Chapitre 14

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J'ai l'impression que le temps ralentit, tout va soudainement plus lentement. Les paroles, les gestes.

Gabriel tourne sa tête vers moi, je lis beaucoup de choses dans son regard, mais l'étonnement, l'incompréhension et la colère sont celles qui dominent le plus. Je me lève d'un coup, je le vois en faire de même. J'ai l'impression de me déplacer dans de l'eau, que tous mes mouvements sont lents.

Sans même que je ne me rende compte, j'ai déjà commencé à reculer vers la sortie et Gabriel me regarde avec l'air de dire « tu ne t'en tireras pas comme ça ».

Puis le temps revient à la normale, je pars en courant sans même prendre la peine de regarder si Gabriel ou même son frère me suit.

Je ne sais pas pourquoi je cavale comme un dératé, c'est stupide et je le sais, je ne pourrais pas me sauver et Gabriel finira sans aucun doute par me retrouver peu importe où je me cache.

Mais je ne m'arrête pas, je continue ma course effrénée à travers les couloirs de la maison et je me dirige d'instinct vers la chambre que je partage avec l'ange déchu.

Une fois dans la pièce, je me précipite vers mon sac à dos dans lequel je commence à fourrer toutes mes affaires. Normalement il est toujours prêt pour le cas où je devrais partir précipitamment. Je regrette de l'avoir vidé, de m'être senti assez à l'aise pour baisser ma garde à ce point. C'est pourtant l'une des premières choses que j'ai apprise quand je suis devenu orphelin, être prêt et sur ses gardes !

Je boucle enfin mon paquetage, quand je me sens ceinturé par derrière.

Je me débats de toutes mes forces en criant, je sens la peur m'envahir. Je suis terrorisé. Ce n'est pas normal, cela ne devrait pas être le cas :

- Killian calme-toi ! Il faut qu'on parle ! lâche Gabriel en me tenant collé contre lui.

Je me débats de plus belle, sortant les griffes et les crocs pour le mordre et le griffer, essayant de faire en sorte qu'il me lâche, mais peine perdue. Il me plaque sur le lit, ses bras ruissèlent de sang mais il s'en fiche :

- Killian je ne sais pas ce qu'il se passe mais je veux des explications !

Je finis par arrêter de gigoter comme un animal enragé, ça ne sert à rien puisqu'il est plus fort que moi. De plus ses plaies se sont presque refermées maintenant. Seulement je ne sais pas pourquoi je reste muet de peur :

- Alors ? Qu'est-ce que ça veut dire ? insiste-t-il en me tenant toujours.

Il me montre une nouvelle fois les photos des deux cadavres et je sens la bile me monter dans la bouche. Je ne réponds toujours pas. Je crois que j'ai peur de ce qu'il pourrait penser de moi, ça ne devrait pas avoir d'importance pourtant, mais aussi étrange que cela puisse paraître ça en a et je ne veux pas qu'il pense que je suis un criminel qui est poursuivi ou un truc du genre.

Il semble comprendre que je ne dirais pas le moindre mot car il soupire et se redresse un peu tout en restant à califourchon sur moi. Malgré la situation, notre position me donne des idées libidineuses que je m'efforce de chasser ma tête. Ce n'est pas le moment !

Son frère nous regarde sans rien dire, son visage est soucieux. Se fait-il de la bile pour moi ? Ou bien pour son frère car il vient de comprendre que je pourrais être un danger pour lui ? Un long moment passe sans que personne n'ose parler et finalement Gabriel m'interpelle encore une fois :

- Écoute Killian, je ne connais pas ton passé, ni ta vie, mais si tu as des problèmes il faut que tu me le dises. Parce que je suis sûr que les types qui ont fait ça ne vont pas en rester là et il paraît évident que c'est toi qu'ils veulent. Je peux t'assurer que personne ne te fera de mal tant que tu seras sous ma protection. Mais si tu ne m'en dis pas plus sur toi je ne pourrais pas te protéger correctement, dit-il d'une voix très douce.

Je le regarde avec suspicion, cette histoire vient de me rappeler que personne n'est mon allié et que je dois me méfier de tout le monde parce qu'au final ils auront beau dire le contraire, ils peuvent me trahir à tout moment. Je ne peux me fier à quiconque :

- Pourquoi est-ce que tu veux me protéger ? Pourquoi est-ce que je devrais te faire confiance ? Je te signale que tu m'as kidnappé et que tu me retiens prisonnier contre ma volonté !

