Chapitre 26

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Ma tête, j'ai tellement mal à la tête. C'est une horreur.

J'ouvre doucement les yeux, ma vue est floue. J'ai l'impression d'être plongé dans l'eau et il me faut quelques minutes pour me remettre complètement. Mon premier réflexe est de bouger. Je sens une résistance, je suis attaché !

Je regarde autour de moi, un peu perdu. Je ne vois Gabriel nulle part et je m'inquiète immédiatement. Je ne sais pas où je suis mais savoir qu'il peut lui arriver n'importe quoi me tord le ventre.

Je me débats pour essayer de me défaire de mes liens mais les cordes sont trop épaisses :

- Gab où es-tu ?!!! crié-je en tentant désespérément de me libérer.

- Calme-toi tu vas te blesser.

Je me fige en entendant cette voix. C'est celle d'une femme et lorsque je tourne la tête, je me retrouve nez à nez avec une jeune beauté. Même pour moi qui préfère les hommes, je dois avouer qu'elle est à couper le souffle. Sa peau est noire comme la nuit, ses yeux d'un vert intense et ses cheveux d'un noir profond sont ondulés. Son visage est doux, tendre, et il me donne envie de lui faire confiance. Ce que j'aurais sans doute fait si je n'étais pas ligoté comme un saucisson.

Elle se recule et je peux mieux la regarder, elle n'est pas très vêtue, elle porte en tout et pour tout vêtement : une simple bande de tissus à la poitrine et à la taille :

- Je peux savoir où je suis ? Où est Gabriel ? Et qui êtes-vous d'abord ?

- Je m'appelle Anya, et tu te trouves actuellement dans ma maison, répond-elle d'une voix qui se veut rassurante.

Ma vue revenue, je peux enfin détailler la pièce qui est taillée du même bois que le peu de meubles présents et moi, je suis saucissonné sur une chaise :

- Quant à ton ami blond, c'est un étranger, il sera offert ce soir en sacrifice à nos dieux, pour qu'ils le punissent d'avoir souillé notre monde sacré de ses pieds et pour ainsi lui montrer notre dévotion pour eux.

- Quoi ?! Vous rigolez ! Vous ne pouvez pas le tuer enfin, c'est mon petit ami !

- Oh, c'est regrettable, mais cela ne nous empêchera en rien de le faire. Quant à toi, nous allons te garder pour que tu nous donnes des petits.

- Quoi !!!! crié-je en écarquillant les yeux de stupeur.

Je n'arrive pas à y croire, elle compte faire de moi un réservoir à sperme ! Ce n'est pas possible !

- Vous ne pouvez pas faire ça ! Je suis le fils du roi Damen !

Son visage se ferme un peu quand elle entend cela, aurais-je touché une corde sensible ? Elle s'approche de moi, ses pupilles fendues et je reconnais son aura de lionne, sans doute une dominante :

- Je suis désolée de te l'apprendre petit prince, mais nous ne reconnaissons pas l'autorité du roi, nous n'obéissons qu'aux dieux et à personne d'autre. Quand notre espèce est arrivée ici, nous nous sommes isolés et avons construit ce village à l'écart des autres car nous avons toujours eu notre propre culture et croyances et il n'a pas été question que ça change après notre départ de l'autre monde.

- Mais pourquoi ne pas aussi garder Gabriel pour vous faire des enfants ! Vous ne pouvez pas le tuer !

- Je refuse que les filles de mon clan procréent avec un étranger. Notre sang doit rester pur et c'est pour cela que je ne garde que toi. Tu as beau ne pas être un lion, tu restes quand même un Thérianthrope et tu nous donneras des enfants forts !

D'accord, en gros je vais servir d'esclave sexuel ayant pour seule fonction de faire des enfants. Super quelle belle perspective d'avenir ! Enfin, façon de parler car si elle ne nous relâche pas, ce monde sera détruit :

- Anya, il faut absolument que tu nous laisses partir. Si tu ne le fais pas, tu condamnes cet endroit à disparaître ! Deux hommes vont essayer de voler Ylvasydreïl pour s'approprier les pouvoirs de Freyr et Anima et s'ils y arrivent cela provoquera la fin de ce monde !

Ses délicats sourcils se froncent encore plus à mes paroles. Je pense bien qu'elle ne me croit pas une seule seconde :

- Tu dis n'importe quoi, Ylvasydreïl ne peut être utilisée que par les Dieux ! Tu crois vraiment que c'est en inventant ce genre de mensonge que tu réussiras à vous libérer toi et ton ami ? dit-elle en ricanant.

Je soupire d'exaspération. Comment faire pour la convaincre ?

- Écoute je te jure que je dis la vérité ! Je sais que ça a l'air dingue dit comme ça, mais je ne pourrais pas mentir sur ce fait d'une importance capitale pour l'humanité :

- Je refuse d'écouter les mensonges qui sortent de ta bouche. Tu as de la chance d'être un Thérianthrope car sinon je te donnerais aussi en sacrifice aux Dieux !

