Chapitre 13

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J'écarquille les yeux quand je la vois. C'est un énorme manoir, presque aussi grand qu'un immeuble et entouré de hauts murs en pierres grises.

L'ouverture centrale est un majestueux porche en fer forgé composé de motifs complexes mais magnifiques.

Nous passons le portail et mes yeux s'ouvrent encore plus grand, car dans toute l'agitation créée par les hommes et les femmes, au milieu de la cour se trouvent des enfants.

- D'où viennent ces enfants ? demandé-je en regardant les deux frères.

Azraël me sourit tout en continuant de marcher vers l'immense bâtisse :

- Tu sais que notre gang est très grand et que du coup nous avons beaucoup d'ennemis, alors les enfants naissent ici et y sont élevés par leur mère jusqu'à leurs dix ans. Ensuite ils vont à Dark City pour, soit rejoindre les rangs du gang, soit faire leur vie comme ils le souhaitent.

- Je vois.

Nous progressons lentement. Beaucoup de personnes viennent nous saluer, enfin surtout les deux frères car moi on me regarde comme si j'étais un monstre. Mais je ne fais aucun commentaire, en fait je m'en fiche totalement, et au moins cela évite qu'on ne me bombarde de questions auxquelles je me lasserais vite de répondre. Cependant je ne peux m'empêcher d'être étonné en voyant la manière dont tous regardent Gabriel, comme s'il était un héros. Leurs yeux sont brillants d'admiration et d'adoration. Moi je n'arrive pas à l'imaginer comme autre chose qu'un connard qui me retient prisonnier contre mon gré.

Une fois que les deux frères ont fini de saluer tout ce petit monde, nous nous dirigeons enfin vers le bâtiment.

Il est en pierres brunes et grises, avec de hautes fenêtres et de loin, je ne m'en étais pas aperçu mais à l'arrière de cet édifice, se trouvent des bâtiments plus petits :

- C'est quoi les constructions derrière ?

Le frère ange me sourit tout en continuant d'avancer avec son frère et moi :

- C'est là que nous logeons tout le monde car il n'y aurait pas assez d'espace dans le manoir principal, alors nous avons fait construire ses petits appartements pour avoir assez de place m'explique-t-il.

Je ne réponds rien et me contente de le suivre. Nous entrons dans la bâtisse centrale et je suis assez surpris et émerveillé. Tout est décoré dans un style gothique et de l'époque de la Renaissance. Il y a un immense lustre au plafond, des tapisseries et de grands tableaux sur les murs ainsi qu'une moquette sur le sol. Et dans le hall, un énorme escalier monte dans les étages supérieurs :

- La déco est vraiment bien en tout cas !

Gabriel me regarde, amusé par ma réaction et je me demande ce qui peut bien le divertir dans mes propos comme cela :

- Merci, allez continuons, je vais te montrer notre chambre.

Je me fige net en entendant ces paroles. Il le remarque car il s'arrête à son tour et se tourne vers moi :

- Quelque chose ne va pas Killian ? demande-t-il avec innocence.

- « Notre chambre » ? Comment ça « NOTRE chambre » ? Tu veux dire que je vais encore devoir faire semblant d'être ton plan cul du moment ?

Il éclate de dire, mon dieu que son rire est magnifique, je crois que je pourrais passer toutes mes journées à l'écouter rire et... Non mais à quoi je joue là ? Il faut que j'arrête TOUT DE SUITE de penser à ce genre de chose.
J'expire un grand coup en le regardant et j'attends qu'il finisse de se foutre de ma gueule :

- Et bien Killian, je te signale qu'ici nous sommes toujours dans mon gang et que je dois continuer à faire croire que tu es mon nouvel animal de compagnie. Dans le cas contraire, plus personne n'y croira et tout le monde voudra de nouveau essayer de te tuer.

Je grimace en l'entendant me traiter à nouveau « d'animal de compagnie ». Voilà qu'il réveille à nouveau mes envies de le trucider !