- En effet, mais toi tu as tué deux de mes hommes, même si c'était un accident, je devrais te mettre à mort pour ça. Cependant je ne l'ai pas fait, au contraire, j'ai même empêché les autres de te faire du mal. Je pense que ta méfiance envers moi est injustifiée, parce que depuis que tu es ici, tu n'es pas maltraité, ni frappé. Tu es traité comme un roi et personne ne te menace.

Il a raison, cela devient une habitude. Je crois que le pire dans tout ça c'est que je lui fais complètement confiance. Cela ne sert à rien de me leurrer ! Cependant jusqu'où devrais-je lui révéler la vérité sur moi ? Et après voudra-t-il encore me protéger ? Voudra-t-il mettre tout son gang en danger pour moi ? Je ne pense pas et je crois que dans un sens, c'est cela qui me fait peur : qu'il ne veuille plus de moi. Ça me fait mal de l'avouer mais je crois que je me suis attaché à lui, même s'il m'énerve et que j'ai tout le temps envie de le tuer.

Les deux frères ne m'ont pas quitté, des yeux, sans doute attendent-ils que je réagisse. Mais j'hésite toujours. Ce n'est qu'après un long moment de silence que je me décide à leur annoncer :

- D'accord vous avez gagné, je vais vous expliquer, lâché-je avec résignation.

Gabriel arbore un sourire vainqueur et l'envie de lui ouvrir la gorge me prend de nouveau, j'ai encore l'impression de m'être fait avoir comme un idiot :

- Nous t'écoutons Killian, dit l'ange avec douceur.

Azraël me sourit et je me sens tout de suite mieux, heureusement qu'il est là. Il vient s'asseoir près de moi pendant que Gabriel tire une chaise pour s'y installer :

- Alors qui sont ceux qui on fait ça et pourquoi ?

Je prends une grande inspiration. Je sais que ça va raviver des souvenirs douloureux que je n'ai pas forcément envie de me remémorer, mais je n'ai plus d'alternative possible :

- Alors par où commencer ? Je pense que tant qu'à faire, autant démarrer par le tout début. Je t'ai dit que j'appartenais à la race des Thérianthropes, des animaux qui peuvent se transformer en humains grâce à Anima le Dieu des Animaux, mais ce que tu ne sais pas c'est qu'il nous a donné un pouvoir qui nous permet de dominer n'importe quelle autre race. En effet, Anima a bien vite réalisé que par rapport aux Vampires, Anges, Démons, Élémentaires et autres, nous ne faisions pas le poids et que nous allions sans arrêt nous faire dominer. Alors pour remédier à notre faiblesse, il nous a offert la faculté de devenir assez puissants pour tuer Satan en personne. Ce pouvoir s'appelle Nanthar Mëar, ou Destruction Sanguine dans notre langue. Il nous permet de développer totalement toutes nos capacités physiques et mentales, à tel point que nous devenons invincibles. Mais comme son nom l'indique, pendant que nous l'utilisons, notre sang circule à une telle vitesse dans notre corps qu'au bout d'un moment, les globules rouges finissent par se désintégrer et détruire notre corps.

Ils me regardent, les yeux ronds comme des soucoupes. Je peux comprendre leur réaction, j'ai eu la même quand m'a mère m'a expliqué ce phénomène pour la première fois :

-Alors, vous finissez pas mourir ? questionne Azraël avec horreur.

- Oui, sauf si on s'arrête à temps, avant que notre corps n'ait atteint un seuil fatidique. En plus, il est impossible de mesurer précisément quand on le fait car cette limite est différente pour chaque personne. Et pour finir les explications, il faut toujours un certain temps avant de pouvoir de nouveau utiliser notre pouvoir.

-Je vois, mais quel est le rapport entre ça et les meurtres de deux de mes hommes ?

Je me mords la lèvre, je n'ai pas envie d'en parler, maintenant que j'ai commencé, autant finir non ?

- Comme je te l'ai dit, les Thérianthropes ont fini par se mêler aux humains, créant ainsi les Lycanthropes. Mais voilà, ils ne savent pas utiliser ce pouvoir et plus le temps a passé, plus ils sont devenus jaloux de nous. Ils ont plusieurs fois tenté de nous le voler pour l'apprendre et s'en servir pour dominer les autres races. Les miens se sont alors enfuis dans un endroit secret, que même moi je ne connais pas :

- Mais tu es un Thérianthrope non ? Comment ça se fait que tu ne sois pas parti avec eux ? m'interroge Gabriel.

- Je n'étais qu'un petit garçon quand c'est arrivé. Mon père s'est sauvé mais ma mère ne voulait pas partir de chez nous et elle m'a gardé avec elle. Ceux qui ont tué tes hommes, ils m'ont aussi pris ma mère quand j'avais cinq ans. C'est une meute de loups-garous, la plus puissante du pays, elle n'a pas cessé de me poursuivre depuis la mort de ma mère. Je suis le dernier de mon espèce sur lequel ils peuvent mettre la main. Tous les autres se sont enfuis pour se terrer à l'abri.

