Ma Mère, une existence auréolée de mystères...

de Image de profil de Patrice LucquiaudPatrice Lucquiaud

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 - Première partie : d'une guerre à l'autre.


Germaine Adolphine Moreau est née le 18 Octobre 1908 à Aubervilliers, son père avait 15 ans et sa mère 16 ans …

Bien que je garde de ma mère, un souvenir impérissable, sa vie est pour moi, auréolée de mystères …
Je n’avais que 18 ans quand elle est décédée, encore jeune, dans sa 54ème année et je venais juste d’entamer mon service militaire… Ma première permission fut pour aller à son inhumation …

Ne restaient que les souvenirs de mon enfance encadrés par les boucles brunes de ma mère, son parfum délicat et le chaud de sa voix … Elle est partie avec une bonne part de mystère sur la tranche d’existence, avant qu’elle soit ma mère …

  Étant le seul enfant qu’elle ait eu, sur le « tard » à 35 ans, je ne savais pratiquement rien de sa vie de jeune fille puis de sa vie de jeune femme … Ses secrets, sans doute lourds à porter et qu’elle a certainement volontairement effacés pour les oublier, elle les a emmenés avec elle, dans l’au-delà … Peut-être, qu’à mon retour du régiment, elle m’aurait révélé certaines anecdotes de sa vie avant ma naissance… En réalité, j’étais encore un gamin quand je suis parti pour l’armée et sans doute pas assez mûr pour recevoir ses confidences. La seule chose que je savais c’est que sa mère, ma grand-mère maternelle donc, l’a eu tôt, s'étant retrouvé enceinte, à 15 ans, d’un jeune-homme adolescent comme elle. Ainsi ma mère avait des parents très jeunes. De ma grand-mère, sa mère elle ne m’a rien dit de plus, et ne répondait que de façon très évasive à mes questions sur le sujet, me faisant comprendre qu’elle ne la voyait plus ni ne comptait la revoir … premier mystère … pourquoi ?  Quant à mon grand-père, son père, il est mort jeune, des suites de ses blessures au front, pendant la première grande guerre et sans doute de maladie nosocomiale à l’hôpital militaire auxiliaire de Saint Denis, le 4 Novembre 1918 …

Ainsi fut, que de ma mère, je n’ai connu que ce que nous avons pu échanger ensemble d’affection car elle m’a entouré de beaucoup de tendresse et de soins, s’est toujours montrée attentive à mon éducation, suppléant l’autorité de mon père auquel elle vouait un amour sans limite et sans doute passionné …
J’ai eu la chance d’avoir des parents qui s’aimaient et s’appréciaient, de bénéficier de cet entourage à la fois protecteur et formateur dans un climat familial sain et surtout joyeux  mais hélas, trop court, s’agissant de la présence de ma mère …

Mais qui était-elle vraiment ?

Nous venions juste d’arriver à Mirebeau comme retraités, quand, au mois de janvier 2005, je reçois la lettre d’une personne inconnue de moi, lettre qui, avant de me parvenir, était passé en Normandie où nous étions, précédemment, en activité …
Relisant cette lettre à plusieurs reprises, ce fut pour moi un choc, car elle m’était envoyée par une cousine de quatre ans mon aînée et dont les écrits me révélèrent que ma mère avait une sœur, la mère de cette cousine, une tante donc, toujours en vie et maintenant âgée de 92 ans…
Moi, je ne savais pas que ma mère avait une sœur… je tombe des nues …  Je réponds aussitôt à cette cousine avec laquelle, nous faisons connaissance lors de sa visite, ici, chez nous, en Eté 2005. Je me souviens encore du choc que ce fut pour moi quand elle apparut sur le seuil de notre porte, j’étais stupéfait par la ressemblance avec ma mère : même taille, même chevelure, très brune, même yeux noisettes,  même visage rond, aux douces fossettes …
A l’occasion de cette rencontre, j’apprends qu’elles étaient trois sœurs : ma mère qui était l’ainée, puis la benjamine née en 1912 et décédée toute jeune enfant à l’âge de trois ans  et demi, prénommée Suzanne, puis la cadette, la mère de ma cousine, du nom de Marcelle née en 1913 … Ma cousine me montre alors des photos de ma tante et bien sûr la ressemblance avec ma mère est flagrante… Mon Dieu !
Pourquoi ma mère ne m’a jamais révélé qu'elle avait des sœurs ?... que cache ce lourd et long silence à ce sujet … C’est quelque peu douloureux … la guerre bien sûr, et les malheurs qui en résultent, brisant, déchirant les familles !… Un nouveau mystère s’ajoute au précédent…
Et tout à coup un éclair me vient ; ma mère se faisait toujours appeler Suzanne alors que par son identité elle se prénomme Germaine … Est-ce en souvenir de cette sœur qu’elle a connue  et qui avait quitté ce monde dans la petite enfance ?... 

