus tard, les chasseurs avaient bien avancé, ils devaient être sous la montagne à présent. Le tunnel était toujours aussi large, ses murs étaient lisses, prouvant que ce n’était pas une cavité naturelle mais bien quelqu’un qui avait creusé ce passage. Les torches se reflétaient sur la pierre ressemblant à du marbre. C’était un festival de couleurs : celle-ci était parfois grise, orange et plus rarement verte. Il n’y avait eu aucune bifurcation, le groupe s’était contenté d’avancer toujours tout droit. Seul le bruit des bottes foulant le sol et quelques rares discussions venaient troubler le silence des lieux… Petit à petit, le chemin prenait une pente douce, chacun faisant attention de ne pas tomber : l’humidité des lieux rendait le sol glissant. Il faisait également moins froid, les torches dégageaient de la chaleur et le vent ne s’engouffrait pas si loin même si on parvenait encore, par moment, à l’entendre tel un lointain souvenir. Le couloir se fit alors plus large, laissant place à une cavité plus importante encore. Les flammes faisaient briller des minéraux qui semblaient éparpiller dans l’antre. Au plafond, une lueur filtrait à travers la roche, créant un trait lumineux au milieu de l’obscurité. Orm ignorait comment c’était possible, mais il trouvait l’endroit plutôt beau. Il craqua un tube métallique et le lança pour en voir davantage. Ses compagnons en firent autant, lançant des torches à différents endroits pour mieux estimer la taille de la pièce. Du cristal. Tout en était couvert. Sur chaque surface des cristaux reflétaient les lueurs des torches, donnant l’impression qu’il y en avait des centaines. Toute la pièce s’illumina alors, donnant pendant quelques secondes, mal aux yeux. Les minéraux semblaient absorber la lumière pour la reproduire avec force et dans des couleurs différentes. Les murs étaient multicolores, tachetés de toutes ces lueurs. Sibjorn et Sven laissèrent échapper des exclamations ébahies alors qu'Orm se contenta d’être subjugué par la beauté des lieux. Ogard quant à lui braillait de son ton habituel.

 – Vos masques ! Vous vous extasierez plus tard !

Sans chercher à le contredire, tous sortirent de leurs sacs des masques à gaz qu’ils mirent rapidement sur leurs visages. Orm n’aimait pas porter ça, il avait l’impression d’étouffer lentement, forçant à chaque aspiration. Il lança un regard interrogateur au vieux marchand mais ce dernier s’intéressait à Sven.

 – Tu te sens comment ? Pas envie d’électrocuter quelque chose ?

Mais le jeune homme fit signe que non. Orm comprit alors : c’était des radiations cristallisées, du radz. Il n’en avait jamais vu à « l’état sauvage », c’était son premier gisement et ça n’avait rien à voir avec ce qu’il avait déjà vu en ville. Le cristal était bien souvent broyé et entassé dans des caisses, ressemblant à du sable qui brillait. Il leva alors les yeux pour voir d’où provenait la seule lumière qui était présente au départ. Un trou dans la roche avec du radz à l’intérieur. Se pouvait-il que la fissure remonte jusqu’à la surface et que le cristal reflète la lumière du soleil jusqu’ici ? Si profondément sous terre ? Cela lui paraissait impossible et pourtant, il n’avait aucune autre explication logique. Son jeune frère s’était approché des cristaux pour les observer. Il remarqua alors quelque chose et fit signe à ses compagnons.

 – Regardez ! Sous les radz, il y a… Des tables et des chaises ?

Orm en fit autant et vit que Sven avait raison : les cristaux recouvraient le mobilier qui devait se trouver là depuis des siècles. Il y avait donc bien eu des gens ici avant ? Il longea les murs du regard pour finalement trouver ce qu’il cherchait : une porte métallique entrouverte. C’était bel et bien des ruines de l’ancien monde... Un large sourire se dessina sous son masque.

Annotations

Vous aimez lire Isoshi ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0