L'eveil

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 La pièce était sombre et froide, il y régnait une ambiance mortuaire comme si la vie n'eut jamais l'occasion d'y faire son apparition. Les murs lisses et humides étaient teintés de bleu aux angles et, malgré le clignotement farouche des lumières derrière moi, rien ne semblait pouvoir effacer cette teinte. Sous mes pieds le sol glissant et froid me semblait familier, une poussière moite nappait les surfaces environnantes, depuis quand ce lieux n'avait pas été visité?

Mon esprit embrumé ne parvenait pas à réfléchir et tout autour de moi semblait flou, ma peau était pâle, mes membres longs et fins. Mon champ de vision m'indiquait que je devais être assez grand car rien n'atteignait mon regard, en me déplaçant mes cheveux s'emmêlèrent autour de mon cou et je dûs les rabattre, ils couraient sur mon dos, chatouillant le creux de mes reins.

Derrière moi, la cuve depuis laquelle je m'étais extrait était maintenant vide, le liquide chaud et visqueux avait disparu, seuls quelques gargouillis se faisaient entendre sous la couchette parfaitement adaptée à ma morphologie. Non loin, un faisceau de lumiere prenait une forme étrange en clignotant, alternant entre le rouge et le jaune, la forme dansait maintenant au dessus de la cuve, et même avec un effort de concentration je n'arrivais pas en saisir le sens.

Plus loin au fond de la salle se trouvait une porte avec un cadran lumineux sur sa gauche, j'ai essayé de décrypter l'écriture étrange mais similaire à l'hologramme de tout à l'heure qui en jaillit lorsque j'y avais passé ma main, sans succès. Une sensation de déjà-vu, un lointain souvenir m'envahit et d'essais maladroits mes tentatives passèrent à manipulations précises, un clic se fit entendre et la porte glissa, s'engouffrant dans le mur, comme avalé par un monstre invisible.

 La lumière frappa mon visage au travers des ronces, c'était comme recevoir un coup de poing en pleine face, mes yeux se fermèrent et pour couvrir les rayons destructeurs je me couvris le visage d'une main, remarquant une fois les yeux ouverts, qu'à la jointure de mes doigts résidait le même bleu que sur les murs, les reflets bougeait avec le soleil et n'étaient visible que par l'effet de transparence. Une fois habitué à la luminosité je fit le premier pas, l'angoisse me sauta alors à la gorge comme un fauve sur sa proie. Entre mes doigts de pieds s'infiltrait une texture nouvelle, le sol semblait se soustraire à moi, je m'enfonçais légèrement dans celui-ci et il me grimpait dessus mollement, sans conviction. En piétinant cette surface de petits bruits ainsi que des éclaboussures naissaient sous mes orteils, un léger sourire de soulagement se creusait sur mon visage tandis que la boue recouvrait maintenant mes jambes jusqu'à mes genoux.

En me retournant je vis que la grotte qui m'accueillait devait être naturelle tant elle était recouverte de mousse, d'herbes et de fleurs, à croire que plusieurs saisons, tempêtes et éboulis s'étaient succédé ici. L'installation ressemblait d'avantage à un aménagement succinct qu'à une véritable structure, tout ici appartenait à la nature, les arbres épais et fort transperçaient le ciel de leur cîmes si grandes qu'elles étaient invisibles, la lumière était diffuse, traversant avec difficulté le dense feuillage de la forêt. le sol jonché de branches mortes et de jeunes pousses était difficilement praticable mais j'avançais pourtant avec une relative facilité, mes pieds ne semblaient pas recevoir le moindre dommage et peu importe la pierre, le bois ou tout autre obstacle sur ma route aucune douleur ne se faisait sentir.

Je ne sais combien de temps j'ai pu marcher ainsi, la forêt me paraissait s'étendre indéfiniment et le paysage ne changeait que très peu, je n'avais croisé aucun animal sur le chemin, pas même un insecte. Soudain, porté par le vent des voix se firent entendre sur ma gauche, je forcis le pas prenant la direction des voix, après quelques foulées le sol changea encore une fois. Sur un sentier, des hommes à quelques mètres se tenaient proche d'un holojet à l'arrêt.

