Chapitre 6

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Tout n'est que douleur. Je flotte dans une souffrance sans nom, qui me ronge petit à petit, sans que je ne puisse rien y faire.

Tout autour de moi, il fait sombre, noir, froid... c'est lugubre et toujours cette douleur comme si des milliers de couteaux chauffés à blanc s'enfoncent dans mon corps encore et encore sans jamais s'arrêter. Pourquoi ai-je si mal ? Pourquoi les ténèbres m'entourent-ils ?

Je ne sens plus mon corps, j'ai pèse une tonne, je n'arrive plus à respirer, je me noie.

Puis tout disparaît tel un enchantement et je reprends lentement conscience.

La toute première chose que je ressens est une profonde névralgie dans tout mon corps mais bien plus accentuée au niveau de la tête. Un gémissement plaintif sort de ma gorge sans que je puisse le réprimer.

Au moment où j'ouvre doucement les yeux, et un grognement s'échappe de mes lèvres. La lumière, provenant sans doute d'une ampoule accrochée au plafond, blesse mes pauvres rétines sensibles.

Je regarde autour de moi, je bouge faiblement, mais dès que je fais un mouvement trop brusque, j'ai l'impression que l'étau qui retient mon cerveau prisonnier se resserre.

Je ne vois pas grand-chose, ma vision est floue. Pour le moment je ne distingue que de vagues formes, ainsi que des couleurs qui ont l'air plutôt sombres.

J'essaie de bouger un peu mon corps pour pouvoir mieux me tourner ou pour essayer de me lever. Cependant je réalise bien vite que je suis ficelé comme un saucisson sur une chaise. Savoir que je suis attaché, à la merci de n'importe qui, me met dans un état de panique immédiat. Je déteste être contraint, cela me rappelle de trop mauvais souvenirs.

Ma vision s'affine lentement et je peux, à présent, discerner plus de détails. Apparemment je suis dans une pièce aux murs en béton gris foncé, il fait frais, ce qui me fait supposer que je dois sans doute être sous terre. Il n'y a rien dans la pièce, sauf cette ampoule nue accrochée au plafond fait lui aussi de béton et la seule issue possible est une porte en fer en face de moi, sans doute fermée par un verrou, chose inutile puisque ce n'est pas du fer qui va m'arrêter

Je n'ai pas le temps de continuer plus en avant mon inspection car des bruits de pas se font entendre. Je n'ai pas envie que mes kidnappeurs sachent que je suis réveillé, alors je ferme les yeux pour leur faire croire que je suis toujours dans les vapes.

La porte grince et je sens d'autres présences dans la pièce, trois pour être exact :

- Il dort encore ? Tu n'y es pas allé un peu fort Matt ? demande une voix grave.

- Bien sûr que non enfin ! Bon j'avoue que j'ai peut-être surestimé sa résistance, mais je ne pense pas avoir exagéré pourtant.

Ce sont donc eux qui m'ont kidnappé, mais pourquoi ? Je n'ai rien de spécial, enfin si, mais ils ne devraient pas être au courant.

Soudain le silence. Je m'oblige à ne pas ouvrir les yeux et voir ce qu'il se passe. Je discerne encore des bruits de pas et une autre personne entre dans la pièce :

- Vous n'êtes qu'une bande d'idiots, vous le savez ça ? grogne la voix du nouvel arrivant.

- On peut savoir ce qui te permet de dire ça, stupide vampire ?!

Un soupir se fait entendre et l'homme, qui visiblement est un suceur de sang. Il s'approche et saisit brutalement mon visage entre ses mains. Je couine de douleur car il me broie presque la mâchoire et j'ouvre les yeux, croisant son regard rouge sang :

- Notre petit prisonnier est réveillé depuis belle lurette. Ce n'est pas bien d'écouter les conversations des gens sans y être autorisé, tu es un vilain chaton tu sais, me dit-il.

Puis, sans même que je puisse énoncer le moindre mot, il pencha violemment ma tête sur le côté avant de planter sauvagement ses crocs dans mon cou. Un cri de pure douleur m'échappe, ça fait mal, très mal même, j'ai l'impression qu'on m'enfonce des couteaux dans la gorge.

Ressentir mon sang aspiré par cette sangsue sur pattes est horrible, j'ai la sensation que ma vie quitte très lentement mon corps. Me sentir vidé, drainé de toutes mes forces physiques et psychiques est effrayant.

