Chapitre 5-2

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Finalement, à la Taverne...


« … Elle savait comment elle allait articuler les pièces du puzzle.»

Un silence suivit les derniers mots lus par Angélique à son auditoire attentif. Depuis plusieurs mois, tous les mardis soir, au PMU tenu par son père, elle animait un atelier de lecture. De fil en aiguille, elle avait proposé aux participants de leur lire son propre manuscrit.

« Alors ? questionna-t-elle inquiète.

— Mais où vas-tu chercher tout ça ? En tout cas, merci de nous avoir lu ton travail, dit Cathy. Cette idée de café lecture est génial. »

Angélique se leva, passa derrière le comptoir et lança le percolateur pour une tournée de cafés.

« J'ai besoin de vos avis pour améliorer mon texte. Ce n'est qu'un premier jet. Il me reste beaucoup de travail avant qu'il ne parte tenter sa chance chez un éditeur, et qui sait rencontrer des lecteurs...

— Ouais, m'enfin c'est un joli conte de fées, tout ça, intervient Franck. C'est bien gentil mais c'est impossible !

— C'est un roman, Francky, une fiction, gloussa Cathy.

— Je te remercie, je sais. Mais ce n'est pas assez crédible. Et ces histoires de religion au début ça m'a un peu saoulé, je n'ai pas tout compris...

— T'es gonflé, Franck, réplique Élisabeth. Toi, le fan d'Harry qui voulait que nos parents t'inscrivent à Poudlard après la lecture du premier tome ! »

Franck la bouscula gentiment, tandis que tout le monde rigolait et se moquait de lui.

« Laissez-le dire franchement ce qu'il pense, le défendit Angélique. S'il n'a pas réussi à entrer dans l'histoire ça m'intéresse de savoir pourquoi.

— Moi, j'ai adoré le début, renchérit Élisabeth. Il y a une différence de rythme entre les chapitres. Ceux de Lili et la voix, très lents, intrigants, puis celui d'Édith qui brise la magie pour revenir dans la réalité, le terre à terre, et enfin l'élection et le changement de la société où l'accélération est délirante !

— C'est vrai que ça va peut-être trop vite dans la troisième partie, c'est un peu brouillon. J'aurais aimé plus de détails, la retranscription du débat électoral par exemple, suggéra Alex.

— Non, je ne suis pas d'accord, se manifesta Dominique. Plus de précisions ne feraient que renforcer l'improbabilité de l'histoire. C'est l'effet tourbillon qui emporte le lecteur jusqu'au bout de l'idée, sinon il risquerait d'interrompre sa lecture ne croyant plus ce qu'on lui raconte. Il romprait le contrat de départ, qui consiste à accorder sa confiance à l'auteur, même si l'on sait que tout ce que le roman raconte n'est que chimère. Un roman c'est un jeu ! Un voyage dans le monde merveilleux de l'innocence auquel on adhère dès les premières pages, non ? Ce qui compte c'est d'arriver à attraper le lecteur et qu'il reste jusqu'au mot fin. »

— Ce n'est pas faux, reconnut Alex.

— De toute façon, ça ne pourra pas plaire à tout le monde, tempéra Cathy.

— Moi j'ai aimé, insista Élisabeth. Ce qui m'agace, c'est que ce soit terminé. Je me suis attachée à tes personnages et j'aimerais lire encore qu'on peut changer le monde...

— Bon, mission accomplie alors, conclut Angélique. Embarquer les lecteurs dans mon délire. Réussir à semer quelques graines de rêves. Que lorsqu'ils referment le livre, ils se disent : "C'est impossible, mais j'ai passé un bon moment. C'est une utopie, quel dommage, ce que ça aurait été bien !" C'est ce que je veux, moi ! C'est pour ça que j'écris ! Les amis je vous remercie encore pour votre aide. Je vais réfléchir, retravailler, corriger, et après j'enverrai mon manuscrit aux « Éditions Vilmont », conclut-elle en riant.


Tandis que Dimitri posait avec délicatesse la dernière page sur le tas de feuillets, Charlotte commenta, comme un écho à la conversation retranscrite du PMU :

« Elle a raison, chaque lecteur apporte sa pierre à l'édifice !

— Hum, soupira Dimitri songeur.

— Qu'est-ce qui te dérange ? C'est qu'au moment où tu ne t'y attendais plus, ta mère apparait enfin ?

— Tu crois que c'est vraiment elle ?

— Ah ben oui, là, il me semble que c'est clair ! C'est bien elle l'auteur, non ? Tu as voulu la reconnaître en Lili, tu la cherchais partout, ben, là voilà, et tu n'es pas satisfait... On t'a déjà dit que tu étais un peu chiant ? ronchonna la jeune femme.

— Il y a un truc qui me tracasse, un détail, lâcha-t-il en chassant une mouche d'un geste de la main. Le jour de l'enterrement d'Alice, l'étrangère qui m'a donné le manuscrit a dit que mes grand-parents l'auraient brûlé... Et je ne comprends toujours pas pourquoi.

— C'est vrai que même si ta grand-mère n'était pas féministe, je la vois mal jeter un livre au feu, réfléchit Charlotte. En tout cas, je me demande comment serait accueilli ce roman aujourd'hui ? Faudrait l'envoyer à un éditeur ! Tu devrais en parler aux représentants qui défilent dans ta boutique ?

— Mégane de chez Tradimart m'a dit qu'un livre écrit par une personne décédée ne trouverait jamais preneur...

— Elle l'a lu ? interrogea Charlotte surprise.

— Non.

— Ben alors, suffit de ne pas dire que l'autrice est morte ! D'ailleurs, un écrivain ça ne vit pas comme tout le monde, du coup ça ne meurt pas vraiment non plus », philosopha la jeune femme.

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