 Les silhouettes se précisaient à mesure que je cassait la distance nous séparant, je discernerais bientôt leurs traits. L'homme debout était grand et avait une mine renfrognée, une expression de colère déformait son visage, il se tenait le menton de la main droite et regardait son acolyte qui lui était accroupi en face de l'holojet qui semblait être en panne.

En arrivant à leur portée le plus grand des deux fit signe à l'autre d'une tape sur l'épaule et me désigna du menton, il s'approchèrent avec prudence, chacun d'eux était armé de ce que je reconnaissait comme des lances à plasma. Le second me fit signe et cria vers moi :

"Her Fàdruna? Yoi ne woria, yoi selar. Wo her runr?"

Je ne comprenais pas sa langue mais sa voix ne contenait pas d'agressivité, l'homme était plutôt anxieux, voyant mon air surpris son comparse hurla à son tour :

"Wo her wokruna?! Her woria? Vek weria du!"

Les mots m'étaient familiers, la structure de leur langue n'était pas trop éloigné de la mienne et instinctivement je pu répondre plein d'hésitation :

"Yoi no woria ner wokruna, yoi weri skalir."

Les mots coulaient à travers ma bouche et mes lèvres claquaient sans que je puisse les contrôler, un instant j'ai crû m'être trompé et je voyais déjà les deux hommes dégainer leurs lances et se lancer à l'assaut. Mais rien ne se produit, à la place ils se tournèrent l'un vers l'autre, commençant une discussion à voix basses. Je restait planté là à tendre l'oreille pour saisir quelques mots quand l'un d'eux me fit signe de la tête d'approcher, il me dit alors :

  • Que fais tu là et pourquoi es tu nu comme un vers?

Je ne comprenais pas comment mais je pouvais comprendre, je pouvais donc répondre.

  • Je me suis réveillé dans la forêt dans cet état, où est on ? Qui êtes-vous? Pourquoi parliez vous une autre langue tout à l'heure ?
  • Encore un tripper, s'esclaffa le plus grand.
  • Un tripper ? Ai-je répondu.
  • Écoutes mon gars, t'as dû sacrément doser cette nuit, t'es sûr que tout va bien ? T'es blessé ?
  • Non, je ne crois pas mais je n'ai toujours pas eu de réponses à mes questions. Je commençais à m'énerver et mon ton monta brusquement.
  • Hé, tu trouves pas qu'il cause trop bien pour un tripper? Demanda le petit.
  • Ouais ptet bien, c'est ptet un coup des Wokruna, qui sait…

Ils avancèrent vers moi l'air un peu plus détendu.

  • Écoutes t'as pas l'air méchant, mais on sait jamais alors voilà ce qu'on va faire. On va te prendre avec nous mais tu vas mettre cette paire de verrous magnétiques, tu pourras pas t'éloigner de l'holojet à plus de 5 mètres et on va aussi de filer un pantalon… Faudrait pas choquer la dame.
  • La dame?
  • Ouais, on te ramène à Setnan c'est elle qui décidera de ce qu'on fait de toi.

Avant d'avoir pu acquiescer mes poignets étaient liés par deux boucles métalliques, "ça sert un peu" ai-je grogné. Sitôt refermé je senti une certaine résistance en tirant les bras vers moi, un bruit calme et sourd se dégageait des bracelets. Le bruit fluctue entre grave et aigu en suivant mes mouvements.

"Ho, t'es pas là pour t'amuser, fais un peu attention et enfiles moi ça." Il m'a tendu un pantalon en toile rapiécé, des trous ça et là montraient que le vêtement avait eu une vie dure et certainement assez longue.

Arrivé à mi-cuisse, une tâche noirâtre me trempa la jambe, laissant couler quelques gouttes visqueuses le long de mon mollet droit.