Je ne sais pas pendant combien de temps il se nourrit de moi. Une minute ? Deux ? Dix ? Je n'ai plus la notion du temps mais pour moi cela me semble durer des heures. Ma tête commence à tourner et des étoiles dansent devant mes yeux, mes paupières deviennent lourdes et je sens que je glisse de nouveau dans un état de semi-conscience :

- Lothaire arrête ! Tu vois bien qu'il n'en peut plus là ! Tu vas finir par le tuer si tu continues ! proteste une voix plus jeune que les autres.

Lothaire, puisque c'est comme cela que s'appelle ce satané vampire, grogne contre mon cou avant de reculer et je me sens tout de suite un peu mieux :

- J'espère que tu as compris la leçon stupide chat ! grogne-t-il en s'éloignant.

Je sais que j'aurais dû m'inquiéter qu'il m'appelle comme cela, mais je dois bien avouer que pour l'heure, c'est la dernière de mes préoccupations. Là et très vite, il faut que je trouve un moyen de sortir d'ici en un seul morceau.

Je finis par rouvrir les yeux et regarder mes kidnappeurs. Il y a Lothaire, dont les yeux sont d'un rouge inquiétant. Sa peau est si pâle qu'elle pourrait presque en être transparente et ses cheveux sont d'un noir de jais, attachés en une queue de cheval basse. Comme tous les vampires, il est habillé de manière assez chic, une chemise rentrée dans un pantalon et des mocassins. Le tout de la même couleur que ses cheveux. Il fait peur, son visage a beau être d'une beauté parfaite, ses yeux sont aussi froids et coupants que l'acier.

Je me concentre ensuite sur les deux autres hommes présents dans la salle et là je me fige. Ils sont translucides ! Enfin pas vraiment mais, mais je peux voir au travers d'eux ! Et ils n'ont pas de couleur. Ils sont entièrement blancs et leurs contours sont flous. Je n'arrive pas à y croire, ce sont des Spectres ! De vrais Spectres ! C'est la première fois que j'en rencontre, je sais qu'il en existe mais je n'aurais jamais imaginé en croiser un dans ma vie.

L'un d'eux fronce les sourcils tout en prenant la parole :

- Quoi ? Tu n'as jamais vu de Spectres ? Arrête de faire cette tête sinon je te replonge dans la douleur et le noir, c'est clair ?

À l'entendre dire ça, je comprends qu'il doit être Matt, il devait sans doute faire partie du groupe d'hommes qui m'a poursuivi dans la rue.

Je n'ose pas répondre à ce qu'il vient de me dire, je n'ai franchement pas envie de retourner dans un sommeil rempli de ténèbres :

- Qu'est-ce que je fais ici ? demandé-je en les regardant et le vampire affiche un rictus mauvais, me provoquant un long frisson glacé le long de la colonne vertébrale.

- Tu es notre prisonnier chaton, nous t'avons enlevé. Le boss veut savoir qui t'a envoyé pour tuer deux des nôtres et pourquoi.

- Quoi ? Mais de quoi tu...

Soudain, la lumière se fait dans mon esprit, il parle des deux hommes que j'ai tués hier ! Ils faisaient donc partie d'un gang ! Je comprends mieux. Ils doivent sans doute penser que je fais partie d'un gang rival et qu'on m'a envoyé pour éliminer les deux pervers d'hier soir :

- Attendez ! Vous faites fausse route, je ne fais pas partie d'un gang ! Je...

Je n'ai pas le temps de finir ma phrase qu'un coup violent s'abat sur ma joue. Ma chaise tombe sur le sol et je me cogne la tête en grognant. Je sens le goût du sang dans ma bouche et des points blancs dansent légèrement devant mes yeux :

- Te fous pas de nous, lâche le vampire d'une voix qui aurait glacé d'effroi un démon. Ici on n'aime pas trop qu'on s'en prenne à nos potes, tu comprends ? Alors tu ferais mieux de cracher le morceau avant que je ne défigure ton joli petit visage.

Il redresse la chaise et je le regarde, un peu sonné, il a frappé vraiment fort et je suis sûr que je vais avoir un joli hématome sur la joue. Il reprend :

- Alors, sois un gentil chaton et avoue tout, cela me ferait beaucoup de peine de devoir abîmer une frimousse aussi mignonne que la tienne. Si tu ne te mets pas à table rapidement, je vais être obligé de te frapper très fort. Et si jamais tu refuses toujours de parler, j'emploierai des méthodes beaucoup plus... douloureuses pour toi.

Un frémissement me parcourt de la tête aux pieds, je n'ai pas envie d'être violé. Je ne suis pas idiot, je sais que c'est ce qu'il m'arrivera si je ne lui dis pas ce qu'il veut savoir. Mais comment confesser des choses que j'ignore et qui n'existent pas ?