Elle tourne les talons et sort de la cabane, me laissant seul et attaché, impuissant et mort d'angoisse pour Gabriel :

- Fais chier !

Je respire un grand coup pour retrouver mon calme, il faut que je trouve une solution pour nous sortir de là, de préférence avant que Gabriel ne devienne une offrande ! La seule solution qui me vient à l'esprit est d'attendre d'être debout, ainsi je pourrais essayer de me libérer et se sera plus facile que si je reste assis.

Mais voilà, comment faire pour me lever alors que je suis prisonnier de cette chaise ?

Je sens le découragement m'envahir, je n'ai qu'une seule envie, m'endormir et ne plus jamais me réveiller. Ou bien si, le faire, mais dans un lit avec Gabriel au Quartier Général de son gang, comme si tout cela n'était qu'un horrible cauchemar.

Je ferme fort les yeux dans l'espoir de me retrouver dans les bras de mon blond, allongé sur un matelas moelleux, mais quand je les rouvre j'ai le malheur de constater que le décor n'a pas changé d'un pouce.

Je reste un long moment, seul, sans que rien ne bouge ou que personne n'entre dans la cabane. J'entends parfois des bruits dehors, des rires, des gens qui parlent, des enfants. La seule mesure du temps qui passe est la course des soleils dans le ciel. Plus la nuit approche, plus la boule d'angoisse dans mon ventre grandit. Bientôt Gabriel sera sacrifié et je n'ai pas l'once d'une idée géniale pour nous sortir de ce mauvais pas.

Soudain, la porte s'ouvre et une autre jeune fille entre. Elle ressemble beaucoup à Anya, mais ses cheveux sont plus courts, elle est plus petite et plus menue. Lorsqu'elle s'approche de moi, je n'arrive pas à m'empêcher de montrer les crocs :

- Qui es-tu ? grondé-je de manière menaçante.

Elle se fige, surprise par mon agressivité et elle s'approche tout doucement de moi comme si j'étais un animal sauvage :

- Je m'appelle Halëy. Je ne vais pas te faire de mal, je suis venue pour te libérer, toi ainsi que ton ami blond.

J'écarquille les yeux en entendant ses paroles. Elle est venue pour m'aider ? Comment est-ce possible ? Qu'est-ce qu'elle a à y gagner ?

- Pourquoi fais-tu cela ? Anya ne va pas être en colère si tu nous libères ?

- Si, terriblement même. Mais je n'ai pas vraiment le choix, tu ne vas sans doute pas me croire mais les Dieux m'ont dit de vous aider à vous enfuir.

Je ne sais pas trop comment réagir, je me méfie. Certes elle a l'air totalement sincère mais qui me dit que ce n'est pas une ruse avec une arrière-pensée ? Mais difficile de résister devant son offre, surtout que la nuit est presque totalement tombée et il ne reste plus beaucoup de temps à mon amoureux. C'est sans doute ma seule et unique chance d'empêcher sa mort :

- Très bien je te crois, mais dépêche-toi il faut empêcher qu'Anya sacrifie Gabriel !

Elle hoche la tête et s'approche, sortant ses griffes pour couper les cordes et elle m'aide à me lever. Mes muscles sont raides après autant de temps passé dans la même position sans pouvoir bouger et je m'étire avant de la regarder :

- Suis-moi, murmure-t-elle dans un souffle.

Elle sort de la cabane et je lui emboite le pas. Je me retrouve rapidement devant une grande place sur laquelle brûle un énorme brasier.

Il y a de nombreuses femmes réunies autour, ainsi que quelques hommes, même s'ils sont moins nombreux que ces demoiselles.

Puis je le vois. Mon Gabriel, à moitié nu, allongé sur un autel en pierre. Il a l'air amorphe et je regarde Halëy. Elle semble lire mon angoisse dans mon regard car elle m'explique :

- Il a bu une boisson spéciale qui le fait planer. Il n'a pas conscience de ce qu'il se passe et ne ressent pas la douleur. C'est pour rendre le sacrifice moins pénible pour lui.

Je ne sais pas si cette information doit me rassurer ou non, parce que je vais non seulement devoir porter les deux sacs, mais en plus m'occuper de mon amoureux. C'est pas gagné :

- Qu'est-ce que tu comptes faire pour les empêcher de le tuer ? Je ne suis pas sûr qu'Anya soit très ouverte à l'idée de laisser son sacrifice mensuel se barrer ! lâché-je avec amertume.

- Je sais, mais je vais tout de même tenter de la raisonner et si ça ne marche pas, je la défierais en duel. Tous les regards seront braqués sur nous. Tu devras en profiter pour t'échapper avec ton ami. Vos sacs vous attendent à quelques kilomètres au nord, près d'une rivière.