- Je suis sérieux Killian, même ici nous devons continuer à faire semblant. Je sais que ça ne t'enchante pas mais dis-toi que je fais ça pour te protéger. D'accord ?

Franchement cela ne me fait pas plaisir mais que pourrais-je ajouter de plus ? Je n'ai pas vraiment le choix, alors je hoche la tête pour acquiescer :

- Je sais, je continuerais de faire semblant alors. Bon tu me montres « notre » chambre ? demandé-je avec résignation.

Un sourire satisfait étire ses lèvres et j'ai la forte impression de m'être fait totalement embobiné.

Nous montons le grand escalier du hall et nous passons de nombreuses portes avant d'entrer dans une immense chambre qui ressemble beaucoup à la sienne au QG de Dark City. Il y a un petit salon, avec une porte qui mène à une chambre et une autre à une salle de bain. Ici aussi il a une bibliothèque et une télévision.

Nous posons nos sacs et rangeons nos affaires. Azraël est parti dans ses quartiers qui se trouvent juste en face du nôtre :

- J'imagine que je n'ai pas le droit de sortir de cette chambre ? grogné-je en croisant les bras.

- Si tu as le droit, mais pas de t'éloigner hors de la propriété. Mes hommes ont pour consigne de ne pas te lâcher des yeux en mon absence, alors tiens-toi à carreaux petit chat.

Je le regarde, les yeux aussi ronds que des soucoupes, il vient vraiment de dire que je pouvais sortir et aller me balader ? Je n'arrive pas à y croire, il ne doit pas avoir peur que je me sauve pour me laisser une telle liberté :

- Tu es sérieux ? Tu te rends compte que je pourrais m'échapper si je sors ?

- Oui tu pourrais, seulement tu ne le feras pas, premièrement parce que tu n'y arriveras pas, et ensuite parce que tu n'aurais nulle part où aller et que si tu fais le moindre dégât dans la forêt l'esprit des bois te tuera. Donc non seulement tu seras raisonnable, mais en plus tu resteras sagement dans le périmètre.

L'envie de lui coller mon poing dans la figure se fait tout à coup très forte, je l'ai déjà fait, je pourrais recommencer ! Donc je me retrouve coincé ici et même si je peux sortir, au final ce n'est que la taille de la prison qui a changé. Quoi qu'il en soit... je ne suis pas libre.

De guerre lasse, je me laisse tomber sur le lit. Gabriel m'observe :

- Tu n'aimes pas être enfermé je me trompe ? demande-t-il en me regardant.

- Non, j'ai horreur de ça, je suis un félin et notre espèce a un besoin vital de liberté. Mon léopard a très envie de te sauter à la gorge pour te tuer car tu l'en empêches, mais je ne le laisse pas faire. J'arrive à le contrôler mais jusqu'à quand ?

- Vraiment ? Pourquoi ? Tu as trop peur que mes hommes où moi-même te tuons pour oser essayer de t'en prendre à moi ?

- Non, je ne veux juste pas devenir un monstre. J'ai déjà tué des gens c'est vrai, mais ce n'était jamais volontaire, ou je ne le faisais que pour sauver ma propre vie. Toi tu ne menaces pas ma vie et je serais un monstre si je te tuais juste parce que tu me tiens en cage.

- C'est une noble façon de penser, mais tu devrais te méfier, certains pourraient essayer de se servir de ça contre toi.

- Toi tu ne le feras pas, tu as beau être un ange déchu, ce n'est pas ton genre. Tu préfères jouer honnêtement même si tu n'hésites pas à ruser et faire des coups bas pour gagner. Ai-je raison ? l'interrogé-je en connaissant déjà la réponse.

Un autre sourire étire ses lèvres, visiblement j'ai tapé dans le mille et sa réponse montre que je ne me suis pas trompé du tout :

- Effectivement, tu es un fin devin apparemment. Je dois te laisser, reste tranquille d'accord ? Tu peux visiter la propriété si tu veux.

Il sort sans rien dire de plus. Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? Franchement j'ai dû mettre un Dieu en colère dans une vie antérieure ce n'est pas possible !