"Oops, désolé pour ça, on s'en est servi pour dévisser le bouchon d'huile moteur." Il y avait une pointe d'amusement dans sa voix.

Le petit eut un cri de joie, "Yeehee, ça repart !" Le moteur d'activation de l'holojet gronda, les turbines inférieures se remirent en route et dans un mouvement brusque la carcasse se redressa nous éclaboussant d'un nuage de poussière.

"Aah, c'est pas trop tôt ! On reprend la marche, si on se dépêche on arrivera avant la nuit".

 La marche fût silencieuse, le sentier était mal entretenu mais l'holojet tenait bon.les deux hommes me regardait à peine, s'il se sentaient en danger ils ne le montraient pas. Cette sérénité apparente ne faisait qu'accentuer mon angoisse mais je me forçais à garder ça pour moi, de toute façon ils n'avaient pas l'air très enclin à la discussion.

Sur le chemin nous traversâmes, des champs, des plaines mais surtout des ruines, les vestiges d'une ville inconnue. Les cadavres d'immeubles en tout genre jonchaient les bords du sentier et parfois des silhouettes fugaces semblaient virevolter au travers des fenêtres brisées. Une nostalgie soudaine et un tristesse infinie me transpercerent et sans savoir pourquoi des larmes commencèrent à rouler sous mes paupières, incapable de les retenir mon visage était maintenant trempé de ces larmes inexpliquées.

" Il t'arrive quoi mon grand, tu regrettes la dose de trop?" Ricana le plus grand.

J'aurais aimé lui répondre, mais je n'en savais pas plus que lui aussi ai-je décidé d'essuyer nonchalamment mon visage et de dire d'un ton moqueur "C'est rien, mais l'odeur que tu dégages n'est pas des plus agréables." Une remarque puérile, certes. Le plus petit se tordit de rire sur lui-même et frappa l'épaule du premier. "Tu l'as pas volé celle ci, allez on continue on est plus très loin."

 Le soleil tombait derrière l'horizon lorsque les portes d'une ville se dessinèrent au loin. La porte était faite de pièces de récupérations, on aurait dit le pont d'embarquement d'un croiseur orbitale, les murs eux étaient sans doute les restes du vaisseau. Il eut fallu une sacré quantité de ces vaisseaux pour ériger les murs de cette ville, j'étais de plus en plus perdu, les choses avaient encore moins de sens que dans la grotte.

Arrivé à quelques mètres de la porte , le grand leva sa main gauche à hauteur d'yeux et un faisceau sorti de sa paume pour laisser place à un hologramme, un visage apparut alors en criant.

  • Aah, Wol'uh c'est toi. T'es déjà de retour? Bragi est avec toi?
  • Ouais, on a du rentrer un peu plus tôt, on à un cadeau pour la Dame.
  • Hoho! Toujours en train d'en faire plus hein? Qu'est ce que c'est ?

Wol'uh tourna sa main vers moi et l'homme de l'hologramme siffla.

  • Fiuuu! Encore un tripper?
  • Vas savoir? En tout cas il cause bien et à l'air robuste, il a fait toute la route pieds nus, attaché à l'holojet, sans bronché.
  • Eh bien, on dirait que tu as quelque chose d'intéressant Wol'uh. Entre vite, pont 7. Enregistre ton matos. La dame doit être dans la Woriahall à cette heure-ci, je vais la prévenir de ton arrivée. On aura peut-être droit à un beau combat, qui sait ?
  • Ouais on espère. Pouffa t-il.

L'hologramme se coupa, l'énorme porte grinça et dans un bruit tout aussi strident se replia sur elle-même vers le haut comme un ressort qu'on écrase. Bragi me fit signe d'avancer de la main. Il m'emboita le pas et tout en suivant Wol'uh je m'interrogeais sur cette histoire de combat. Qu'allait il m'arriver, aurais-je à me battre, qu'était la Woriahall et qui était la Dame? Le fracas de la porte se refermant me fit sursauter, ce qui provoqua un rire moqueur chez les deux hommes.