Je hoche la tête, je suis un peu tranquilisé par le fait que pour le moment je n'aurais que Gabriel à porter.

Je vois Anya qui s'approche de Gabriel, un poignard finement ciselé à la main et sa voix s'élève haut dans le ciel :

- Mes chers frères et sœurs, ce soir nous allons offrir ce jeune homme en sacrifice aux Dieux afin de leur montrer notre dévotion et notre amour pour eux. Puisse l'âme de celui-ci reposer en paix et qu'il soit fier d'être mort en l'honneur de Freyr et Anima !

Elle commence à abaisser la lame, droit sur le cœur du Nephilim :

- Anya arrête !!!! crie sa sœur.

La jeune femme se fige, la lame à quelques centimètres du torse de mon amoureux et elle fronce les sourcils quand elle me voit :

- Halëy ! Comment as-tu osé libérer notre prisonnier ? !

Anya est sans aucun doute l'Alpha, je sens son aura jusqu'ici. La jeune femme à mes côtés tremble, et respire un grand coup puis elle se dirige sans peur vers la lionne :

- Je l'ai fait pour notre bien à tous ! Il fait partie de la prédiction !

- Quelle prédiction ?!

Tout le monde s'est écarté pour laisser les deux jeunes femmes se tenir tête. Maintenant que je les vois l'une près de l'autre, aucun doute n'est possible, elles font partie de la même famille :

- Celle qui a annoncé la possible fin de notre monde ! Ils sont là pour le sauver et si tu continues sur le chemin que tu prends, on mourra tous par ta faute !

- Tu es folle ! Tes visions ne sont que des hallucinations !

Ces mots semblent profondément blesser Halëy, mais elle se ressaisit rapidement tout en serrant les poings :

- Il n'y a pas si longtemps que ça, tu disais le contraire, que mes dons étaient une bénédiction des Dieux. Mais depuis que je t'ai alertée de la destruction éventuelle de notre monde, ils sont tout à coup devenus une malédiction, une punition divine. Alors quoi ? Tu ne les admettras que lorsque je t'annoncerai de bonnes nouvelles ? Mais sache que si tu ne changes pas rapidement d'avis, il n'y aura plus de bonnes nouvelles à entendre.

- Pourquoi devrais-je te croire ? Qui me dit que tu ne me mens pas ? lâche Anya avec rage.

- T'ai-je déjà menti ? Me suis-je déjà trompée sur l'une de mes visions ? J'ai vu juste lors de la Grande Sécheresse, et quand j'ai prédit qu'il y aurait peu d'hommes dans notre clan pour les années à venir. Je ne me suis pas trompée quand j'ai prophétisé que les Dieux allaient créer un monde rien que pour nous, ni quand je t'ai annoncé que tu mettrais au monde un petit garçon l'année dernière. Alors « Grande sœur », vas-tu continuer à te voiler la face ou bien vas-tu enfin te décider à regarder la réalité en face ?

Le visage d'Anya se décompose lentement, elle semble peu à peu prendre conscience ce que dit sa petite sœur, car c'est ce qu'Halëy dit, n'est autre que la vérité. Puis celle-ci décide d'enfoncer encore plus le clou :

- Tu as deux solutions, soit tu refuses de m'écouter et à cause de ton obstination nous mourrons tous. Soit tu les laisses partir et ainsi tu fais ce qu'un Alpha doit faire : protéger sa meute !

Anya semble choquée et aussi assez perturbée. Cependant ses émotions disparaissent assez rapidement de son visage et elle retrouve son air neutre et sûr d'elle :

- Très bien, je décide de te faire confiance et d'accorder de l'importance à tes visions. J'espère que tu sais ce que tu fais car je ne veux pas avoir à regretter mon geste.

Elle plante le poignard dans la pierre :

- Que tout le monde rentre chez lui ! Le spectacle est fini !

Les personnes présentes se dépêchent de lui obéir et elle lance un long regard à sa sœur avant d'enfin se tourner vers moi :

- Ton ami se remettra des effets du sédatif d'ici quelques heures. Maintenant pars, il me semble que tu es pressé non ?

Je hoche la tête et soulève doucement Gabriel dans mes bras, il grogne un peu mais ne proteste pas et je la remercie avant de me tourner vers Halëy :

- Merci de nous avoir aidés, sans toi nous étions tous perdus.

Elle me sourit et je pars en courant, en serrant mon amoureux dans mes bras.

Comme prédit par Halëy, après quelques kilomètres, j'arrive près d'une rivière et nos sacs nous attendent, cachés dans des buissons.

Je regarde Gabriel qui plane toujours et je l'installe confortablement dans un sac de couchage avant de faire de même et je le tiens fort dans mes bras. J'espère que nous avons encore le temps d'arriver à la montagne avant les deux hommes.

Je ne réalise à quel point je suis épuisé que quand je ferme les yeux et je me laisse volontiers glisser dans un sommeil profond, mon blondinet serré contre moi.

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