Je finis cependant par me lever, puisque j'ai l'autorisation de sortir d'ici et d'aller me balader, je ne vais pas m'en priver. J'aurais bien besoin de m'aérer après tout ce temps passé à ne rien faire d'autre que lire ou regarder la télévision.

Je sors de la chambre, les couloirs sont déserts et je décide d'approfondir ma visite du bâtiment. Le reste de la maison est décoré avec le même style que le hall d'entrée, mais je suis assez ébahi de constater que les quelques touches de technologie moderne se marient aussi bien avec le style Renaissance.

Au hasard de ma promenade, je croise surtout des femmes et des enfants qui me regardent bizarrement, je sens que la plupart d'entre eux ne sont pas humains. Ils doivent sans doute savoir que je ne le suis pas non plus. Mais je m'en fiche, du moment qu'ils ne me cherchent pas des noises. De plus, je n'aurais aucun scrupule à frapper une femme non-humaine si ça devait être pour me défendre.

Une fois la visite de la grande demeure faite, je sors dans le jardin, il est immense, surtout derrière la maison principale. Il se poursuit même au-delà des autres bâtiments qui servent d'appartements.

Je ne me gêne pas pour aller explorer les environs. Je sais que je suis surveillé, j'entends les gardes, leurs respirations, les battements de leurs cœurs, enfin pour ceux qui ne sont pas des morts-vivants. Je n'ai pas remarqué beaucoup de vampires ici.

Je continue mon exploration, j'aurais tellement aimé aller dans la forêt, hélas le mur d'enceinte s'arrête pile à la lisière de celle-ci. Mon léopard brûle d'envie de sauter par-dessus ce fichu mur et d'aller se dégourdir les pattes dans les bois. Seulement je ne peux pas car je n'ai franchement pas envie de devoir fuir ou même de me battre contre qui que ce soit. En plus ça donnerait une bonne excuse aux hommes de Gabriel pour m'amocher voire même me tuer.

Fataliste et un peu déçu, je décide de faire demi-tour les mains dans les poches. Je suis très frustré, au final.

Cette semi-liberté me hérisse le poil et me donne envie de frapper les gens mais je suis civilisé même si ma part animale brûle de n'en faire qu'à sa tête.

Je comprends mieux pourquoi j'ai eu l'impression de me faire avoir par Gabriel quand il m'affirmait que je pouvais aller n'importe où sur la propriété. En fait, le tour est vite fait... alors il ne me reste plus qu'à rebrousser chemin vers le manoir, direction la chambre.

Continuer à maudire ce stupide ange déchu ne sert à rien ! A quoi vais-je pouvoir m'occuper ?

Quelques petits coups discrets sont frappés à ma porte. Cette fois-ci, la personne prend le temps de s'annoncer !

- Salut Killian.

Je souris en reconnaissant la voix d'Aaron, mon gentil vampire Je l'aime vraiment beaucoup, sa joie de vivre le rend très sympathique :

- Salut Aaron, qu'est-ce que tu fais là ? lui demandé-je en le regardant.

- Ben, je suis venu te chercher pour le dîner enfin ! Gabriel mange en bas avec tous ses membres les plus proches et il m'a demandé de t'y conduire.

- Vraiment ? Comment ça se fait ? D'habitude je mange dans ma chambre donc je pensais que ça allait être la même chose ici.

- Non, il veut, comment dire ça de manière délicate, s'afficher avec toi pour continuer de faire croire que t'es à lui.

Je suis assez surpris, pas par ce qu'il vient de me dire, mais par la manière dont il l'a formulé, cela sous-entend qu'il ne s'est pas laissé avoir sur ce qu'a dit Gabriel de nous :

- Tu n'y crois pas toi ? Que je suis vraiment son « animal de compagnie » ? le questionné-je avec étonnement.