 Wol'uh gara l'holojet sur une plateforme ou un 7 lumineux flottait dans l'air, la brume de l'hologramme se dissipa sous ses gestes habitués, il se rapprocha d'un terminal qui avait l'air ancien mais robuste, du matériel militaire sans doute. L'écran capricieux sautait de temps en temps ce qui ne manquait pas d'agacer mon hôte. Je l'observais d'un air distrait, mon esprit vagabondait, je ne savais toujours rien et le fait de reconnaître toutes ces choses que je voyais pour la première fois me laissait encore plus perplexe. Un long bip retentit et Wol'uh cria ce qui devait être des jurons.

  • Ça marche jamais ce truc putain, pourquoi on les change pas?!
  • Essayez la configuration 3-WO-K. Mon ton était naturel et la surprise ne vint qu'après.
  • Qu'est ce que t'en sais toi?
  • Rien. Ai-je dit en haussant les épaules, mais on sait jamais
  • Bon sang, ça marche. Tu vas nous dire qui t'es à la fin?
  • Je vous l'ai déjà dit non ? Je n'en sais pas plus que vous.
  • Mmph on verra si tu gardes tes grands airs devant la Dame. Allez on continue.

On avançait maintenant à travers un dédale sinueux de ruelles entrelacées, le sol était brut, usés par les âges et le passage de milliers de personnes. Les bâtiments délabrés étaient tous couverts de néons, d'hologrammes et de lampes en tous genres. Il faisait nuit et pourtant régnait une ambiance lumineuse constante, les teintes rouges, bleues, violettes et d'autres encore ajoutait au brouhaha ambiant. Les flash incessant avait de quoi vous rendre fou si on ne se concentrait pas sur autre chose, je me sentais mal à l'aise, en contraste total avec la grotte. La populace affluait de toutes parts, criant et chantant une mélodie que je ne connaissais pas mais qui, pourtant, me semblait familière. Tous ou presque se dirigeaient au même endroit, je devinais sans peine qu'il s'agissait de la Woriahall, quoi que se fut.

"Hé! Arrêtes de rêvasser on y est." Me dit Wol'uh. Et effet devant nous se dresser une immense bâtisse, d'un style que je n'aurais pu décrire, les murs lisses aux reflets bleutés me rappelait ceux de la grotte, en plus sale encore. Des traces de sang étaient éparpillés sur les marchés de l'entrée et des crânes trônaient au sommet de la porte béante. Une musique tonitruante me perçait Les tympans et une voix résonnait.

“Faites place! La dame arrive et ce soir-là Woriahall accueille encore une fois de téméraires guerriers ! Approchez vous n'ayez pas peur cher concitoyens, profitez. Participez pour la gloire et les récompenses. Réglez vos querelles ou prouvez votre valeur à la Dame ainsi qu'au reste de Setnan!"

 Une arène était creusée au centre du bâtiment, il fallait descendre quelques marches pour y accéder ce qui donnait au public une vue imprenable sur les combats. Le sable était d'une couleur plus foncée qu'à la normale, une teinte qui était sûrement dû au sang et à la sueur versée ici. Les meilleures places étaient celles de la mezzanine, deux escaliers latéraux permettait d'y accéder et seul un siège y était présent. En regardant plus attentivement le siège avait tout d'un trône, de larges accoudoirs plat aux angles droit, un dossier plus haut que n'importe quel dos qui pourrait s'y reposer. Un étrange symbole gravé à même le métal battait d'un bleu vif, comme un cœur au repos. L'assise, elle, était assez large pour laisser deux hommes s'asseoir et un troisième pouvait essayer.