Mais le plus grave de ces révélations que me fait la cousine, documents à l’appui, tient au fait que les deux sœurs de ma mère ont été placées à l’assistance publique tout au début de la guerre. En Décembre 1915, Lucien mon grand père obtient une permission et se marie avec Amandine, ma grand-mère maternelle donc. En même temps, il reconnait officiellement les trois filles qu’ils ont eu ensemble… Remise par la cousine, je possède une photocopie de l’acte de ce mariage écrit sur deux pages du registre et comportant également la mention officielle de reconnaissance des trois enfants…
Hélas ma grand-mère, simple journalière, comme beaucoup de petites gens pendant cette grande guerre, se trouve dans une misère noire et ses deux filles ne lui sont pas restituées, le temps que Lucien reste au front… pire, on ne corrigera pas leur identité quant à leur patronyme, ainsi, les deux fillettes garderont le nom de leur mère. Au début de l’année 1916, Suzanne  décède  dans sa quatrième année. En 1917 Lucien gravement blessé au front, est transféré à l’hôpital militaire auxiliaire de Saint Denis où il décédera un an plus tard… Marcelle restera à l’assistance publique.   Ma Grand-mère maternelle n’a conservé que la garde de son aînée, ma mère …  Ces malheurs de ma grande famille maternelle constituent là, un troisième mystère.  

Au début de l’année 2006, ma cousine qui effectue des recherches sur sa famille vient à découvrir l’existence d’une autre cousine. Cette dernière vient alors, à me contacter au téléphone. Elle porte le nom de famille de jeune fille de ma mère et m’apprend qu’elle est la fille d’un frère de ma mère né M... en 1919 … Ce dernier, décédé il y a environ une dizaine d’année, avait connu ma mère, sa sœur ainée et longtemps après, il se souvenait encore d’elle … D’après cette cousine, il avait  4 ou 5 ans quand ma mère a quitté le domicile familial au milieu des années « 20 ». Elle n’était pas encore majeure… Après le décès de Lucien son mari, ma grand-mère Amandine, va connaître un autre homme et vivre en concubinage avec lui. C’est un commerçant d’Aubervilliers, boucher de son métier et patron de son affaire.  Prenant ma grand-mère et sa fille aînée, ma mère, sous son toit, il sort l’une et l’autre d’une existence misérable. Tout cela je l’apprends de cette deuxième cousine par conversation téléphonique puis par quelques échanges épistolaires… Cette dernière qui habite Aubervilliers, étant à la retraite au cours de l’année 2006, me dit qu’elle va déménager et habiter le sud de la France. Ce qu’elle a fait mais, depuis nous avons perdu le contact …

Si je résume, l’enfance de ma mère, laquelle, ne m’en avait jamais rien dit, se passe dans des conditions difficiles jusqu’à la fin de la guerre. Au début des années « 20 » elle doit sans doute profiter d’une existence plus confortable et même recevoir une bonne instruction scolaire puisqu’elle obtient son brevet. Elle écrit magnifiquement et sans faire la moindre faute d’orthographe et est grande consommatrice d’œuvres littéraires. Seul ombre à ce tableau : ses sœurs qu’elle a du connaître et qui elles sont restés pupilles de la nation, l’une n’ayant pas survécu …

Il semble qu’à l’âge de 16-17 ans, ma mère quitte le foyer familial protecteur. Pour quelle raison ? À la suite de quoi ? Quel événement l’a ainsi poussé à se jeter dans la rue ? Mystère, une fois de plus… On peut supposer pas mal de choses. Dans des bribes de conversations que ma mère avait avec mon père, à propos de souvenirs qu’elle évoquait avec beaucoup de parcimonie, je l’avais entendu parler d’un oncle qui était peu respectueux envers elle et aussi, de disputes qu’elle avait fréquemment avec sa mère de seulement 16 ans son aînée … L’oncle en question,  n’était-ce pas le concubin de ma grand-mère ?

Ainsi sommes-nous arrivés aux années «24-25» C’est semble-t-il à cette époque que ma mère prend son avenir en main…  Avec quelles ressources s’en sort-elle ? Quelle activité lui permet de gagner sa vie ? Mystère … une fois encore !…

Quand elle connaîtra mon père quelques 18 années plus tard, elle est propriétaire d’un appartement à Paris dans le 17ième arrondissement, possède beau mobilier, bijoux et vêtements chics. C’est une Dame distinguée et cultivée qui fréquente les champs de courses et connaît pas mal de personnalités comme Eric Von Stroheim, Pierre Frenet, elle est également ami avec Roger Poincelet, Jockey dont la renommée s’amorce justement, à la fin des années « 30 » … Voilà qui constitue un énième mystère …

à suivre : les années "40"

AutobiographieChronique
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