- Je te jure que je dis la vérité. Je viens d'arriver en ville. Je ne voulais pas les tuer, ils ont essayé de me violer, je n'ai fait que me défendre et...

Un nouveau coup, dans le ventre cette fois, me fait me plier en deux en crachant du sang, il ne me croit pas. Pourtant je ne dis que la stricte vérité.

Les heures suivantes ne sont que douleurs et coups. Il me repose sans arrêt les mêmes questions « de quel gang fais-tu partie ? », « Pourquoi on t'a demandé de les tuer ? », « Qui t'a demandé de t'en prendre aux nôtres ? », « Pourquoi ne dis-tu pas la vérité ? ». Moi je réponds invariablement les mêmes choses, que je ne fais pas partie d'un gang, que la mort de leurs camarades était un simple accident, qu'ils ont voulu abuser de moi... Mais ils ne sont toujours pas convaincus.

Je suis en très mauvais état. Le vampire n'y est pas allé de main morte avec moi. Il m'a frappé au visage, au torse, au ventre, aux jambes, partout où il pouvait me faire mal et il a plutôt bien réussi à salement m'amocher.

Il finit enfin par se reculer en marmonnant de frustration. J'ai de plus en plus de mal à rester éveillé, mais j'ai trop peur de m'endormir, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver. Ma lutte pour rester conscient est infernale de souffrance :

- Chaton, je suis vraiment désolé, mais la prochaine fois que je reviendrai je devrai utiliser des méthodes plus éprouvantes et cruelles. Tu aurais dû tout avouer quand tu en avais encore l'occasion. Mais je vais te laisser te reposer, tu es dans un sale état.

Il sort, suivi des deux spectres et moi je ferme les yeux pour tomber dans un sommeil salvateur et récupérateur.

À mon réveil, je me rends tout de suite compte que je n'ai plus du tout mal et que la plupart de blessures infligées par le vampire ont déjà guéri. Je suis plutôt content de ma capacité de régénération.

Je tends l'oreille, aucun bruit. Cependant, je dois être sans surveillance car je n'entends pas de respiration de l'autre côté de la porte. Bon ça peut aussi être un vampire ou un non-vivant qui me garde, mais je ne sens pas d'odeur non plus.

Vite ! Il faut que je me libère. Si je reste ici, je risque de devenir un jouet sexuel et très franchement, ça ne me tente pas du tout.

Je tire un peu sur mes cordes. Ah non, ce sont des chaînes ! Ils m'ont enchaîné comme un... un animal ! Je suis hors de moi, furax !

Je prends de longues respirations pour me calmer. Se laisser aveugler par la colère n'est clairement pas conseillé quand on veut avoir une chance de réussir à s'échapper. Premièrement, enlever mes entraves, ça semble assez facile si j'y mets toutes mes forces.

Je commence donc à tirer sur mes liens, normalement ils ne devraient pas tenir longtemps... Mais contre toute attente les chaînes ne se brisent pas. Comment est-ce possible ?! Je sais que j'ai assez de force pour les briser alors pourquoi est-ce que je n'y arrive pas ? Ce n'est pas normal !

Je baisse la tête pour les examiner. Une légère lueur verte brille faiblement chaque fois que je tire trop fort dessus. De la magie ! Ils ont ensorcelé mes liens pour qu'ils ne se cassent pas ! Mais cela veut dire qu'ils savent que je ne suis pas humain, sinon ils m'auraient ligoté avec de simples cordes, ou ils n'auraient pas appliqué un enchantement sur les chaînes.

Que faire ? Je n'arriverais pas à me libérer sans...

Je grimace, je n'ai pas envie d'en arriver à cette solution, je n'aime pas l'envisager car je sais que je peux facilement perdre le contrôle et cela me fait peur.

Mais en même temps je n'ai pas vraiment le choix, je n'ai pas envie de rester enfermé ici à me faire frapper et violer.

Je pousse un soupir désabusé et fataliste. Puis je ferme les yeux afin de me concentrer pour la faire sortir. La bête, celle qui a tué les deux hommes et bien d'autres encore.

Je la perçois, elle s'éveille à mon appel et commence à prendre peu à peu possession de moi. Je sens ses crocs qui enflent dans ma bouche, mes ongles qui deviennent ses griffes. Mes sens se font encore plus fins qu'ils ne le sont déjà et je sais qu'une queue et des oreilles de félin sont apparues et que mes yeux sont devenus argentés avec des pupilles fendues. Une soif de sang s'empare de tout mon être et je dois faire un effort surhumain pour ne pas me laisser submerger par elle.