Une fois la salle comble un silence de mort tomba sur l'assemblée, les badaux baissèrent la tête et la main de Bragi sur l'arrière de mon crâne me poussa à faire de même. La Dame faisait son entrée. Je n'ai pu remarquer par où elle était entrée, une mise en scène bien mystérieuse, probablement pour faire monter la pression parmi la foule. D'une taille moyenne, mais d'un charisme indéniable, elle naviguait entre les citoyens comme si elle flottait au-dessus du sol. La grâce de ses mouvements avait quelque chose d'hypnotique, je ne pouvais m'empêcher de la contempler. Ses longues jambes la portaient avec puissance et l'on pouvait deviner une certaine maîtrise lorsqu'elle gravit les escaliers. Son bras droit synthétique n'avait rien à voir avec la technologie militaire aperçue jusqu'alors, ses articulations avaient été remplacées par des bobines magnétiques sous pression et ses phalanges montraient des séparations nettes. Son visage, d'une douceur étonnante, était entouré par un système neural assez discret pour ne pas choquer mais trop peu pour être invisible, le réseau courait des tempes jusqu'à l'occipital presque comme une tiare. Ses cheveux auburn, raz sur les côtés du crâne formait une tresse plaquée sur le sommet de son crâne et se terminant en nattes jusqu'aux épaules, laissant apparaître fièrement les implants, comme un signe de puissance. Son visage n'était marqué que très légèrement par les rides, elle devait être jeune, trente ans tout au plus et pourtant ses yeux reflétaient une certaine lassitude, une sagesse qu'on ne peut obtenir qu'à force de combats et d'épreuves. Lorsqu'elle atteignit enfin son trône la foule cria et Bragi et Wol'uh me traînèrent au centre de l'arène. La Dame nous fixait du regard, je la fixait en retour. Loin des atours d'une dame son armure était guerrière et pratique, je croyais reconnaître une armure Takehi urbaine. Je me demandais encore une fois d'où me venait ces informations mais la Dame s'adressa à Wol'uh.

  • Alors Wol'uh, on m'a annoncé que tu avais une surprise pour moi? Est-ce vrai? Son expression était impassible et sa façon de s'exprimer en plein désaccord avec son apparence.
  • Oui ma Dame, un homme trouvé dans la forêt des terres mortes. Il me poussa en avant la tête baissée.
  • Tiens donc. Et en quoi pourrait-il être si spécial qu'il soit considéré comme une surprise?
  • Ma dame, il était nu comme un vers, il dit ne pas savoir qui il est ni où nous sommes. Rien, il prétend ne rien savoir de notre monde et pourtant il connaissait les manipulations d'enregistrement. Il à pu marcher pied nu tout le long de la route traîné par l'holojet. Tout ça sans même transpirer où se plaindre. Il parle trop bien pour un tripper mais peut être qu'il peut se battre?
  • Est-ce vrai? Elle me fixa de ses yeux noirs si intensément que j'ai eu l'impression d'être scanner. C'était peut être le cas.
  • Oui, ai-je alors dit en détournant le regard. Je ne sais qui je suis,ni même où nous sommes et pourtant je reconnais toutes choses ici ou ailleurs.
  • Tu ne sais donc pas ce qui nous sommes, ce que nous faisons mais tu connais les codes d'enregistrement de nos ponts?
  • En effet, le terminal sur lequel Wol'uh travaillait est un MK-343 et le protocole 3-W0-K permet le déverrouillage utilisateur de la matrice de d'enregistrement. Les mots filaient, aussi rapides et naturels qu'une onde sur la surface de l'eau.

La Dame relevait un sourcil sur son front doré.

  • Intéressant, ton instinct te dicte donc tes actes et tout n'est que coïncidences?
  • On peut dire ça, oui.
  • Parfait. Je n'ai guère le temps de me prêter à ton jeu. Nous verrons si ton instinct te guide toujours.

Elle releva la main dans un geste de laisser aller, dépoussiérant une surface invisible devant elle.

  • Faites entrer un combattant. Dit-elle simplement.