- C'est pour ça qu'ils veulent te capturer, pour te forcer à leur apprendre à se servir de Destruction Sanguine et soumettre toutes les autres espèces, conclut l'ange déchu.

Je hoche la tête en regardant Gabriel. Bien sûr, sa déduction est rapide , il est toujours aussi perspicace :

- Oui, je n'ai pas arrêté de fuir depuis que je suis petit. Je pensais qu'en venant à Dark City, ils mettraient plus de temps à retrouver ma trace vu qu'en ville il y a plus de créatures surnaturelles que d'humains. Apparemment je me suis trompé.

Je les regarde, la tête basse, je vois bien qu'ils sont pensifs, ils doivent sans doute se demander ce qu'ils vont faire de moi. Vont-ils m'abandonner à mon sort pour être certains que plus personne ne mourra pas ma faute ?

- Je vais vous attirer des ennuis si je reste avec vous. Ils ne s'arrêteront pas de tuer tant que je serais en ville. La seule solution pour éviter qu'ils commettent d'autres massacres est que je quitte la ville.

- Pas question ! proteste le plus démoniaque des deux frères.

Azraël et moi regardons Gabriel avec des yeux écarquillés. Il a crié sans s'en rendre compte et il fronce les sourcils, signe d'une très grande colère :

- J'ai promis que je te protégerais et c'est ce que je ferais même si je dois y perdre tout mon gang ! Personne n'a le droit de te faire du mal et je ne supporterais pas que des stupides chiens te touchent !

Je suis choqué par son comportement, il vient vraiment de dire qu'il était prêt à mettre tout son gang en péril pour me protéger moi alors qu'il ne me connaît pas ? Il n'a aucune raison de faire ça :

- Mais, pourquoi ? Ça ne te rapportera rien si ce n'est la mort de tes hommes, et puis je ne représente rien pour toi alors pourquoi tous les mettre en danger ?

Il se tourne vers son frère qui n'a pas bougé d'un poil. Je n'arrive pas à lire l'expression sur le visage de l'ange, il semble perplexe mais en même temps heureux, c'est dur à définir :

- Az, tu veux bien nous laisser s'il te plaît ?

L'ange se lève en hochant la tête, un petit sourire sur le visage et il sort en fermant la porte derrière lui. Je ne sais pas ce que prépare le déchu mais je ne suis pas très sûr de vouloir rester seul avec lui.

Il se lève et s'approche de moi. L'air de la chambre change d'un coup et devient lourd et rempli de désirs :

- Gabriel, que f...

Je n'ai pas le temps de finir de poser ma question car je me retrouve soudainement plaqué au lit, le blond au-dessus de moi :

- Tu veux que je te dise pourquoi je refuse de te laisser partir petit chat ? demande-t-il d'une voix devenue sensuelle.

Je déglutis, ses yeux brillent d'envie et de convoitise, j'ai bien une idée de la raison de son refus. L'une de ses mains me tient les poignets au-dessus de la tête pendant que l'autre se glisse sous mon haut, m'arrachant des frissons :

- Alors ? Tu veux connaître la réponse oui ou non ?

Sa voix est chaude, chargée de luxure et je frissonne encore plus quand sa main entreprend de venir titiller mes boutons de chair :

- Oui...

Un sourire que je n'arrive pas à identifier se dessine lentement sur ses lèvres, ma déclaration a l'air de le rendre heureux :

- Parce que je veux que tu m'appartiennes, que tu ne sois qu'à moi.

Je fronce les sourcils en entendant ce qu'il vient de dire, il veut que je sois son jouet sexuel c'est ça ?

- Tu te fous de moi ? Tu veux que je reste juste pour pouvoir me baiser et te servir de moi comme jouet ?!

Il plisse les yeux, stupéfait de ma réponse virulente. Mais contrairement à ce que j'attends, son sourire devient amusé et il me regarde avec une infinie tendresse :

- Petit chat, tu n'y es pas du tout tu sais, si je veux que tu restes près de moi, ce n'est pas pour faire de toi mon jouet.

- Alors c'est pour quoi ? craché-je avec amertume.

Il se penche vers moi et m'embrasse. Son baiser est doux et tendre et je suis tellement surpris que je n'ai pas le temps d'y répondre que déjà il se sépare de moi :

- Je veux t'appartenir tout comme tu m'appartiendrais, je veux partager ma vie avec toi. Je veux devenir l'homme de ton cœur. Je t'aime Killian.

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