Je deviens de plus en plus fort. Je vais enfin pouvoir sortir d'ici. Je recommence de nouveau à tirer sur les chaînes. La lueur verte revient, mais je ne lâche pas le morceau et j'insiste en tirant encore plus de toutes mes forces.

Après quelques essais, les mailles se détachent enfin et le métal tombe à mes pieds. Lorsque je me lève, je suis obligé de m'agripper au dossier de la chaise. Mes jambes sont ankylosées, j'ai passé trop de temps assis. Je reste quelques instants sans bouger, le temps de retrouver l'usage de mes jambes et ensuite je me dirige vers la porte. Elle est fermée à clé, ce n'est pas surprenant, mais ce n'est pas une petite porte en métal qui va m'arrêter.

Je me recule un peu pour prendre de l'élan et donne un violent coup de pied. La porte se détache de ses gongs et va s'écraser contre le mur en pierre dans un fracas assourdissant. Bon, niveau discrétion je pense que je ne suis pas au top. Il faut que je parte tout de suite si je ne veux pas me faire attraper.

Je commence à courir le long d'un couloir fait de pierres noires, muni d'ampoules nues pendues au plafond à intervalle régulier. Je sens ma soif de sang grandir et je me force à l'ignorer. Ce n'est pas le moment de faire un carnage.

J'arrive assez rapidement au bout du tunnel, devant un escalier en colimaçon. Sans me poser de question, je le gravis. Je ne croise personne, tant mieux.

Au bout d'une trentaine de marches, je me retrouve devant une autre porte en métal que je défonce sans prendre le temps de savoir si elle est ouverte ou pas.

La lumière vive me blesse les yeux et il me faut quelques instants pour m'habituer à cet éclairage aveuglant.

Je suis cette fois dans un couloir aux murs beiges, avec un tapis blanc qui recouvre le sol. Je chemine quelques mètres plus loin jusqu'à une troisième porte, mais contrairement aux deux autres, elle est de bois peint en blanc.

Cette fois, je l'ouvre sans la détruire tout en reprenant mon apparence normale. Cependant, je reste toujours sur mes gardes, prêt à me battre pour fuir.

Enfin j'atteins le hall d'accueil avec un sol en carrelage et des murs bleus. Il y a des plantes pour donner un côté plus chaleureux. Et au beau milieu se dresse un énorme bureau en bois.

Tout au fond j'aperçois un immense escalier et un imposant lustre en cristal qui pend. Quelque chose me paraît étrange, il n'y a pas de clients ici. C'est bizarre, il ne devrait pas y en avoir dans les hôtels ? Parce que je suis bien dans un hôtel là !

- Hey toi ! crie une voix grave.

Je sursaute puis me tourne dans la direction de cette voix caverneuse. Un homme en costard, monté comme une armoire à glace, court vers moi en me pointant avec un pistolet, merde ! Il est suivi par d'autres gars, dont Lothaire et Matt !

- Il ne faut pas le laisser s'échapper ! Attrapez-le ! entendé-je.

Sans même prendre le temps de trouver la bonne direction, je prends mes jambes à mon cou et file le plus rapidement possible et surtout... le plus loin d'eux.

Je sens une brume noire essayer d'envahir ma tête. Le spectre doit être en train d'utiliser son pouvoir sur moi et je résiste de toute ma volonté pour ne pas laisser les ténèbres m'envahir.

Je cours au hasard dans les couloirs, je ne sais pas où je vais, mais j'espère échapper à mes poursuivants. Je n'ai franchement pas envie de retourner dans la prison et de subir les pires tortures possibles et imaginables.

Je fuis pendant ce qui me semble une éternité. Je sens le noir et le froid qui se rapprochent, mais je m'accroche à ma volonté, de toutes mes forces.

Cependant, sa magie gagne du terrain, je ressens l'épuisement de mettre toutes mon énergie dans cette lutte mentale.

Au détour d'un couloir, je me heurte violemment à deux hommes et je tombe à terre, je n'ai plus assez de puissance pour me relever. Ma vision commence déjà à s'obscurcir et quand je lève la tête pour regarder devant moi, je me fige. L'homme du restaurant, celui qui a voulu m'offrir un verre se tient devant moi et à ses côtés se trouve... Azraël qui me regarde, surpris :

- Killian ?

Je n'ai pas le temps de dire ou de faire quoi que ce soit car je sombre de nouveau dans le noir.

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