 La foule cria et les murs semblaient trembler sous les coups de pieds et rugissements de ces hommes et femmes en pleine euphorie. Tous levèrent le poing au ciel dans un seul geste et tout autour de moi n'était plus que joie et excitation, même Wol'uh avait laissé tombé le masque d'apparat qu'il avait revêtu pour parler à la Dame. Il me laissa seul, agenouillé au centre de l'arène tandis qu'un homme de taille moyenne croisait son chemin pour me rejoindre.

L'homme n'avait pas l'air d'être un combattant expérimenté, il n'y avait pas de cicatrices visibles sur son corps qui, malgré tout, était assez musclé. Je ne voyais pas de synthétique,ni d'implants sur son corps. Seulement des tatouages parcourant son torse du dessous des pectoraux jusqu'au cou. Un ensemble d'écritures et de symboles aux significations qui m'étaient inconnues. Son visage dur était couvert d'une barbe qui je dois l'avouer avait l'air plus entretenu que le bonhomme, quelques perles étaient arrangées au bouts de courtes tresses. Son nez épais et bossu témoignage d'une ancienne cassure se retroussait sur lui même son les saccades de sa respiration. Ses yeux plissé me fixaient avec vigueur et l'on pouvait apercevoir, dansant derrière ses iris d'un bleu pâle, la flamme d'un désir de sang.

La voix retentit de nouveau.

" Nous y sommes très chers amis, le tripper des zones mortes affrontera, par décision de la Dame en personne, l'un des guerriers les plus suivis ces derniers temps. L'étoile montante de notre Woriahall. Rappelez vous, 5 combats, 1 blessure, 0 défaite… Tyrsn!

Bien…

Nous avouons que le défi est grand pour notre invité, n'est ce pas ? Peut-être aurait-il dû y réfléchir à deux fois avant la dose de trop? Est-ce une punition juste, les amis?"

La foule en délire acquiesça dans un tonnerre d'applaudissements et de cris. Quoi que soit la dose ou les trippers, ils ne sont apparemment pas bien vus ici.

La situation me semblait désespérée, j'étais là, agenouillé la tête basse contemplant l'instrument de ma mort. Toute cette journée fût un cauchemar et je n'avais pas même la force de m'en plaindre. J'étais dépassé, en état de choc, je ne pouvais que le résigner et accepter mon sort. Mon éveil était une belle journée pour mourir pensais-je en laissant vagabonder mon esprit. J'ai cru entendre la Dame prononcer quelques mots mais les son autour de moi étaient déjà loin, ma vision se troublait et je me sentais glisser au fond de moi-même, recroquevillé en position foetale dans les abîmes.

Soudain, une écrasante douleur m'arracha à ma torpeur, une botte venait de me frapper le menton. Je fis volte face et mon dos s'écrasa sur le sol, lorsque l'arrière de mon crâne heurta le sable brun ma vision était déjà plus que troublée. Les spot lumineux au plafond se rassemblaient en une bouillie floue. L'envie de vomir et la toux vinrent immédiatement après que Tyrsn ne s'assoie sur mon ventre, ses genoux bloquant mes bras au niveau des coudes, il leva les mains en signe de victoire et fit mine de demander plus de bruit à la foule. Son sourire bea devant mon corps inerte puis sa lourde main sur mon visage, s'abattant comme une pierre tomberait d'une montagne dans un lac, un sifflement dans mes oreilles et puis le noir. Mon esprit encore une fois sombrait, plus loin encore, différemment, je sentais mes forces me quitter et, pour ce qui semblait une éternité je flottais à nouveau dans le liquide chaud et visqueux de la cuve.

“Réveille toi Hego, je t'ai trouvé.”

La voix d'une fillette résonnait en moi, elle le tira des abysses qui était pourtant si confortables, je lui en voulait presque.

“Hego, lèves-toi, maintenant.”

Ses derniers mots achevèrent ma remontée et lorsque j'ai fendu la surface de mes profondeurs je repris mes esprits. C'était comme avoir plongé depuis les hauteurs d'une falaise dans l'eau glaciale d'une mer calme, et d'être remonter à la surface sans jamais n'avoir cessé de plonger.

