Chapitre 13 : Parlons peu mais parlons...

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J'ai enfin pu me reposer sans être assailli par des cauchemars. C'est presque miraculeux. Je me sens régénéré. Cependant, la douleur dans mon corps persiste, elle est devenue une part intégrante de moi. Serait-il possible que je me soigne moi-même ? Ça pourrait être utile. J'essaie de me concentrer et d'imaginer les fins filets bleus qui s'enroulent autour de mon corps lorsque Lyia me soigne.

Rien ne se passe. C'est un échec total... Je réessaierai plus tard...

Je m'assois sur le lit et observe notre chambre. Je suis seul, il n'y a personne. Cette pièce rectangulaire est assez spacieuse, bien plus grande que les endroits où j'ai vécu pendant mes études. De plus, tout semble avoir été rénové. Les murs sont immaculés, sans une seule tache, un seul accroc ou un trou de punaise.

Juste à côté de mon lit, il y a une table de chevet avec une photo de ma famille. On peut me voir sourire, entouré de mes deux parents et de mes deux frères. La photo a été prise juste avant le décès de mon père. Nous étions encore heureux... Une famille unie... L'enquête sur sa mort a totalement détruit nos liens. Aujourd'hui, nous sommes toujours en contact, mais ce n'est plus comme avant... Il y a un manque et une certaine rancœur qui nous rongent tous.

En face de mon lit, une garde-robe ouverte contient tous mes vêtements, y compris mes blouses de travail. Elles ne me serviront plus pour le moment. J'adore mon métier et cela va vraiment me manquer de ne pas pouvoir l'exercer temporairement. Je me demande comment ils s'en sortent à la clinique sans moi. Gérer notre patientèle avec seulement trois urgentistes était déjà complexe, alors j'imagine la panique qui règne actuellement.

De l'autre côté de la pièce, le lit de Jake est vide. Il est retourné dans son lit pendant la nuit car son lit est défait. Au-dessus de son lit, un petit drapeau est accroché. Je pense que c'est le drapeau de la Belgique, mais je n'en suis pas certain. Jake n'est donc pas américain ? Cela expliquerait son adorable petit accent. Quelle langue parle-t-on en Belgique déjà ?

Sur sa table de chevet, il y a aussi un cadre, mais il est trop éloigné pour que je puisse le voir clairement. Même avec mes lunettes, je n'arrive pas à distinguer les différentes personnes qui y sont représentées.

J'entends des pas dans le couloir. Ils s'arrêtent juste devant la porte. Quelqu'un frappe.

  • Je pense que c'est ouvert, dis-je.

Jake entre dans la pièce avec un plateau de nourriture. L'odeur se répand instantanément dans toute la pièce. Mon ventre, avec délicatesse et raffinement, décide de manifester sa présence en hurlant comme s'il n'avait pas mangé depuis 107 ans.

  • Je pense que j'ai eu une bonne intuition, rigole Jake en entendant le vacarme que fait mon ventre.
  • Je ne le contrôle pas, nous sommes deux entités distinctes. Il exprime souvent son opinion sans mon consentement, plaisanté-je.
  • Eh bien, il va falloir rassasier le monstre qui t'habite alors. Je ne connais pas trop tes goûts, donc j'ai pris un plat passe-partout. Si jamais quelque chose ne te plaît pas, je peux te trouver autre chose.
  • Ne t'inquiète pas, je pourrais manger n'importe quoi.

Il me tend le plateau. Il est rempli de frites accompagnées de vol-au-vent.

  • Des frites au petit-déjeuner ?
  • En réalité, il est treize heures, donc je n'avais pas d'autre choix, belle au bois dormant, rit-il.
  • T'as pas hésité sur les frites ?! Tes origines belges te rattrapent, dis-je en commençant à manger.
  • Mon drapeau t'a tapé dans l'œil ? demande-t-il.
  • Il est quand même assez voyant, c'est vrai. Donc tu es vraiment belge d'origine ? Tu parles d'autres langues ?
  • Oui, j'ai vécu en Belgique jusqu'à mes 9 ans. Nous avons déménagé en Amérique pour que mon frère aîné puisse intégrer cette école. Je parle encore assez bien français, c'est la langue que nous parlions à la maison.