- Non, pas un seul instant, pour la simple et bonne raison que tu n'as pas son odeur sur toi et qu'il n'a pas la tienne sur lui. Cela veut donc dire que vous ne couchez pas ensemble et que donc, même si vous dormez dans le même lit, il a menti en affirmant que tu es son nouveau jouet. Mais ne t'en fais pas je ne le dirais à personne. Après tout je t'apprécie beaucoup trop pour laisser les autres te faire du mal. Je sais bien que le meilleur moyen de te protégé est de laisser les autres croire que tu es à Gab.

Je souris, ce petit vampire est vraiment très futé et en même temps, ça me touche qu'il tienne assez à moi pour vouloir me protéger sans arrière-pensées. Pas comme l'ange déchu qui veut juste me garder pour lui et me tirer tous les vers du nez concernant mon secret.

Il me retourne mon sourire et me conduit dans l'immense salle à manger au milieu de laquelle une grande table ronde est dressée. Un peu à la manière des chevaliers de la table ronde.

Les deux frères sont assis, entourés d'une dizaine d'hommes et de femmes, il y a même quelques enfants, mais deux places sont restées vacantes près de Gabriel :

- Viens, me dit celui-ci en me faisant signe de m'approcher.

Le vampire roux me conduit à la table et me fait m'asseoir juste à côté de l'ange déchu avant de se mettre sur l'autre chaise vide. Ça me rassure un peu de savoir que je vais l'avoir près de moi.

Gabriel se tourne vers moi et ses lèvres se fendent d'un beau sourire :

- J'espère que tu as faim Killian, mange autant que tu veux. Au fait t'es-tu bien promené ?

Je lui lance un regarda noir, ce connard sait très bien qu'il m'a arnaqué et cela semble l'amuser. J'ai bien envie de le tuer là tout de suite, mais je ne dois pas laisser la violence me contrôler :

- Oui, très bonne merci, lui répondé-je avec amertume.

Je regarde tous les mets posés sur la table : de la viande, des légumes, de la purée et du riz, le tout accompagné de sauces plus délicieuses les unes que les autres. Tout cela me met l'eau à la bouche et j'ai bien envie de me jeter sur tous les plats pour les dévorer... Mais je me retiens et me sers comme une personne polie. Bon je me sers beaucoup, mais j'en laisse suffisamment pour les autres.

L'atmosphère de la pièce est assez étrange, tout le monde mange en silence et beaucoup me regardent en coin. Finalement Gabriel lance la conversation et les convives, même moi, à ma plus grande surprise, nous détendons.

Les invités se mettent à parler de choses et d'autres, même Aaron discute avec son voisin pendant que moi je reste silencieux. J'ai l'impression de ne pas être à ma place ici, de faire tache, d'être de trop. C'est stupide, mais je n'arrête pas de me dire que je devrais manger seul dans ma chambre et je dois me faire violence pour ne pas prendre mon assiette et y aller.

J'enfourne la nourriture dans ma bouche et me concentre sur elle plutôt que sur ce qu'il se passe autour de moi. En tout cas, le repas est tout simplement divin ! Je ne sais pas qui a cuisiné mais je lui mets un vingt sur vingt, car c'est un pur délice ! En même temps, je trouve toujours tout délicieux.

Je continue de manger sans rien dire, le dessert est tout aussi succulent que l'entrée et le plat de résistance. C'est un énorme gâteau au chocolat qui a fait pousser des cris de joie aux enfants présents.

Puis alors que le repas se termine enfin, un homme s'approche, vient près de Gabriel et sort son téléphone avant de lâcher d'une voix dure :

- Patron, j'ai une mauvaise nouvelle : deux de nos gars ont été retrouvés morts il y a une heure.

Gabriel fronce les sourcils et regarde une photo que lui montre le type. Je ne peux m'empêcher de regarder et mon sang se glace dans mes veines.

L'image montre deux hommes dont le haut du corps est lacéré, leurs entrailles répandues partout sur le sol et le sang coule à profusion.

Mais ce n'est pas ça qui fait que mon corps se rigidifie, des frissons glacés me parcourent l'échine. Non... ! Inscrite à côté des deux victimes, je peux lire en lettre rouges... sang : « Nous t'avons trouvé Killian ».

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