 Tyrsn s'était relevé et faisait maintenant les cents pas autour de moi, longeant la bordure de l'arène et faisant monter encore d'un cran les attentes de la foule. Un vrai showman. La Dame amusée nous regardait avec concentration. J'étais calme, beaucoup trop calme et sans comprendre comment je me suis relevé, j'ai fait mine de dépoussiérer mon pantalon et me suis tenu droit devant Tyrsn. La foule s'arrêta un instant avant de reprendre son incessant vacarme.

"Wooh, on dirait bien que le tripper n'est pas si mauvais! Tyrsn fais nous plaisir veux-tu?"

La brute frappa ses mains l'une contre l'autre et haussa les épaules d'un geste désinvolte mais arrogant. Il se rua vers moi, il était lent, plus que tout à l'heure. Il voulu atteindre mes côtes mais d'un pas en avant javais cassés la distance et il ne réussi qu'à le claquer le dos. Comme une tape amicale. Nos torses maintenant collé il recula et mon coude droit frappa sa tempe gauche. Tyrsn tomba droit comme un i sur le sol poussiéreux, un vague nuage frappant alors mes jambes. Le silence qui habitait maintenant l'arène accompagnait le malaise général. Le repos fut bref et bientôt l'assemblée se remit à crier de plus belle. L'émulsion ainsi créée me surprenait plus encore que mes récentes prouesses. Je venais de battre un de leurs champions et pourtant je ne ressentais aucune animosité à mon égard, seulement la joie d'avoir eu un spectacle.

"Incroyable ! Qui s'en serait douté ? Notre tripper semble être un expert en combat à mains nues! Féliciter le comme il se doit, très chers amis!"

Derrière moi, la silhouette de Tyrsn se relevait déjà et une autre s'échappait du centre de l'arène, un medic. Le vaincu s'approcha alors de moi pour me prendre la main et la lever en l'air, reconnaissant ainsi ma victoire.

  • Très beau geste l'ami, tu m'as bien eu! On remet ça quand tu veux. Dit-il en riant.
  • Je n'espère pas, ai-je concédé en souriant.

La Dame se releva et ses mains parcoururent la foule comme on passe ses mains sur l'herbe pour en apprécier la douceur. Tout le monde se tue.

  • Comment t'appelles tu,tripper ?
  • Hego… je crois.
  • Es-tu réellement un tripper ?
  • Je ne sais même pas ce qu'est un tripper, ma Dame.

Elle réfléchit un instant, croisant les bras et se frottant le menton de l'index gauche.

  • Il est clair que tu es capable de prouesses au combat, personne n'avait encore vaincu Tyrsn dans la Woriahall. Quelle était cette technique de combat?
  • Mon instinct ? Ai-je demandé avec un brin de moquerie dans la voix. Il était clair que je ne pouvais pas parler de ce qui c'était passé.

Elle sourit l'air amusé avant de reprendre une expression neutre mais autoritaire.

  • Veux-tu rester parmi nous? Comme tu as pu le constater, la force fait ici la valeur de l'individu. Et de la valeur, tu n'en manque pas il me semble.

Je n'avais nul part où aller d'autre, cette proposition n'en était en réalité pas une, j'ai donc hoché la tête pour dire oui.

  • Bien, c'est entendu. Dès demain tu rejoindras ma garde personnelle, assure toi d'être prêt. Wol'uh qui t'as trouvé sera ton guide dans la cité, il t'accompagnera aux quartiers communs pour l'instant et s'assurera que tu ne manques de rien.

Elle se leva et disparut derrière l'immense dossier de son siège.

L'assemblée remplit la salle d'une cacophonie assourdissante, signe d'approbation et de surprise.

Wol'uh était maintenant à mes côtés, un guide ? Un garde plutôt, j'en étais persuadé mais je ne pouvais m'en plaindre.

J'avais maintenant ma place au sein d'une cité inconnue. La garde royale.

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