Je continue à dévorer mon assiette tout en l'écoutant.

  • Je peux te poser une question indiscrète ? Tu n'es pas obligé de répondre si ça te dérange, demandé-je.
  • Je n'ai pas de tabous normalement, donc vas-y.
  • Depuis quand tu sais que... Enfin, depuis quand as-tu remarqué que tu étais attiré par les hommes ? réussis-je à marmonner.

Il rougit et s'assoit sur son lit avant de me répondre.

  • Je ne sais pas trop en réalité, commence-t-il. C'est venu petit à petit pendant mon adolescence. Je suppose qu'à cette époque, tu regardais les filles, tu commençais à les séduire, tu tombais peut-être amoureux aussi. Tu rêvais de trouver la femme de ta vie, de lui tenir la main, de te marier avec elle, d'avoir des enfants ? Eh bien, pour moi, c'était pareil, mais avec les garçons.
  • Je comprends. En réalité, tu te trompes à mon sujet... Je ne pense pas que seule une femme pourrait me rendre heureux. Je crois qu'il existe quelque part dans le monde une personne unique qui peut me rendre heureux, peu importe son genre. Pourquoi cela ne pourrait-il pas être un homme ?
  • Très belle façon de voir le monde. Es-tu déjà sorti avec un garçon alors ?
  • Non, pas du tout. La seule personne dont je suis réellement tombé amoureux jusqu'à présent, c'était Zélia...
  • C'est mieux d'avoir aimé et perdu que de ne pas avoir aimé du tout, répond Jake.
  • Ashe, moral de l'histoire ? Bon goût musical !
  • Plutôt le poète Alfred Lord Tennyson en réalité, se moque-t-il.
  • Cela veut dire que tu n'es jamais tombé amoureux ?

Jake baisse la tête, comme s'il était gêné. Depuis le début de la conversation, il n'ose pas me regarder dans les yeux.

  • Non... En fait, tu es la seule personne qui est au courant de tout ça... Enfin, j'ai déjà éprouvé des sentiments pour d'autres hommes, mais je n'ai jamais osé en parler...
  • Tu n'en as jamais parlé à personne ?
  • Non... Je n'avais pas non plus l'intention de t'en parler, mais comment dire... Ce rêve a un peu forcé les choses... Je n'ai jamais embrassé un homme, sauf dans mes rêves... Et maintenant, dans les tiens... Je n'imaginais pas que mon premier baiser se passerait ainsi, rit-il jaune.
  • Eh bien, tu as quand même eu la chance d'avoir ton premier baiser avec un homme aussi séduisant que moi, me vante-je pour détendre l'atmosphère.
  • Idiot ! dit-il en me lançant la première chose qu'il trouve sur son chemin, à savoir une paire de chaussettes.

J'ai quand même réussi à lui arracher un petit sourire.

  • Aïe ! Mais quelle violence ! Le prince en détresse se fait sauver deux fois et embrasse le prince charmant, pour finir par l'attaquer à coup de chaussettes. Quelle ironie.
  • Tu te crois dans un conte de fées, Quasimodo ?
  • Oh non, il a découvert mon secret, je vais retourner dans mon clocher.

Nous éclatons de rire. Mon Dieu, ça fait un bien fou de pouvoir rire bêtement sans se prendre la tête après tout ce qui s'est passé.

  • Tu sais, Jake, je pense que tu ne devrais pas avoir peur de parler de tes sentiments à tes amis. Ils ne te jugeront jamais pour ça.
  • Je le sais, mais je n'y arrive pas... Peux-tu garder ça secret encore un certain temps ?
  • Motus et bouche cousue, croix de bois, croix de fer, si je mens, je vais en enfer !
  • Tu en as encore beaucoup des expressions enfantines dans ce genre ?
  • Hum, je peux encore en trouver, dis-je en levant les yeux au ciel.
  • Tu m'épuises déjà, prince charmant.

Je ne m'attendais pas à ce qu'il soit aussi timide. Au premier abord, il semblait sûr de lui. Il cache bien son jeu. Je préfère voir sa véritable personnalité directement. Peut-être que ce baiser volé aura de bonnes conséquences pour lui.

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