Chapitre 2-3

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Comme convenu, en milieu de matinée, Lili et Zalia rejoignirent Jean et Wa chez eux. Jean avait proposé aux deux amies de leur enseigner les mouvements du Qi Gong. Une gymnastique douce qui, d'après les DVD, permet au corps de conserver la souplesse indispensable à la bonne circulation des liquides et de l'énergie vitale.

Le praticien de médecine chinoise effectuait les mouvements, les deux femmes s'appliquaient à les reproduire, Wa corrigeait leurs positions.

« Ne cherchez pas à réaliser des prouesses. Vous ne devez ressentir ni douleur ni tension. Concentrez-vous sur votre respiration. Le souffle doit porter le geste. Ne pensez à rien d'autre, comptez ! Chaque mouvement doit être répété six fois de chaque côté. Avec la pratique cela deviendra fluide. »

Ils enchaînèrent ainsi les figures : balayèrent l'arc-en-ciel, écartèrent les nuages, poussèrent la vague, pêchèrent en regardant le ciel, déracinèrent les arbres... Chaque mouvement avait un nom, cela facilitait l'apprentissage. Les deux novices se sentaient lourdes face à la chorégraphie aérienne de Jean.

Ils s'installèrent ensuite pour quelques minutes de méditation. Leur professeur les encourageait :

« C'est très difficile pour les occidentaux de ne pas penser. Les enfants savent d'instinct pratiquer, souvenez-vous, lorsque vous étiez dans la lune : c'est ça méditer... Un bébé ne respire qu'avec le ventre, plus tard nous perdons ce réflexe. Pourtant, ceux qui conservent cette respiration abdominale, vivent plus vieux et en meilleure santé... »

Les apprenties buvaient autant les paroles de Jean que le thé vert de Chine servi par Wa avec cérémonie.

« Lili, si vous pratiquez assidûment, votre énergie reviendra. Je ne sais pas ce que la Voix attend de vous, mais vous aider à vous préparer, ça, je peux vous le transmettre.

— Je crois que je comprends, Jean, et je vous remercie. Depuis que je vous ai rencontré, elle s'est tue. Peut-être que tout cela est terminé ! »

Sans aucun bruit, Wa posa sa tasse sur la soucoupe devant elle, fixa Lili, plissa les yeux, puis prit la parole :

« Vous devez révéler ce que vous dit la Voix, Lili. Ce n'est que le début, au contraire. Tout cela est délicat et dangereux, ça ne s'arrêtera qu'avec votre dernier souffle.

— Wa, vous êtes une femme étonnante ! Expliquez-moi, comment il est possible que je vous déteste et vous aime en même temps ?

— Ce qui serait mensonge serait que vous prétendiez soit m'aimer soit me haïr, parce que l'un ne va pas sans l'autre. Notre relation est donc parfaitement équilibrée et nous sommes en capacité de devenir amies.

— Peut-être... Alors pouvez-vous me dire ce que cette voix attend de moi ?

— Je pourrais vous dire plusieurs choses. Mais êtes-vous prête à les entendre ? C'est ça, la vraie question.

— J'admire votre manière de tourner autour du pot. Je préférerais que vous alliez droit au but. Si vous avez une idée du sens de tout ça, partagez-la.

— Je vous sens fragile. Mes paroles pourraient vous nuire... À travers vos transcriptions, j'interprète des choses, mais si je me trompais, je ferais plus de mal que de bien. De plus, vous avez en vous toutes les réponses à vos questions : vous avez la Voix.

— Super ! Vous êtes gentiment en train de me dire que si je l'interroge, elle m'informera de ce qu'elle attend de moi. C'est bien cela ?

— Tout à fait. Par contre, sachez que lorsqu'on pose une question à un Maître, il réfléchit à quel niveau vous en êtes et il peut reprendre tout son enseignement du début si votre question est stupide. Je vous invite donc à bien étudier tout ce que la Voix vous a livré, sinon elle ne pourra que se répéter et vous n'avancerez pas. Votre corps vous lâchera avant que vous ayez compris. Là, vous vous comportez comme une enfant qui traverse le cap des "pourquoi ?", et ne demande que pour s'assurer que les personnes autour ont des réponses à ses répétitifs "pourquoi ?". Elle se rassure, mais n'écoute pas. Elle ne se pose aucune question, en réalité, elle a juste peur. »

Le silence s'installa et perdura un long moment. Lili un peu vexée, percevait la justesse des paroles de Wa. Oui, elle avait peur ! Elle avait peur depuis deux longues années... Elle avait peur parce qu'elle ne comprenait pas ce qui lui arrivait. À présent, cet étrange couple lui proposait au moins une explication, même si celle-ci ne l'enchantait pas. Elle avait à la fois envie d'y croire et de rejeter ce phénomène qui, jusqu'alors, n'entrait pas dans le champ de ses possibles. Seulement, n'ayant aucune autre option, elle décida d'occulter son côté rationnel, de rendre les armes. Elle respira bruyamment plusieurs fois, puis choisissant de s'en remettre à la sagesse de Jean et Wa, elle déclara :

« Quand je me suis écroulée, que j'ai été contrainte physiquement de vivre enfermée, j'ai beaucoup remué la boue du passé. Les larmes s'échappaient et cette rivière coulait sans que je n'y puisse rien. Mais dans le puits où je suis tombée, je ne sais par quel miracle, peut-être dans un dernier élan de survie de la part de mon esprit torturé, j'ai quand même réalisé mon rêve de petite fille. J'ai écrit un roman ! J'ai réussi, du fond de l'abîme, à me raconter une histoire et à la poser sur le papier. Il est la preuve dont j'avais besoin pour reconnaître que ma route était celle de l'artiste, pas de la femme au foyer ni de la femme active. Toute ma vie, j'ai essayé de trouver une place dans cette société qui n'est pas faite pour moi. J'ai échoué. Mon but, dans l'existence, n'est pas de gagner de l'argent, de vivre confortablement, d'épater qui que ce soit. Non, ce que je veux, c'est écrire, raconter des histoires, créer des légendes, imaginer des mondes, et le Graal, amener le lecteur à réfléchir sur sa propre existence... J'ai commencé par peindre, mes peintures n'étaient que les brouillons de mes textes. La coloriste n'était que l'embryon de l'autrice. Vous avez raison Wa ! Je vais cesser de faire l'enfant... Je vais me montrer courageuse ! »

La maîtresse de maison prit tranquillement la théière et versa de l'eau bouillante sur de nouvelles feuilles de thé pour un deuxième service.

« Seriez-vous d'accord, tous les trois, pour lire et étudier avec moi ce que la Voix m'a déjà dit ? Afin de décider ensemble quelle question il serait judicieux que je lui soumette ? »

Zalia posa une main bienveillante sur l'épaule de son amie et hocha la tête. Jean lui sourit en acquiesçant.

« Sage décision, Lili. Je comprends mieux pourquoi la Voix vous a choisie », déclara Wa satisfaite.

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